• CHAPITRE SOIXANTE-ET-ONZE •

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— A —

Antonina est partie tôt ce matin et j'ai ressenti un immense soulagement à l'idée de ne pas avoir à la croiser. Alors que je savoure un café brûlant, je réfléchis à cette décision, à cette alliance inattendue avec ma Némésis. C'est une partie de mon passé que je croyais enfouie profondément, mais il semblerait que j'ai creusé moi-même pour la déterrée. Je dois donc assumer les conséquences de ce choix. J'ai tout de même un pincement au cœur en pensant à James et aux garçons. J'ai lâchement abandonné tout le monde...

Quelqu'un frappe à la porte d'entrée et je retiens mon souffle. Je suis totalement paranoïaque à cause de Monsieur bleu acier et c'est parfaitement ridicule. Je m'approche de la porte, mais il n'y a pas d'œilleton pour voir qui se tient derrière.

— Qui est là ? je demande.

La personne de l'autre côté de la porte me rétorque qu'elle ne comprend rien. Ah...

— кто это ? [Qui est-ce?]

Il se présente comme Miloslav, le petit ami d'Antonina, et implore en russe l'autorisation d'entrer. Peu importe s'il a des affaires à récupérer ou non, il est hors de question que je le laisse entrer. Mon refus ne semble pas lui plaire et il réplique en lançant une avalanche de jurons. Génial! J'essaie de le calmer en lui promettant d'informer Antonina de sa visite, mais il s'accroche à sa demande et refuse de partir. Un silence tendu s'installe, de plus en plus pesant à mesure que les secondes s'égrènent, alors je mets fin à cette conversation en tournant les talons. Ses injures bourdonnent à mes oreilles, mais je choisis de les ignorer. J'ai le sentiment que cette porte ne résistera pas longtemps si jamais il décidait de la forcer. Je n'ai aucun moyen de contacter Antonina, mais je ne devrais pas être surprise par ses fréquentations douteuses. Malgré les années qui passent, certaines choses ne changent pas.

L'horloge indique vingt-trois heures passées quand ma co-locataire de fortune fait son retour. Je n'ai pas quitté l'appartement de toute la journée, non seulement parce que je ne sais pas par où commencer, mais surtout à cause de la crainte que le prince charmant d'Antonina n'erre encore dans les parages.

— Salut, paillette ! Tu n'as pas bougé ? demande-t-elle, manifestement surprise.

Elle me jette un regard dédaigneux, mais je choisis de ne pas répondre. Nos relations n'ont pas toujours été aussi tendues, mais nous avons traversé des épreuves qui nous ont irrémédiablement éloignées l'une de l'autre. La vie étant ce qu'elle est, nous avons laissé les choses se dégrader jusqu'à un point de non-retour.

— Je sens d'ici que tu as besoin d'une douche !

— Nina...

Je commence, mais décide de m'abstenir. Je suis épuisée et je n'ai pas l'énergie pour m'engager dans une dispute stérile. Elle rit avec une cruauté mordante tout en allumant une cigarette près de la fenêtre. J'en profite pour l'observer. Sa beauté est indéniable, mais je m'attarde principalement sur son corps incroyablement sculpté et ce port altier si particulier qu'elle maîtrise à la perfection. Antonina fait partie de ces personnes qui en imposent en un simple regard.

— Ton petit ami est passé, je finis par lâcher.

— Petit ami ? répète-t-elle, perplexe.

— Miloslav.

Elle se redresse si brusquement qu'elle manque de se cogner contre la fenêtre.

— Ce n'est pas mon petit ami ! Qu'est-ce qu'il voulait ?

— Apparemment, il venait chercher des affaires.

— Tu lui as ouvert ?

Elle essaie de le masquer, mais je vois que son anxiété gagne progressivement du terrain alors que je ne lui fournis pas la réponse désirée. Je me lève sans hâte, débarrasse mon assiette et lave tranquillement la vaisselle sans lui prêter attention. Ce n'est qu'une fois ma tâche terminée que je lui donne satisfaction.

BALLERINAWhere stories live. Discover now