Chapitre 41

588 96 54
                                    

Eros et moi traversons le couloir, jusqu'à l'origine du bruit. En réalité, Rewind et Julio ne sont pas partis très loin. Ils sont en ce moment même à la porte d'entrée d'une chambre. D'une chambre qui n'appartient ni à Eileen ni à Bianca.

Alors... Je m'avance et me poste à la droite de Rewind. Je me retiens de rire en voyant le désastre. Je n'ai plus besoin de m'attarder sur le propriétaire de cette chambre : elle appartient à Kereya.

Je fais un pas en avant et mes yeux balaient du regard la pièce. Des rouleaux de papier toilette ont été lâchement déroulés de son lustre jusqu'à son lit, en passant par chaque meuble, chaque commode, chaque fenêtre. Des petits bouts ont été éparpillés par terre, ses draps sont retournés dans tous les sens et gisent au sol, ses tiroirs ouverts et renversés.

C'est un vrai désordre. Pire qu'un désordre, c'est un crime d'envergure. Mamie tient toujours sa tronçonneuse dans les mains et se tourne vers moi, un immense sourire aux lèvres.

— Que penses-tu du résultat ?

Je me retiens de rire. Eros, lui, se décale pour voir à son tour le spectacle. Je remarque alors que Julio a revêtu son costume de vampire. Deux crocs se dessinent sur ses dents, et du faux sang coule le long de sa bouche. Les cols de sa cape remontent sur le côté, et ses cheveux blonds comme les blés sont à présent teintés de gris.

— Corrompre le mal par le mal, c'est saccager la chambre de Kereya ? se moque Eros en passant une main dans ses cheveux.

Je me rends compte qu'il l'appelle tout le temps par son prénom. Je ne pense pas l'avoir déjà entendu l'appeler autrement.

Mamie relève la tête, fière d'elle.

— Si tu crois que notre plan se base seulement sur cela, c'est que tu sous-estimes nos capacités.

Des pas dans le couloir nous interrompent soudainement. Je me retourne pour voir Kereya à l'autre bout du couloir. Elle ne nous a pas encore vus et, brusquement, Mamie nous tire tous les deux par le bras pour nous faire entrer dans la chambre.

Elle nous pousse dans un placard avec Eros tandis que Rewind vient de se cacher sous le lit. D'ici, nous arrivons à entrevoir la scène à travers les raies de lumière dans la pièce.

— La lumière ! s'exclame Mamie.

Julio s'empresse de l'éteindre et seule la lampe de chambre est restée allumée, donnant un côté rassurant à la pièce.

Julio se place alors accroupi devant le lit, de l'autre côté, tandis que Mamie, elle, se cache à droite de la porte, de façon à ce que Kereya ne la voit pas en rentrant.

Leur plan ne s'arrêtait pas là. Et pour la deuxième fois en une soirée, je me retrouve dans un endroit exigu avec Eros.

Dans l'obscurité, sa main frôle la mienne. Ses doigts effleurent le dos de ma main, avant de remonter lentement le long de mon bras. Mon rythme cardiaque s'accélère, mon souffle se coupe. Eros regarde droit devant lui, et je jurerais entendre son cœur battre aussi fort que le mien.

Il me rend folle.

Je n'ai pas le temps de m'épancher sur la nature de mes sentiments. La porte s'ouvre sur une Kereya soufflant comme un taureau. Ainsi, Mamie est cachée derrière la porte. Kereya ne la ferme même pas et s'approche de sa commode pour y déposer ses bijoux.

Elle retire son collier avant d'enlever ses boucles, puis ce sont ses bracelets au poignet qui disparaissent. La pièce est si silencieuse que l'on croirait presque qu'il n'y a qu'elle.

Mais alors, Kereya pousse un hurlement. Eros retient un rire quand nous voyons Rewind, caché sous le lit, agripper la cheville de Kereya.

Celle-ci recule, horrifiée, et la suite des événements s'enchaînent. Julio se lève, une lampe-torche dans les mains (je ne sais même pas où il s'est dégoté ça), et commence à ricaner comme un démon satanique.

— Mais qu'est-ce que...

Kereya ne finit pas sa phrase. Julio se met à pousser des grognements, quand alors, Mamie fait une entrée magistrale. Le bruit de sa tronçonneuse résonne dans la pièce et je crois bien que je n'ai jamais entendu d'aussi puissants hurlements de toute ma vie.

Mamie s'approche et Kereya prend ses jambes à son cou. Elle pleure en même temps qu'elle crie en sortant de la pièce et Mamie la pourchasse en-dehors.

— En l'honneur de mes défunts coquelicots et du malheur que tu sèmes autour de toi, je vais t'arracher ta tête de vache ! s'époumone Mamie.

Elle ne court pas assez vite que Kereya.

— Gardes ! Gardes ! Arrêtez-les ! hurle-t-elle.

Eros repousse les portes du placard et me prend la main. Nous sortons de sa chambre tandis que Rewind se relève tranquillement comme si de rien n'était. Il serre la main de Julio en le félicitant.

— Excellent boulot, soldat. Nous vous appellerons pour des prochaines missions.

Il lui fait le salut militaire et Julio l'imite, un sourire resplendissant aux lèvres. Je ne sais pas quoi penser de toute cette mise en scène, mais honnêtement, je me retiens de rire depuis que j'ai vu le carnage dans sa chambre.

Eros et moi sortons de la chambre pour voir Mamie toujours en train de poursuivre Kereya. Celle-ci se retourne et nous jette un regard empli de mépris.

Alors, Eros tend l'oreille. D'ici, nous arrivons à entendre quelques nots de la musique jouée au bal. Il se met à courir en me tirant derrière lui.

— Eros ! Qu'est-ce que tu fais ?

Il ne me répond pas et dévale les escaliers, un immense sourire aux lèvres. Je crois que ce sourire, je m'en rappelerai toute ma vie. Je crois bien que je n'ai plus besoin de me voiler la face.

Je suis en train de tomber amoureuse de lui.

Ça n'a pas été le coup de foudre immédiat entre nous. Je n'ai pas eu une révélation en le voyant, loin de là. Mais ce que je vois aujourd'hui me fait réaliser. Eros est le seul à me voir comme je suis réellement. Avec lui, pas besoin de jouer un rôle. Pas besoin de paraître, j'existe avec lui. Pour lui.

Il me tire devant les portes ouvertes de la salle de réception, et la musique est beaucoup plus forte ici. Je m'attends à ce que nous entrions tous les deux à l'intérieur, mais il me prend par les mains et me fait reculer.

— Son Altesse Royale m'offrirait-elle cette dernière danse ?

Il me tend sa main, un sourire ravageur aux lèvres. S'il savait que je lui dirais oui mille fois...

Je lui renvoie son sourire et accepte sa main. Je ne me demande même pas pourquoi nous n'allons pas à l'intérieur. C'est beaucoup plus intime ici et puis, qui pourrait nous voir excepté quelques gardes ?

Je m'attends à ce qu'Eros me prenne par la taille mais loin de là. Ses doigts s'accrochent aux miens et il s'amuse à me faire tournoyer sur moi-même. Il fait alors un pas en avant, deux en arrière, me fait tourner, me ramène à lui pour me repousser au loin et j'éclate de rire.

Nous ne sommes pas en rythme avec la musique, nos pas de danse sont infâmes et pourtant, ce moment est d'une beauté inoubliable.

— Ton rire, Arynn... Ton rire est la plus belle chose qu'il m'ait été donné d'entendre sur terre.

Il se fige dans ses mots et mon sourire ne faiblit pas, bien au contraire. Je m'approche, saisis son visage et l'embrasse pleinement. Plus de timidité, de peur ou autre.

Il n'y a que nous qui compte. Dans un monde qui tente de nous séparer, plus rien n'a d'importance hormis ses lèvres embrassant les miennes.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 4Where stories live. Discover now