Chapitre 63

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Je cours. Je ne sais pas où mais je cours. Je cours jusqu'à avoir mal aux poumons. Je suis une piètre coureuse, je pense que l'épreuve du Jeu des Roses a été suffisante pour montrer mon talent oublié.

Quand je me retourne, je vois qu'Eros me suit. Génial. Je ralentis le pas, et je me rends compte que nous sommes dans les bois. Il semble à peine essoufflé par sa course et je m'arrête nette pour lui faire face.

Je lève les yeux vers le ciel qui se couvre de gros nuages gris. De fines gouttent commencent à tomber, et je dois saisir quelques secondes pour reprendre mon souffle.

Eros me dévisage avec une expression troublée au visage. Je ne sais même plus où nous en sommes. Je ne compreds pas ce qu'il m'arrive. Je ne comprends pas ce que le petit discours de Mamie a déclenché chez lui.

— Arynn...

— Non, tais-toi. Si tu savais à quel point je te déteste en ce moment même. Tu allais l'épouser, Eros !

— Non, je n'allais pas l'épouser.

— Tu allais dire oui ! je m'époumone. Cesse de me mentir !

Mais il me prend par les épaules et plonge ses yeux dans les miens.

— Non, Arynn, je n'allais pas épouser Willa. Je suis allé voir Mamie avant le début du mariage. Et comme d'habitude, il y avait toute la petite clique autour. Je leur ai tout expliqué, je leur ai dit... je leur ai dit que je t'aimais, et que je ne voulais pas me marier avec cette fille. Mamie a alors eu l'idée de s'opposer au mariage par la force. Plus on était nombreux et plus Kereya était impuissante.

— Alors... Alors son discours était déjà préparé ? Tout était planifié ?

— Non, elle vient juste d'inventer son discours. Et ça a eu son effet. Quoiqu'il en soit, Kereya est dans les vappes. Rewind va la faire enfermer pour tentative de meurtre. Elle a scellé son propre sort à partir du moment où elle a tenté de te tuer. Elle sera renvoyée à Calington dès demain et mon père s'occupera d'elle. Je crois qu'elle a été prise dans sa propre folie, ses actes ont dépassé ce qu'elle avait planifié. Ce qui n'est que bénéfique pour nous.

— Nous ? Il n'y a aucun nous ! Tu... tu m'as brisé le cœur, Eros, tu as embrassé cette fille sous mes yeux, et j'étais dehors, elle m'avait enfermée et je ne pouvais pas rentrer et... Les deux semaines sans toi étaient horribles... Eros, j'ai pensé... j'ai cru que tu n'avais jamais éprouvé la même chose et... ta lettre, je n'ai pas su comment réagir, je voulais tellement te prendre dans mes bras mais... je t'ai détesté, du plus profond de mon cœur, et maintenant...

— Maintenant, je suis là. Les mots ne seront jamais assez forts pour te dire à quel point je suis désolé, Arynn. Tout est de ma faute, j'en ai conscience. Quand je t'ai vue blessée... J'ai vraiment cru que j'allais te perdre, j'étais tellement en colère contre Kereya... Mais je me sentais impuissant, j'étais perdu... T'ignorer hier, je... J'avais honte, j'avais honte d'avoir agi de la sorte, je refusais de t'affronter parce que je ne voulais pas voir le dégoût sur ton visage... Je suis tellement désolé.

Il me serre dans ses bras. Je renifle comme une autruche et mes larmes inondent sa chemise blanche. Je recule et lui frappe le torse de mes poings.

— Je te déteste toujours.

— Et moi je t'aime plus que tout. Je sais que je me suis comporté comme un abruti mais... Mes lettres étaient bien réelles, mes sentiments t'ont toujours été voués.

Je veux le fusiller du regard mais tout ce que j'arrive à faire, c'est pleurer encore plus. Alors Eros me ramène contre lui, et je colle ma tête contre son torse.

Son cœur bat si vite, si fort.

— Et maintenant ? je souffle.

— Maintenant, si tu veux encore de moi, je suis là.

Si je veux encore de lui ? J'ai rêvé de lui nuit et jour pendant deux semaines. J'ai rêvé de ce moment si bien que j'ai l'impression que ce n'est pas réel.

Je recule et le dévisage avec froideur.

— Il faudra plus que quelques mots pour te faire pardonner.

Mais dans le fond, je suis fatiguée de cette histoire. J'ai eu l'impression d'être trompée, mes émotions ont été décuplées depuis quelques semaines et mes pleurs... Je suis épuisée de pleurer.

— Je sais ce qui pourrait arranger la situation.

Je croise les bras sur ma poitrine, dans l'attente de la suite. Mais tout ce qu'il fait, c'est se pencher et m'embrasser.

Nos lèvres se rejoignent doucement. C'est furtif, cela ne dure que quelques secondes. Il recule alors que moi, je reste outrée de son audace.

Le ciel devient de plus en plus noir sous nos tête et Eros pousse un petit soupir.

— Nous ferions mieux de rentrer avant qu'il ne pleuve des torrents.

Mais il pleut déjà des torrents. Et j'ai déjà bien trop attendu dans ma vie ce moment. J'ai espéré tant de choses, j'ai grandi avec Eros, j'ai vécu un ascenseur émotionnel, j'ai douté.

J'ai aimé, j'ai souffert, j'ai donné, j'ai perdu. Mais aujourd'hui, Eros est encore là.

Et je crois que mes émotions sont en train d'exploser. Si Kereya doit revenir demain nous arracher notre bonheur, alors je me dois de l'aimer une dernière fois.

Je m'avance et attire son visage contre le mien. Nos bouches se trouvent et se redécouvrent. Je n'ai jamais ressenti autant d'amour pour quelqu'un. C'est comme un trop plein d'émotions. Ça me prend aux tripes, ça m'empêche de respirer.

Nos souffles se confondent, la pluie se mêle à notre baiser, ses cheveux et les miens sont bientôt dégoulinants mais honnêtement, qui s'en soucie ? Il n'y a que lui et moi dans ce monde.

Ce sera toujours lui et moi.

Ses mains m'agrippent par la taille et ma poitrine se retrouve collée contre son torse. Ma respiration devient saccadée et la sienne de plus en plus forte.

Il recule, dépose un sillon de baisers dans mon cou et j'ai l'impression que le monde cède sous nos pieds. Il avance, et bientôt, mon dos se retrouve collée contre un arbre.

La pluie est chaude et coule sur ma peau. Les mains d'Eros se font plus pressantes, plus désireuses de mon corps.

— J'aurais dû te le dire un million de fois.

Je n'ai même pas besoin de lui demander. Par je ne sais quel miracle, ma robe glisse. Vive les robes bustiers. Si Eros avait pris son temps la dernière fois, j'ai l'impression qu'aujourd'hui, nous n'avons plus le temps. C'est comme si ce moment allait nous être volé d'un instant à l'autre.

— De quoi ? je souffle, le corps bouillant de désir pour lui.

Il m'attire contre lui, et sa bouche trouve la mienne. C'est passionné, c'est intense, et ça me laisse pantoise. Mes jambes trembleraient s'il ne les soutenait pas de ses bras.

Il me ramène contre lui et j'enroule naturellement mes jambes autour de sa taille.

— Que je t'aime. Je t'aime tellement, Arynn.

Il dépose un baiser dans mon cou, puis un autre un peu plus bas.

— Je saurai me faire pardonner, je te le promets.

Cet enchevêtrements de jambes finit en symbiose de nos deux corps. Je crois que mon souffle se perd avec le sien, le monde ne m'a jamais paru aussi fragile qu'aujourd'hui, Eros me rend folle, il me rend dingue de lui, il me fait me sentir si pleine et si...

— Il n'y aura plus personne pour nous séparer, murmure-t-il.

Et j'y crois. Kereya est hors d'état de nuire. Therys est mort.

Il n'y a plus que nous, notre amour naissant, nos corps liés par les sentiments.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 4Where stories live. Discover now