Chapitre 62

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Je m'assois entre Morgan et Mamie qui papotent avec les garçons de derrière. Eileen m'offre un sourire rassurant tandis que mes yeux se portent sur l'autel. Il y a toujours l'arche de fleurs sauf qu'elles sont blanches. À croire que mon rêve n'était pas aussi réel qu'il y paraissait.

Eros est déjà là et comme à son habitude, il ne m'accorde aucun regard. Alors c'est ça. J'ai eu le droit à une lettre pleine de sentiments pour au final être ignorée. Parce que c'est mieux pour moi. Parce que c'est pour me sauver. Je n'ai jamais connu une situation aussi ridicule que celle actuelle.

Il va se forcer à épouser une fille qu'il n'aime pas pour me protéger.

Je le hais du plus profond de mon cœur. Je préférerais mille fois vivre une vie de dangers avec lui qu'une vie barbante sans lui. Je crois que je suis furieuse. Furieuse de la tournure que prennent les événements. Furieuse parce que je me sens impuissante.

Je ne pourrais rien faire. Je suis contrainte de le voir marié à une autre.

— J'ai entendu dire que c'était Kereya qui amènerait les alliances, lance Rewind d'un ton guilleret. J'espère qu'elle trébuchera et qu'elle s'explosera le crâne sur les marches de l'autel.

Je retiens un hoquet de surprise tandis que Morgan éclate de rire avant de serrer la main de Rewind.

— Elle a intérêt à s'étouffer avec, ajoute Mamie.

La violence de leur dialogue me fait rire intérieurement. Physiquement, je ne suis pas d'humeur à rire.

Je veux pleurer. Les mots d'Eros résonnent encore dans ma tête. Ils s'impriment sous mes yeux, et je n'arrive pas à les faire partir. La situation est tellement injuste.

Je sens le regard de Mamie sur moi, et je me retiens de pleurer si fort que j'en ai mal au cœur. J'ai l'impression que je vais vomir.

Quand le monde autour de moi se tait, et qu'une douce musique s'émane de l'orchestre dans notre dos, je suis au bord de la crise de nerfs. Je cligne plusieurs fois des yeux, je me mords les joues si fort pour ne pas pleurer.

Et c'est seulement quand la main de Mamie se pose sur la mienne que je reviens sur terre. Elle me scrute avec une infime douceur, et je crois bien que c'est son regard à elle qui va me faire pleurer.

Kereya s'avance, et rejoint directement l'autel, derrière Eros qui ne paraît pas le moins stressé du monde. Il ne fait rien pour cacher ses émotions. Il a l'air éteint, complètement ailleurs. Il fixe un point au sol et l'émotion dans son regard me coupe le souffle.

Il est dans le même état que moi. Il ressent exactement la même chose.

Quelque part dans Ecclosia, une fille s'avance dans sa robe de mariée. Belle sous tous les angles, elle s'apprête à épouser un homme qui ne la désire pas.

Je laisse mes yeux divaguer sur sa robe. La traîne est somptueuse. Willa est majestueuse, tout à fait splendide.

Mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression qu'il va s'extirper de ma cage thoracique. J'aurais dû être elle. J'aurais dû être celle à épouser Eros.

Kereya est la seule à sourire. Quand je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, les trois garçons tirent la tronche. Erkel a les bras croisés sur son torse, Ander écarte des jambes comme s'il était prêt à faire la révolution et Rewind, lui, met ses lunettes de soleil.

— C'est trop, je dois cacher mes larmes.

— Des larmes de ? l'interroge Ander.

— Des larmes de désespoir. Tu vois un mariage heureux, toi ? Non parce que moi je vois un type qui tire la tronche face à une fille qui sourit trop.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 4Where stories live. Discover now