Chapitre 47

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Le repas s'est poursuivi tranquillement malgré la catastrophe d'ordre nationale. Au bout de vingt minutes, Mamie a quitté la table pour aller vérifier si Eros se préparait. Je crois qu'elle avait prévu le coup. Elle savait qu'Eros repousserait cette soirée. Je me demande encore si Kereya a conscience de s'être faite enfermée.

Il est plus de vingt-deux heures trente quand je rejoins ma chambre. J'ai enfilé ma robe de chambre en satin, quand deux coups toqués résonnent. Mamie passe la tête et me sourit.

— Ton petit chéri est dans l'eau. Au moindre problème, viens me voir, j'irai lui botter les fesses. C'est compris ?

Je hoche la tête et lui souris faiblement. Comment lui dire que je n'ai pas envie de passer la soirée avec quelqu'un qui va à peine m'adresser la parole ?

— Eileen m'a dit qu'elle passerait vous voir un peu plus tard. Soyez sages, les enfants. Pas de bêtises.

Elle referme doucement la porte et moi, je me retiens de pouffer de rire. Des bêtises ? Avec Eros qui ne parle pas ? Ça ne risque pas d'arriver.

Je me lève et, sans plus tarder, me glisse hors de ma chambre. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je ne cesse de me répéter que c'est idiot, que cette soirée est idiote, que ce tournoi est idiot, que je veux juste dormir et me faire éliminer au plus vite mais...

Le visage de Willa s'imprime dans mon esprit sans le vouloir. Si je ne me bats pas pour Eros, elle se fera naturellement sa place près de lui. Quand je me mets à penser ça, j'en ai mal au cœur. Je ne veux pas d'elle près de lui. Et si Eros la désirait elle, par-dessus tout ?

Je descends les escaliers et passe devant un petit salon. Quand je jette un coup d'œil à l'intérieur, je remarque Morgan et Erkel assis à une table. Elle se contente de couper une herbe en fins morceaux tandis qu'Erkel, lui, taille ses lames.

— C'est inévitable, c'est vrai, répond Erkel d'une voix basse.

Je l'entends rarement parler. Je crois qu'il n'est pas très bavard.

Les deux ne me remarquent pas. Mes yeux se perdent sur les taches de rousseur de Morgan. Ses doigts experts glissent les herbes coupés dans un petit flacon, sûrement du poison encore une fois.

Je me demande ce qu'elle fait de ça. Elle n'est pas là à tuer n'importe qui toutes les deux minutes, non ?

Erkel pousse un soupir et range enfin ses lames dans son veston. Il se penche alors et du bout des doigts, caresse le dos de la main de Morgan.

Je poursuis ma route, le cœur serré. J'aurais aimé avoir cette proximité avec Eros. J'aurais aimé qu'il me parle, qu'il m'explique ses sentiments, qu'il me dise comment il se sent. Quelque chose, n'importe quoi.

J'ai la chair de poule quand j'arrive devant les portes du spa. C'est totalement stupide. J'ai « gagné » cette soirée avec lui simplement pour avoir remporté une épreuve de culture générale. Je ne vais pas me plaindre, mais j'aurais aimé ne pas devoir faire quelque chose pour passer du temps avec Eros.

Je pousse les portes et une vague de chaleur caresse mon visage. Je passe devant une première porte, puis une seconde, j'ignore ce qu'il y a dedans mais cela ne m'intéresse pas pour l'instant. J'arrive jusqu'au seul et unique bassin, et une figure masculine se dessine au bout.

La pièce est regroupée ainsi : le bassin est au centre, tandis qu'il y a des sièges qui ont l'air plutôt confortables au fond. Eros est assis sur l'une deux, ses chevilles et bras croisés. Il porte une chemise ouverte sur son torse et un short qu'il n'a pas daigné enlever.

Je m'approche, prête à l'affronter. Mon cœur bat tellement fort que j'ai l'impression qu'il va s'extirper de ma poitrine. Je me poste devant lui, l'esprit en ébullition.

Il ne se lève pas mais ses yeux se posent sur mon visage.

— Écoute, je n'ai pas l'intention de passer cette soirée avec une tombe qui m'ignorera complètement. Deux options s'offrent à toi : soit tu pars, et tu ne reviens jamais, soit tu fais au moins un effort pour rendre cette situation agréable.

Il se lève à mes mots et réplique :

— Très bien, alors je pars.

Il se détourne et je suis tellement choquée que je ne réalise pas. Les larmes menacent de tomber à tout moment.

C'est plus fort que moi, je lâche d'une voix faible :

— Si tu savais comme je regrette tellement que tu aies été mon premier baiser.

Il s'arrête dans sa marche, et ses poings se serrent. J'ignore pourquoi il fait ça. J'ignore pourquoi il m'évite de la sorte. Nous sommes passés de tout à rien. Le rien est encore plus douloureux que ce que j'aurais pu imaginer.

Il ouvre la bouche, me dévisage, la referme. Puis il pousse un soupir et passe sa main sur son visage, visiblement partagé. Il hésite. À quoi bon ? Il veut partir, qu'il le fasse !

— Je ne peux pas partir de toute manière, Mamie campe devant la porte.

— Non, elle est partie se coucher. Tu peux y aller, personne ne te retient.

Il s'avance, me saisit par la main et me tire comme si j'étais un sac à patates. Il ouvre les portes et me fait signe de sortir.

Je retiens un rire. Mamie est sagement assise à ma droite, sur une chaise transportable, un journal dans les mains qui cachent l'intégralité de son visage. Quand elle nous entend, elle l'abaisse, et ses lunettes de vue sont sagement posées sur le bout de son nez.

— Qu'est-ce que vous faites là ? Le spa est derrière. Je sais que je suis agréable à regarder mais vous allez devoir retourner à l'intérieur.

— Eros allait justement partir, je réplique, cinglante. Je le lui ai proposé.

— Eros ne va pas partir, articule Mamie. Il va sagement retourner à l'intérieur, sourire à Arynn comme l'homme amoureux qu'il est, lui proposer quelques baisers rafraîchissants, puis il lui offrira un massage de qualité.

Eros marmonne des mots incompréhensibles et j'ouvre la bouche, perturbée.

— Si vous croyez qu'il va faire ça, je murmure, vous vous trompez lourdement.

— Alors il n'est pas un bon amant, réplique-t-elle. Tu es jeune, tu as encore tout le temps de trouver la perle rare. Tu as raison, laisse les hommes te courtiser, mon petit-fils n'est qu'un idiot incapable de faire les choses correctement. J'en ai vus un tas te regarder au bal, je pourrais t'en présenter quelques uns la proch...

— Ça ira, Mamie, Arynn n'a besoin de personne d'autre.

Outrée, je le regarde me prendre de nouveau par la main pour me faire rentrer à l'intérieur.

— Amusez-vous bien ! s'écrie-t-elle en ricanant avant que la porte ne se referme.

Cette soirée promet d'être riche en rebondissements...





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j'ai trop de chapitres d'avance (je viens de finir le 52) du coup je vais poster la suite :)

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𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 4On viuen les histories. Descobreix ara