𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 4

Chapitre 52

— Si tu avais la possibilité de refaire ta vie à zéro, tu le ferais ?

Morgan est allongée sur mon lit, sur le ventre, ses jambes se rabattent l'une contre l'autre alors qu'elle est en pleine lecture d'un magazine.

Elle a insisté pour m'accompagner m'aider à me préparer. Je crois qu'elle aussi est à fond derrière nous. Et même si elle ne s'entend pas très bien avec Eros, je vois que nous aider la rend heureuse.

Il n'y a qu'une ou deux fois dans l'année où nous nous retrouvons tous ensemble. Alors c'est l'occasion ou jamais de resserrer les liens.

Elle relève la tête et plisse les yeux, l'air de réfléchir.

— Non, je ne pense pas. J'ai toujours pris les décisions qui me paraissaient les plus justes. J'ai fait des erreurs, c'est vrai, je me suis fourvoyée, j'ai tenté de nier mes sentiments mais... J'ai grandi en quelque sorte. Et pour ça, je ne voudrai pas tout recommencer.

Je m'inspecte dans le miroir. Mon maquillage est fait. Il ne me reste plus qu'à enfiler ma robe. Je m'attarde sur mon visage. Si Morgan a insisté pour rester, j'ai moi-même insisté pour me maquiller.

J'ai fardé mes paupières d'un rose poudré, et mes lèvres brillent d'un gloss discret. Mon mascara a naturellement recourbé mes cils et quand je me tourne vers Morgan, elle me sourit.

— Et toi ? Tu recommencerais à zéro ? Au risque de ne pas avoir l'opportunité de rencontrer Eros ?

— Je... Je ne pense pas. Je ne sais pas, à dire vrai. La Arynn d'avant aurait dit oui. Mais celle que je suis actuellement... J'ai l'impression d'être différente.

— C'est normal. Tu évolues, et tu continueras d'évoluer. On le fait tous. Peut-être qu'Eros aura été un élément déclencheur chez toi.

Un silence retentit dans la pièce. Mon cœur bat vite quand j'avoue d'une voix basse :

— Je crois que je l'aime.

Voilà, c'est dit. Je l'ai pensé très fort, et je l'ai dit à voix haute.

— Il t'aime aussi.

— Mais j'ai peur de me voiler la face... Si tu savais... Je me pose un millier de questions ! Ce soir m'angoisse tellement, qu'arrivera-t-il si je ne gagne pas ? Que se passera-t-il si Eros et moi ne réussissons pas à rester soudés ? Si tout se passe correctement, comment sera ma vie avec lui ? Il m'aime peut-être mais il ne me l'a jamais dit, Morgan. J'ai peur. Non, en fait, je suis terrifiée. L'amour me fait peur. Est-ce même de l'amour entre nous ? Je n'y connais rien à tout ça, j'ai peur... J'ai peur de me tromper, j'ai peur de me ratatiner contre le sol si Eros se désintéresse de moi demain.

Morgan se redresse, et son sourire quitte ses lèvres. Très sérieuse, elle me répond :

— Arynn... Ça peut paraître niais, mais tu le sais, au fond de toi, si tu l'aimes. Tu sais si vous êtes faits pour vous entendre. Et puis, si vous vous quittez dans trois mois, ce n'est pas la fin du monde ! Regarde toutes les belles histoires autour de toi. Ander et Eileen. Bianca et Rewind. Ils sont restés soudés, ils ont su braver les épreuves ensemble. Cela ne veut pas dire que dans vingt ans, ils seront encore là. L'avenir est incertain, mais tes sentiments sont bien réels. Tu ne vis pas pour toutes les questions de demain, tu dois vivre pour tous les mots d'aujourd'hui que tu n'oses pas dire.

Elle se lève et s'avance. Je la rejoins et la prends dans mes bras. Je la connais à peine. Et pourtant, j'ai l'impression de l'avoir connue depuis toujours.

Ses mots sont sages. Morgan m'offre un autre côté de sa personnalité que je ne soupçonnais pas jusque-là.

— Allez, va enfiler ta robe ! C'est ta soirée, Arynn.

Sans un mot, je m'empresse de filer dans la salle de bains. La robe traîne sur un cintre, et de mes doigts fébriles, je la décroche. Morgan m'a dit qu'Eileen et Bianca l'avaient choisie expressément pour moi.

Il est bientôt vingt-et-une heure, la soirée commence dans peu de temps. La finale. Je suis terriblement anxieuse.

J'enfile d'abord un bas avant de rajouter une chemise. Puis je m'apprête à serrer mon corset comme je peux. J'enfile ensuite la jupe de la robe et mes yeux se perdent dans le miroir. Je ne me reconnais pas.

La robe est magnifique. Elle forme une couronne de fleurs dispersées le long de mon corset, quant à la jupe, un énorme voile transparent la recouvre. D'un rose presque beige, des motifs ont été incrustés sur le tissu, assortis avec des petits diamants.

Je sais d'avance que Kereya ne votera pas pour moi. Je sais aussi qu'elle tentera de ramener Sir Caster dans son camp. Mais je connais Mamie. Elle est capable de tout. Alors quand elle affirme qu'elle réussira à me faire reprendre l'avantage, je la crois.

Je sors de la chambre et quand Morgan me voit, ses yeux se mettent à briller. Je me dirige vers le miroir de la coiffeuse, et attache de nouveau ma broche dans mes cheveux. Mes boucles brunes retombent le long de ma poitrine, jusqu'à ma taille.

Je suis enfin prête.

— Sublime. Tu es sublime !

Elle aussi est incroyablement belle. Le vert est clairement sa couleur. Ses cheveux flamboyants ont été attachés en un chignon chic, et quand elle me tend la main pour se diriger vers la porte, mon cœur décide de continuer sa course effrénée.

Nous quittons la chambre ensemble. Je crois que je n'y serais jamais arrivée sans elle. En fait, je crois même que je n'aurais pas osé rejoindre la salle de réception sans une figure pour m'épauler.

Tout à l'heure, après notre partie de croquet, Eros m'a expliqué que nous devrions nous ignorer encore un soir. Un soir avant qu'il n'explique toute la situation à Rewind. Je n'en sais pas énormément, d'ailleurs. Il ne me parle pas de ça. J'ai seulement compris qu'il était menacé.

Encore un soir. Une soirée de rien du tout et Eros et moi serons libre de nous aimer. J'y crois dur comme fer. Morgan a raison. Je sais au fond de moi si j'aime Eros ou non.

L'imaginer avec une autre me briserait le cœur.
Il est ma première pensée du matin. La dernière avant de m'endormir.

Aucun obstacle ne nous empêchera de vivre le grand amour.

Morgan et moi arrivons devant les portes de la salle de réception. La musique résonne déjà de l'autre côté.

— Ce soir est ta victoire, Arynn. Tu sais pourquoi ?

Je lève les yeux vers elle. D'un sourire réconfortant, elle me répond :

— Tu les éblouiras tous. Pas de par ta robe ou de ton maquillage. Ta simple présence suffira à éveiller les cœurs.