𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐: Train de vie.

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𝐒𝐇𝐀𝐍𝐍𝐀


𝖮'𝖡𝗅𝗈𝖼𝗄, 𝖢𝗁𝗂𝖼𝖺𝗀𝗈,
𝟣𝟢 𝗌𝖾𝗉𝗍𝖾𝗆𝖻𝗋𝖾 𝟤𝟢𝟤𝟥.

À O'Block, le travail légal reste denrée rare. Et quand il y en a, il n'est pas synonyme de richesse non plus. C'est le cas du Dinner dans lequel je travaille. O'Dinner. Le nom est loin d'être original, mais « pour toute réclamation, veuillez vous adresser au patron », comme dirait Latisha, ma collègue.

    Et le patron nous gratifie justement d'un salaire peu honorable. Mais je ne dis rien, parce que cette paye contribue à remplir mon assiette, et celle de mon petit frère, Tony. On fait avec ce qu'on a, et il participe également à arrondir les fins de mois depuis qu'on vit que tous les deux ensembles. Et de manière légale. Je m'en suis personnellement occupée.

    Avant, on habitait avec notre mère. C'était encore plus difficile, pour joindre les deux bouts. Notre situation était tellement précaire. Malgré tout, elle nous a élevés, seule, après le décès de notre père, dans un foyer rempli d'amour. Malheureusement, elle nous a quitté à son tour, deux ans auparavant.

    Tony rentrait au lycée. Et je venais de rejoindre les bancs de la fac. Ça a été très compliqué. Sans compter qu'on a failli perdre l'appartement. Mon frère aurait pu trouver une famille d'accueil. Mais moi, à l'âge que j'avais, je me serais très certainement retrouvée à la rue avant qu'une famille ne se décide à m'héberger.

    Et puis, on a été sauvés. La solidarité des habitants d'O'Block nous a réussi. Les voisines, des amies de notre mère, se sont débrouillées pour que l'on garde l'appartement. Je n'ai jamais trop su comment. Je me contente de garder leurs enfants gratuitement depuis, comme remerciement pour leur bonté.

    — Quincy est un gros connard, critique Latisha en récurant des assiettes. Il nous a mis que toutes les deux pour gérer le Dinner, ce soir. La prochaine fois, je lui mettrais des frites de la poubelle devant lui. Tu verras qu'il va les manger.

    Quincy Brown, notre patron. Si vous ne l'aviez pas compris, ma collègue ne le porte pas vraiment dans son cœur. Sûrement car elle a un gros problème avec l'autorité, mais je peux la comprendre. Quincy se comporte mal avec elle. Il la traite comme une inférieure, juste parce qu'elle ne mâche pas ses mots. Avec personne.

    — Ça va, tempéré-je. Pour une fois, il n'y a pas grand monde. Et on est mieux payées.

    Latisha lève les yeux au ciel. Je m'applique à nettoyer une table, tout en bénissant l'univers de ne pas nous avoir trop chargé de clientèle ce soir.

    — On est mieux payées parce qu'il a rendez-vous avec sa sugar mommy ce soir, dit-elle. Tu penses que c'est lui qui se déshabille, ou elle le fait à sa place ?

    J'explose de rire, en m'essuyant le front de mon poignet. Latisha est déchaînée. Mais elle ne doit pas être complètement loin de la vérité. Une femme, nommée Julianne, vient souvent au Dinner lorsqu'il y travaille. Elle est bien plus âgée que lui, mais ça ne semble pas déranger leur proximité. Les rumeurs racontent qu'elle vit sous l'héritage de son mari, et de son propre salaire, et en fait profiter Quincy en échange de quelques caresses sous l'oreiller.

    Mais ce ne sont que des rumeurs, évidemment.

    Soudainement, la sonnette d'entrée résonne, annonçant l'arrivée de nouveaux clients. Surprise, je me tourne vers la porte. À cette heure-là, c'est rare que les gens rentrent encore. Enfin, sauf quelques personnes particulières.

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