𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟖: Retour aux sources.

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𝐒𝐇𝐀𝐍𝐍𝐀


𝖮'𝖡𝗅𝗈𝖼𝗄, 𝖢𝗁𝗂𝖼𝖺𝗀𝗈,
13 𝗈𝖼𝗍𝗈𝖻𝗋𝖾 𝟤𝟢𝟤𝟥.

Aujourd'hui est un jour spécial, plus que ceux d'avant. Aujourd'hui est le jour où nous rentrons à la maison. Non en trainant des mines dépitées de ceux qui enchaînent les défaites. Au contraire, nous sommes couverts de bijoux. L'or brille sur nos corps, même lorsqu'ils sont derrière des couches de vêtements. Et nous tous, sans exception, affichons des têtes de vainqueurs, loin d'être les perdants auxquels certains auraient pu s'attendre. La route jusqu'à O'Block n'est étrangement pas longue, comme si le chemin jusqu'à ce quartier était habituel. À une autre époque il l'était réellement, mais un mois est passé depuis. La vitesse éclaire à laquelle se sont enchaînés les événements me ferait presque tourner de l'œil.

Ce n'est pas humain de vivre autant de traumatismes d'affilée, et de ne pas avoir une seconde pour travailler dessus. Guérir. Je me demande alors si Nikola, ou l'un des membres des Black Disciples, y est déjà parvenu.

— Vous êtes prêts pour affronter les nôtres ?

À O'Block, l'agitation avait fait rage. Tony en avait subi les frais. Je m'attendais d'ailleurs à le revoir maintenant, puisqu'il était rentré dans notre appartement ne souhaitant pas s'éterniser au cabinet du docteur Farid. Nikola m'avait rapportée cette nouvelle au petit matin, après une nuit agitée entre nous deux.

— On pourra vraiment les regarder en face ? questionna Miles.

Et je savais exactement ce à quoi il pensait. La mère de Trevor. Depuis peu, depuis que Nikola lui avait octroyé de force une pause, il ne pensait qu'à ça. Mon ami m'en avait fait part hier soir, après le discours du boss. Sa culpabilité grandissait chaque jour un peu plus. S'il tenait tant à s'occuper de la mère de Trevor, c'était parce qu'il pensait que se faisant, une partie de sa culpabilité s'amenuiserait. Je ne voulais pas réduire à néant ses espoirs, mais je suis certaine qu'il a tort. La culpabilité le suivrait partout. Vivre avec était la seule solution.

J'avais fini par le comprendre, en devant dire au revoir à mon frère.

— Peut être pas maintenant, mais tu le feras un jour, déclara C. J. à ses côtés sur la banquette arrière. Bref. Parlons de quelque chose de plus joyeux. On ramène l'argent au quartier, n'oubliez pas.

Personne ne pouvait l'oublier. Avant de passer une nuit agitée avec lui, j'ai discuté avec Nikola. Principalement de comment il gérerait notre retour dans notre quartier d'origine. Il a été clair qu'on ne devrait pas tout garder. Les Black Disciples méritent leurs salaires, c'est certain, mais les dommages collatéraux aussi. C'est alors que certains noms sont sortis de mes lèvres.

Celui de Latisha, d'abord. Elle qui s'usait à travailler tous les soirs au O'Dinner, pour subvenir aux besoins de son nouveau né. Ma collègue qui a du elle aussi assister à la mort de Trevor, même si j'ai essayé de préserver ses yeux innocents. Elle mérite largement une récompense pour ça.

   Et puis, Yvonne, Keisha, et Mona. Les mamans des enfants que je gardais, du temps où ma vie n'avait pas volé en éclats. Je me rappelle aussi de la fille de Mona, Kahina. Celle qui filait un mauvais coton. Elles méritaient toutes une compensation pour ce que leurs enfants avaient du subir en vivant ici. Sans parler de mon absence. D'un jour à l'autre, je les avais abandonnés. Ils se devaient d'avoir quelque chose.

Étonnamment, Nikola est plus d'accord avec moi. J'ai dû négocié pour les mamans, mais j'ai eu le dernier mot en exprimant l'argument de Kahina. Son gang a semé des graines venimeuses qui ont contaminé les enfants d'O'Block. J'étais liée à ça maintenant. Le cursus de droit que j'ai suivi m'a appris ça ; en restant près de lui, en connaissance de cause, j'étais sa complice. La complice d'un narcotrafiquant.

L'appellation n'est pas flatteuse. Je m'y ferais peut-être un jour.

— Sortez bien vos chaînes. Montrez notre réussite. Montrez qu'on est au-dessus maintenant, et qu'ils peuvent compter sur nous, reprit Nikola en se garant sur une place d'O'Block.

Dès lors qu'on sortit à l'extérieur, une horde de gamins nous encercle. Au début, j'ai eu peur que ce soit négatif, qu'ils soient contre nous. Mais rapidement, j'ai eu davantage peur, car tous ces enfants nous admiraient. Et ça, c'était pire que tout. J'essaye de sourire, du mieux que je le peux. Mais mes lèvres ne s'étirent pas plus que si c'était du bois. Mes yeux reflètent sûrement mon état. Je suis dévastée. En regardant à gauche et à droite, je vois que Nikola essaye de s'éloigner. Miles est plus à l'aise, sûrement parce que ça lui ramène des ondes plus positives qu'autre chose. C. J., lui, soupèse les quelques enfants qui nous observent des étoiles plein les yeux.

Toute cette attention est déprimante. Les enfants ne savent pas à qui ils ont à faire. La couleur du sang versé par nos membres est écarlate. J'ai l'impression de sentir encore une fois le bruit des balles, résonnant dans mon esprit comme un marteau qui taperait continuellement dans les parois de mon cerveau. J'ai surestimé mes capacités à assumer mon rôle, à assumer mes actions, et celles que j'ai tenté de justifier de la part de Nikola. Des Black Disciples.

Encore un mois auparavant, j'étais celle qui détestait son père. Thomas Ricci, l'un des fondateurs du gang. Et maintenant, j'en fais partie. Qu'est-ce qui dit que je suis mieux que lui, dans le fond ? Mon père a un avantage sur moi ; il était honnête, lui, au moins.

   Bientôt, Nikola remarque mon trouble. Il se fraie un chemin jusqu'à moi, et attrape ma main. Il me tire en dehors de cette foule, avec l'aide de C. J. Quant à Miles, il s'occupe de tenir les enfants à l'écart. Les garçons finissent par m'emmener dans le bâtiment. Un bâtiment qui n'est même pas le mien ; c'est le leur. Celui des Black Disciples. Je me fais la réflexion que maintenant, c'est le mien aussi. La couronne taguée sur le mur me le rappelle quand je lève les yeux un instant.

   — Ça va aller ? me demande C. J.

   Sans grande conviction, j'hoche la tête.

   — Tu vas venir ici un peu. Même si on est rentrés chez nous, on n'est pas à l'abri des problèmes, déclare Nikola.

   Ça aussi, on en avait parlé. Je le savais. Et ça m'arrangeait, pour ne pas rester avec un frère qui me regarderait rempli de déception. Alors que nous montons les escaliers, salués par les membres des Black Disciples à deux doigts de nous offrir une haie d'honneur, une phrase rampe dans mon esprit.

   L'argent n'enlève pas la culpabilité. Même couverte d'or, le crime me colle à la peau.

Hey! Ça va?

Bon, pour ce chapitre, pas beaucoup d'action! Je pensais nécessaire de le marquer d'un grand monologue de Shanna, et de se plonger dans ses pensées. Son personnage est déchiré par plusieurs émotions/sentiments et je voulais le représenter! 🖤

En effet, elle qui s'est toujours trouvée aux antipodes de son père, est devenue — à ses yeux — comme lui. Et cette réalisation est un choc. C'est assez difficile, et c'est pour ça que l'humanité encore présente en elle remonte facilement à la surface...

Alors, à votre avis? Qui va gagner? L'humanité de Shanna, ou la nouvelle facette dont elle voit le monde? 🥰

à bientôt pour le trente neuvième chapitre 🫶🏾

kehls, x. 🖤

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