𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟏: Pour ses larmes.

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𝐍𝐈𝐊𝐎𝐋𝐀


𝖮'𝖡𝗅𝗈𝖼𝗄, 𝖢𝗁𝗂𝖼𝖺𝗀𝗈,
20 𝗈𝖼𝗍𝗈𝖻𝗋𝖾 𝟤𝟢𝟤𝟥.

Enterrer un frère n'est pas facile. D'une part parce qu'on sait qu'en le faisant, on s'assure qu'il ne revienne pas. Cette conclusion fait mal. Mais d'autre part, parce que les souvenirs affluent. Parce que le temps passé détruit quand on comprend qu'il ne restera plus que passé pour toujours. Perdre C. J., c'est pire que perdre la guerre. Parce que je sais que si je l'avais perdue, j'aurais pu la recommencer. Et gagner, avec lui. Mais que je gagne ou que je perde, Chris ne reviendra pas. Jamais.

— Tu tiens le coup ? me demande alors Shanna, à côté de moi.

Depuis le début de la journée, ses yeux sont gonflés, et les cernes strient sa peau noire. Elle a revêtu un tailleur sombre, qui lui seille un peu trop grand. Je lui en ai fait cadeau quand elle a craqué en pleurant à chaudes larmes parce qu'elle ne trouvait pas de tenue pour l'enterrement. J'ai bien compris que ce n'était pas cela qui la faisait pleurer, mais j'ai rien dis, et je suis revenu avec ce tailleur. Elle a encore pleuré. J'étais satisfait. Pour aller avec, elle a ajouté une paire de talons aiguilles, et un sac noir. Je l'ai vu passer presque une heure à lisser ses cheveux crépus, qu'elle a fini par attacher dans une queue de cheval qui se veut lisse. Abîmer ses cheveux naturels avait l'air de lui offrir une pénitence, alors je n'ai rien dis.

   — Ouais, dis-je alors. Et toi ?

   Le prêtre prie. Mon bras est passé dans le dos de Shanna, et ma main enserre la sienne. Elle se retient de pleurer devant moi, mais j'entends à sa voix cassée que le deuil la consume elle aussi. Depuis... depuis C. J., nous habitons tous les deux dans mon appartement à O'Block. Celui dans lequel je l'ai menacée, un mois et demi plus tôt. Nous ne sommes que tous les deux. Mais les gens se bousculent à la porte, pour présenter leurs condoléances. Ça ne m'atteint pas. Je les accepte poliment, mais préfère le calme au bruit. Quand je ne suis pas là, Miles reste avec Shanna. J'ose espérer quelle se laisse aller devant lui, si elle croit que je prendrais mal ses effusions de peine.

   Je sais que Tony lui a rendu visite aussi. Je suis content qu'il l'ait fait.

   — Ouais, moi aussi.

   Shanna a vu beaucoup d'enterrements passer. Ceux de ses parents, celui de C. J. Elle a cru que Tony y passerait aussi. Elle n'a pas besoin de me le dire pour que je comprenne qu'elle n'aime pas beaucoup l'endroit. Mais elle reste. Pour moi.

    Le pire, dans tout ça, c'est que je ne peux pas baisser ma garde. Normalement, nous sommes en trêve. La mort laisse du répit. Mais je sais aussi que le crime n'attend pas plus d'une semaine. Nous ne sommes pas à l'abri qu'ils viennent nous attaquer pendant l'enterrement de Chris. C'est pour ça que l'endroit est surveillé par les hommes, qui nous entourent de part et d'autre. Je continue quand même d'avoir l'œil, ne serait-ce que pour vérifier que tout est en place. Les parents de C. J. ne sont pas là, étant eux aussi décédés. Il n'y a que des frères et sœurs, auxquels je me suis personnellement excusé pendant cette semaine passée. Zara est avec eux, inconsolable.

   Ils m'ont laissée l'honneur d'être avec la famille, également, avec Shanna. Je ne sais pas si c'est parce qu'ils me considèrent comme tel, ou parce qu'ils ont peur de mon nom.

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