Chapitre 24 - Ce cher Anthony

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Une voiture freina au coin de la rue et accéléra aussitôt. Le bruit des pneus crissant sur le sol de la route le fit sursauter et il émergea de son sommeil profond. Anthony fut surpris par la difficulté qu'il rencontra à ouvrir les yeux. Il se sentait assommé.

Il s'assit avec peine sur le rebord du canapé. Il jeta un œil vers la fenêtre la plus proche et s'aperçut qu'il faisait nuit noire. L'eau tombait à verse et battait fort sur les carreaux. Il tourna son poignet et lut minuit cinquante sur sa montre. La tête entre ses mains, il se massa les tempes.

Le calme était total dans la maison. Seul le crépitement de la pluie troublait le silence. Les parents d'Anthony avaient décidé de partir sur la côte pour un week-end en amoureux et sa grande sœur, Brooke, qui était à l'université, ne revenait dans la maison familiale que pour les vacances. Si l'on excluait Malus, jeune chat gris qui dormait paisiblement sur le tapis épais et moelleux du salon, Anthony était seul.

Progressivement, il reprit ses esprits et là, ce fut la panique.

— Maddie ! s'écria-t-il. C'est pas vrai, le restaurant ! Maddie !

Il se rua vers la table basse, à l'autre bout de la pièce, et agrippa son téléphone portable. Il passa son index sur l'écran tactile qui s'illumina. Vingt-six appels en absence. Tous de Maddie. Aucun message. Anthony l'appela immédiatement, mais n'obtint aucune réponse. Il rappela. Encore et encore.

Il ne croyait pas ce qu'il était en train de vivre. Comment avait-il pu s'endormir ? Il avait cette fâcheuse habitude de s'endormir n'importe où et à n'importe quelle heure, mais il était surpris d'avoir dormi aussi longtemps et de se réveiller dans un tel état. Il attendait cette soirée avec impatience et ne se souvenait pas être si fatigué en rentrant chez lui. Et pourquoi n'avait-il pas entendu son portable sonner autant de fois ? Il avait envie de se baffer tant il était énervé contre lui-même.

En appelant Maddie, il se leva et se mit à arpenter nerveusement le sol. Pris de vertiges, il s'arrêta sur place un instant. Il ferma les yeux et attendit que la sensation s'atténue.

Il enchaîna les appels et ne tomba à chaque fois que sur la voix lancinante du répondeur. Furieux, il jeta son portable qui s'écrasa contre un mur dans un bruit sourd. Malus sursauta et resta à observer Anthony, qui marchait frénétiquement à travers le salon.

Anthony n'était pas un garçon violent, au contraire, mais là, il perdait ses moyens. Il réalisait qu'il venait de manquer la Saint-Valentin qu'il attendait depuis si longtemps. Anthony était un jeune homme simple et peu sûr de lui. Ses bonnes capacités physiques et son implication dans le sport lui avaient permis d'intégrer l'équipe de football du lycée et d'obtenir le poste de co-capitaine. Il avait rejoint le groupe des sportifs et des personnes populaires. Très cultivé, il avait tendance à s'ennuyer avec eux. Il ne côtoyait qu'Ashton en dehors du terrain et du lycée. Même s'ils trouvaient Anthony peu intéressant, les membres de l'équipe le respectaient pour son apport indispensable dans l'équipe et pour son rôle de co-capitaine qu'il remplissait parfaitement.

Le plus gros défaut d'Anthony était qu'il dépendait trop du regard des autres. Il cherchait à se fondre dans la masse des sportifs et ne voulait surtout pas faire de vague ni sortir du lot. Il aurait pu passer à côté d'une histoire d'amour juste par peur du qu'en-dira-t-on et du regard des autres. Si elle n'avait pas rejoint l'équipe des Venus, il ne serait jamais allé vers elle.

Depuis aussi longtemps qu'il s'en souvenait, Anthony avait été intéressé par une seule et même personne ; Maddie. Dès leur plus tendre enfance, ils avaient partagé les mêmes écoles et Anthony ressentait une attirance et une affection particulière pour elle. Il avait, au début, identifié cela comme un béguin de jeunesse, mais le temps avait passé et il en était arrivé là, au lycée, toujours amoureux de cette fille.

Ce qui le charmait, c'était l'attitude positive de Maddie en toute situation. Elle était souriante et joviale et apparaissait bien dans ses baskets, ce qu'Anthony n'arrivait pas à être malgré les apparences et sa place parmi les personnes populaires.

En apprenant l'organisation de l'audition, Anthony avait souhaité de tout son cœur que Maddie soit sélectionnée et son vœu avait été exaucé. La relation qu'il vivait depuis lors avec elle le rendait heureux au plus haut point. Ce qui se passait ce soir de la Saint-Valentin représentait le plus noir des cauchemars pour le jeune homme.

Anthony était tendu et agité. Il voulut se rendre chez Maddie. Il attrapa ses clés et se lança vers la porte d'entrée. Il buta dans quelque chose qui resta collé à sa chaussure. C'était la sucette qu'il avait commencé à déguster avant de s'endormir sur le canapé. Il la décolla et la jeta à travers la pièce, elle atterrit dans un coin du salon. Il frotta énergiquement sa chaussure.

— Eh merde ! Ça a même coloré ma pompe !

Il claqua la porte d'entrée et marcha à grandes enjambées vers sa voiture. Il s'y installa à vitesse grand V pour éviter la pluie. Assis au volant, il se regarda dans le rétroviseur et se dit à voix haute.

— Je ne peux pas débarquer chez elle à cette heure-ci ! Si sa mère est au courant, ce ne sera même pas possible d'approcher de leur porte d'entrée !

Anthony préférait ne pas imaginer l'accueil que lui réserverait Maddie. Il tapa des poings contre son volant en hurlant.

— Mais je suis con, je suis vraiment trop con !

Il serra les dents et une larme mêlant rage et tristesse coula le long d'une joue. Il resta dans sa voiture, la tête posée contre le volant, regard dans le vide et les bras ballants. Il demeura dans cette position, à attendre que le temps passe. Cette soirée qu'il s'était imaginé comme fantastique se déroulait de façon catastrophique. Désespéré et déçu, il finit par s'endormir.

Quand il se réveilla, plusieurs heures plus tard, il faisait grand jour. Il était toujours dans la même position ; la tête dans le volant et les bras dans le vide. Tout son corps était courbaturé et il sortit avec peine de la voiture. Il avait les yeux rouges et le regard triste. Son mal de tête avait disparu.

Dehors, la pluie s'était arrêtée. Il fixa le ciel brumeux quelques minutes puis ouvrit sa porte d'entrée et se dirigea vers son canapé. Il s'y jeta et saisit un gros coussin qu'il serra contre lui.

Que pouvait-il bien faire ? Appeler Maddie, encore ? Il était certain qu'il n'aurait comme interlocuteur que la fameuse voix du répondeur. En plus, son téléphone était mort. Il mangea et se rendit en ville pour s'en procurer un neuf.

Sur le retour, il fit un détour pour s'arrêter chez Maddie. La maison était sombre et silencieuse. Il s'assit sous le porche et patienta. L'ennui pointa le bout de son nez. Il tenta de la contacter, sans succès.

Le temps passa et personne n'apparut. Le froid finit par l'envahir et le faire grelotter. Il se résigna à rentrer chez lui. Il ne laisserait pas tomber. Le lendemain, il reviendrait.


MaddieWhere stories live. Discover now