Chapitre 66 - Bien chez soi

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La nuit était tombée lorsque le car se gara sur le parking du lycée. De nombreux parents patientaient et parmi eux se trouvait Joanna. Elle se dirigea à grands pas vers sa fille quand elle la vit descendre. Maddie l'embrassa du bout des lèvres et s'empressa de s'installer sur le siège passager. Joanna posait sa main sur la poignée quand le principal la héla. Ils discutèrent quelques minutes devant la voiture. Maddie les observait à travers le pare-brise et baissa les yeux lorsque sa mère vint s'asseoir.

— Tu veux en parler ? demanda Joanna en claquant sa portière.

Maddie secoua négativement la tête et plongea son regard à travers la fenêtre. La nuit était noire. Maddie resta à observer son reflet dans la vitre. Joanna n'insista pas et démarra.

Arrivée chez elle, Maddie s'enferma dans sa chambre. Elle avait faim. Tellement faim que son ventre était atrocement douloureux, mais elle ne se sentait pas la force de dîner en tête à tête avec sa mère. Elle guetta le moment où Joanna partit sous la douche pour se rendre dans la cuisine. Elle se chargea les bras de nourriture et repartit aussi vite qu'elle le put. Elle jeta le tout sur son lit et commença son grignotage.

— Bon appétit ma chérie ! lança Joanna quelques minutes plus tard, derrière la porte de la chambre.

— Comment tu sais ? demanda Maddie, la bouche pleine.

— Tu as joué au Petit Poucet, il y a des céréales et du bacon dans l'escalier !

Maddie pouffa en jetant un œil sur son paquet de riz soufflé au chocolat. Il était grand ouvert. Quant à l'assiette où devait se trouver son lard fumé, elle était vide.

— Mad, je peux entrer ? demanda doucement Joanna.

— Hum, OK.

Joanna poussa la porte et rit en découvrant le garde-manger sur le lit de sa fille.

— Tu as sacrément faim ! Sur une table, ça n'aurait pas été plus pratique ?

Maddie évita son regard en croquant dans son toast. Joanna s'installa sur un bord du lit.

— J'ai compris que tu ne voulais pas parler, je ne vais pas insister, rassure-toi. Je veux que tu saches que si tu as besoin, je suis là mon cœur. Je te le répète beaucoup dernièrement, mais c'est vrai.

— Je sais maman, murmura Maddie.

Joanna caressa tendrement le bras de sa fille. Elle lui effleura ensuite les cheveux avant de partir vers la porte.

— Maman ?

— Oui, ma puce ?

La tête baissée, Maddie avait les yeux rivés sur son toast qu'elle émiettait entre ses doigts fins.

— Je ne peux pas aller en cours demain.

Joanna retourna s'asseoir sur le lit. Elle prit le menton de Maddie entre ses doigts et releva son visage.

— Pourquoi tu ne peux pas ? chuchota-t-elle en la regardant dans les yeux.

Maddie lui répondit, sur un ton de confidence.

— Je n'ai pas la force.

— Tu ne veux vraiment pas me dire ce qu'il s'est passé avec Anthony ?

Maddie secoua vigoureusement la tête.

— Êtes-vous toujours ensemble ? Tu peux me le dire ça ?

Maddie hésita puis hocha la tête.

— Oui, je peux te dire que non, on n'est plus ensemble.

— OK, fit Joanna sans trop savoir quoi répondre.

Elles restèrent en silence. Joanna acceptait difficilement le fait que Maddie ne lui dise rien. Ces derniers mois, sa fille ne s'était jamais confiée à elle. Joanna pensait pourtant être proche de sa fille. Elle respectait son mutisme, mais le vivait mal.

Maddie attendait une réponse concernant le lycée. Bien qu'au fond, elle n'envisageait pas une seule seconde de s'y rendre. Quoi que sa mère dise.

— Bon, se lança Joanna, il est vrai qu'il ne reste qu'une semaine de classe, que les universités t'ont acceptée...

— J'ai déjà donné ma réponse aussi ! la coupa vivement Maddie.

— C'est vrai, acquiesça Joanna.

Maddie l'avait fait une dizaine de jours auparavant. Elle avait opté pour l'université qui l'avait toujours fait rêver ; Felice. Si elle avait hésité, c'était à cause de la distance. Elle s'imaginait difficilement loin de sa mère et avait considéré le fait d'intégrer une autre université, bien que dans ses derniers choix, car elle se trouvait à quelques kilomètres de là. Maddie pourrait ainsi continuer à vivre auprès de sa mère.

Mais après réflexion, elle s'était rendue à l'évidence. Elle ne pouvait pas passer à côté de la grandiose et renommée université sur laquelle elle fantasmait depuis si longtemps. Elle devait aller à Felice. Et maintenant, il était certain et confirmé qu'elle y passerait les prochaines années. Cette pensée amena un sourire de satisfaction sur les lèvres de la jeune fille.

— D'accord, s'exclama Joanna, sortant Maddie de sa rêverie.

Elle fronça les sourcils. Quelle était sa question déjà ? Son visage s'éclaira et ses yeux se mirent à briller.

— Je peux rester ici ? Toute la semaine ?

Joanna hocha la tête en souriant.

— Tu vas intégrer une des meilleures universités du pays, je ne peux pas demander mieux ! Tu peux manquer la dernière semaine de lycée. Je pense sincèrement que vous n'allez pas faire grand-chose. En plus, tu n'as jamais fait l'école buissonnière.

Cette dernière phrase ressemblait autant à une affirmation qu'à une question.

— Non, ça, je peux te jurer que je n'ai jamais manqué les cours !

— Je te crois, Mad.

Elle prit le visage de sa fille entre ses mains et le caressa longuement. Penser la voir partir si loin lui tordait le ventre. Joanna chassa ses pensées en sentant les larmes monter. Elle avait l'été devant elle pour profiter de sa fille avant qu'elle ne déménage à des centaines de kilomètres.

— Maddie, il faut que tout soit bien clair entre nous, parce que tu m'en as fait voir de toutes les couleurs cette année ! Je vais prévenir le lycée et dire que tu es malade. C'est déjà ce que croient le principal et les professeures. Donc, tu ne sors pas. Tu n'iras pas au lycée, soit, mais ce n'est pas pour aller gambader en ville. On est d'accord ?

Maddie esquissa un léger sourire.

— J'irai avec qui et faire quoi en ville ? Tu peux être sûre de ça, je ne bougerai pas. Je n'en ai aucune envie. Et je ne veux croiser personne.

Joanna soutint le regard de sa fille, espérant qu'elle poursuive et se livre plus, mais Maddie tourna les yeux et se remplit la bouche de céréales. Joanna déposa un baiser sur le front de sa fille et lui souhaita bonne nuit. Elle referma la porte doucement et Maddie se laissa tomber au milieu de toute sa nourriture.

Elle souffla de soulagement. Elle n'aurait pas à subir les regards pesants, les moqueries encore une semaine. Elle ne reverrait les élèves de terminale qu'une seule et dernière fois lors de la remise des diplômes.


MaddieWhere stories live. Discover now