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« Une valise ? Mais pourquoi ? Demandé-je.

— Tu vas rester ici pendant un mois, m'avoue-t-il, le temps que je t'apprenne tout ce que tu as à savoir.

— Un mois ? M'offusqué-je. Il en est hors de question !

— Tu n'as pas le choix.

— Et mes parents ? Comment vous allez les convaincre que je dois rester ici un mois ? Pour une simple blessure à l'abdomen, ça paraît peu crédible.

— Mais voyons c'est déjà fait, qui a pu apporter cette valise selon toi ?

Je ne réponds pas, je connais très bien la réponse.

« Tu sauras bientôt comment j'ai fait, dit-il en se tapant le crâne avec son index.

— Ne vous croyez pas aussi malin que vos diplômes le laisse penser, on peut avoir fait de nombreuses études et être débile, argumenté-je. Ce n'est pas...

— Je ne te parle pas d'intelligence, me coupe-t-il, je te parle de persuasion, de télépathie. »

C'est à partir de ce moment-là que mon cerveau décroche. Comment tout cela peut être possible ? Comment puis-je être immortelle ? Comment puis-je me transformer en monstre ? Comment puis-je utiliser la télépathie ? Comment est-il possible d'être tout ça à la fois ?

Ma main se pose sur ma blessure ressemblant à présent plus à une cicatrice présente depuis des années qu'à une blessure d'il y a quelques jours. Ma vie a chamboulé le jour où cette chose m'a mordu, c'est encore trop récent pour que je comprenne tout ce que ce changement implique et impliquera.

Je décide de prendre une feuille et d'y écrire tout ce que je sais et tout ce que je ne sais pas sur ma nouvelle condition en deux colonnes. Je sais que je suis une « pure », je sais ce que c'est qu'être « pure » et je sais que je serai obligée de boire du sang pour vivre mais je ne sais pas pourquoi je suis une « pure » et pas une « hybride » comme Olivier. Je sais que je suis immortelle et que je ne suis pas facilement tuable mais je ne sais pas les limites de mon corps. Je sais que je peux ressembler à un monstre mais je ne sais ni comment ni en quelles conditions. Je sais que je pourrais utiliser la télépathie et la « persuasion » mais je ne sais pas comment et en quoi consiste cette « persuasion ». Je sais que je dois cacher ma condition de vampire mais je ne sais pas à qui je dois le cacher.

« Et encore, tu ne sais rien de la vie de vampire, dit Olivier après s'être penché au-dessus de ma feuille. Je comprends toutes les questions que tu dois te poser mais ne t'inquiète pas, tu en auras bientôt les réponses.

— C'est comme si j'étais morte et que je ressuscitais, m'inquiété-je. Je dois réapprendre la vie mot à mot, pas à pas.

— Et tu ne sais pas à quel point cette image est juste. »

J'hausse les sourcils, invitant l'homme à donner plus d'explications sur sa dernière phrase.

« Alors c'est vrai que tu n'es pas morte, tu es toujours dans ton corps, m'explique-t-il, mais scientifiquement parlant, ton humanité est morte pour que le vampire naisse donc on peut considérer ta transformation comme une mort suivi par une résurrection. »

Il continue de parler de sciences dans les détails alors que je ne l'écoute qu'à moitié. Il est réellement passionné par son métier, ça se voit et ça se ressent. La journée se continue sans encombre, il n'y a plus de liquide bleu dans le sac au-dessus de ma perfusion mais je ne suffoque pas pour autant. Olivier est allé me chercher un plateau repas que j'avale goulument. Une fois que j'ai fini, il débranche ma perfusion, prend ma valise et me tend la main.

« Viens avec moi, m'invite-t-il.

— Où allons-nous ?

— Tu ne termineras pas ta transformation ici. » répond-il.

Je prends peur, ma transformation n'est pas terminée. Les souffrances allaient decrescendo mais le fait de changer de chambre ne me rassurait pas sur la suite. Je mets ma main dans celle du médecin et me lève de mon lit. Nous sortons de la chambre, il m'entraîne dans le couloir, nous attirons tous les regards. Certains me regardent avec dégout, d'autres avec pitié mais la plupart avec désintérêt.

« Pauvre enfant, dit une femme de la quarantaine.

— Si jeune, c'est écœurant. » Lui répond une autre.

Je déteste attirer l'attention, j'aime pouvoir rester dans mon monde sans que personne ne vienne m'en sortir. Je tente de les ignorer en vain.

« Vous voulez ma photo ou quoi ? crié-je finalement dans le couloir.

— Oui pour compléter mon album de photos de singe. » répond une voix enfantine.

C'en est trop. Automatiquement je me retourne en direction de la voix, les poings serrés. Olivier me rattrape le bras avant que je n'ai le temps de faire quoique ce soit. Je me résigne à aller frapper ce gamin insolent, de toute façon je l'ai déjà perdu de vue. Les autres regards se tournent à l'opposé de ma direction, soudainement effrayés. Nous tournons à droite, puis à gauche et encore à gauche, et à nouveau à droite, ça ne se termine jamais. Je finis par me perdre dans tous ces couloirs. On arrive finalement dans un endroit plus inquiétant, isolé du reste de l'hôpital. Un cri résonne derrière une des portes en métal de ce lieu, un cri strident, un cri de douleur extrême, un cri de mort. On s'arrête enfin devant l'une des portes. Olivier s'approche d'un mur où est accroché un trousseau de clés qu'il prend. Il ouvre la porte en face de moi avec l'une des clés et me fait signe d'entrer. Dans ce lieu, seul le lit au milieu de la pièce me rappelle qu'il s'agit d'une chambre, tout le reste me fait penser à une prison. Les murs sont gris et vides, il y a une seule petite fenêtre qui permet d'éclairer la pièce mais elle a des barreaux. J'entends la porte grincer et se fermer derrière moi. Je me retourne et me précipite contre celle-ci. Une trappe dans celle-ci s'ouvre et les yeux d'Olivier apparaissent dans le petit espace alors que j'entends le remuement d'une clé dans la serrure.

« Je suis désolé. » dit-il avant de refermer le trappe.

Les bruits de pas dans le couloir m'indiquent que le médecin part pour me laisser seule dans cette chambre. Ne sachant trop que faire, je m'allonge dans mon lit sans essayer de comprendre pourquoi je suis là et plus dans l'autre chambre. Je finis par m'endormir dans mon ennui.

Cette chose me guette, je suis cachée dans un buisson et je prie pour qu'elle ne me trouve pas. J'attends encore et encore sans savoir combien de temps s'écoule. La nuit tombe et soudainement, une grande douleur me prend à l'abdomen. Je me relève brusquement surprise et me retrouve dans une pièce que je connais bien, ma chambre, devant un miroir. Je voudrais fuir ce monstre mais je ne peux plus car maintenant, le monstre, c'est moi.

Je pousse un cri strident, à la limite de l'inhumain. Je tente d'ouvrir les yeux mais je n'y arrive pas, ils me brulent. Je plaque mes mains contre ceux-ci en espérant que la douleur passe. Je frotte mes yeux mais la douleur est de pire en pire. J'enfoui ma tête dans mon oreiller, étouffe un cri de douleur et me met à pleurer. Je me tourne face au plafond, une envie irrésistible d'ouvrir les yeux me prend malgré la douleur insoutenable qu'ils me procurent. J'essaie de me calmer quelques instants, de penser à autre chose, d'oublier la douleur. Mes yeux s'ouvrent petit à petit mais l'air les irritent, je ne peux les garder ouverts. La douleur passe doucement et j'arrive enfin à garder les yeux ouverts. Tout paraît semblable les murs sont toujours gris, le lit est toujours blanc, la pièce est toujours vide, la porte est toujours blindé. Je m'approche de la fenêtre, désireuse de voir la beauté de l'extérieur, la beauté de la liberté.

Si l'hôpital commence seulement à ressembler à une prison par l'existence de ces chambres où les patients crient de douleur sans que les médecins ne les entendent, il l'était déjà pour moi depuis mon arrivée ici. C'est pour ça que je déteste les hôpitaux, on y est enfermé et on vous fait croire qu'on vous aime en prenant soin de vous. C'est encore pire que la prison.


Bonjour bonjour !!! Voilà la nouvelle partie, j'espère qu'elle vous plait, si c'est le cas, la petite étoile est là pour ça et si vous aimez cette histoire plus fort que votre propre vie, la section commentaire est également là pour vous permettre de gonfler mon ego.

La suite : dimanche 15 octobre

La Royauté du RubisWhere stories live. Discover now