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Je me retrouve à présent dans la rue en nuisette —parce que ça aurait trop généreux de la part de mes ravisseurs de me prendre ne serait-ce qu'une veste pour me couvrir un peu plus. Le soleil a beau frapper fort aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de serrer mes bras autour de mon corps, sans savoir si c'est par froid ou par gêne. Il fait jour et la position du soleil m'indique qu'on est surement en fin de matinée ou début d'après-midi. En observant le décor urbain autour de moi, je comprends que je suis encore dans Paris. Une femme sur le trottoir passe devant moi portant une veste noire et blanche, un jean sombre et un chapeau assorti accompagnée d'une fillette. Ses pensées me font doucement rire.

« Elle n'a pas honte de s'habiller comme ça, il y a des enfants ici. » Pense-t-elle.

Quelques mètres plus loin, l'enfant lui demande ce que je fais ici dans cette tenue et sa mère lui dit qu'elle comprendra elle sera plus grande. Je m'approche d'elles, essayant d'être le plus polie et souriante possible.

« Madame, dis-je en arrivant à leur niveau.

— Nous ne sommes pas intéressées, s'empresse-t-elle de dire sans me jeter un regard.

— Ne vous inquiétez pas, je voulais juste vous demander quelle heure il est. » Demandé-je mais elle est déjà partie.

Peut-être qu'une petite discussion m'aurait également permis de lire en elle l'endroit où l'on se trouve mais c'est trop tard. J'ai beau vivre à Paris depuis deux ans, je ne n'arrive pas à reconnaître la rue où je me trouve. Certains diraient que c'est normal, Paris c'est si grand, comment peut-on tout connaître ? Moi je dirais juste que ça m'apprendra à rester isoler dans ma bulle métro, boulot, Royauté du Rubis, dodo. Je décide d'errer au hasard des rues, à la recherche d'un arrêt de n'importe quel transport en commun, où il y aura une carte et un moyen de rentrer chez moi. Après quelques temps de marche, je réussi à trouver une station de métro. Je m'engouffre dans la station en me préparant mentalement à supporter tous les regards pervers qui s'attarderont un peu trop sur mon corps. C'est déjà insupportable en temps normal mais avec une tenue pareille ce sera encore pire. J'arrive devant les barrières automatiques et me rends compte qu'entrer dans le métro ne sera pas si simple. Il faut payer pour passer. Or, je n'ai pas un sous sur moi. Je peux essayer de frauder mais je n'ai pas très envie de passer d'une cellule à une autre, surtout qu'avec ma tenue il y a de grandes chances pour que j'y aille assez rapidement pour exhibitionnisme. Je décide alors de demander à toutes les personnes présentes si l'une d'entre elles peut me payer un ticket. On me jette des regards noirs ou pleins de sous-entendu pervers. Désolé messieurs, j'ai déjà eu ma dose de sexe de la journée.

« Vous pourriez me donner de quoi m'acheter un ticket s'il vous plait ? » Demandé-je une énième fois.

L'homme d'une trentaine d'année me reluque de la tête aux pieds sans gêne, encore un. Des pensées salaces traversent son esprit.

« Ça ne sera pas gratuit, dit-il en affichant un sourire lubrique.

— Demandez à une pute si elle suce pour 2€ alors vous comprendrez pourquoi je refuse votre proposition. Et par pute, j'entends tout le monde sauf moi, évidemment, me défends-je en entendant ses pensées.

— Mademoiselle ne se laisse pas faire. » murmure-t-il en s'approchant de moi.

Trop près. Un panneau lumineux « alerte psychopathe » clignote dans ma tête. Il fait un pas de plus et il se prend un coup de genoux bien placé. Je lis dans ses pensées qu'il n'en restera pas là.

« Alors un ticket de bus contre un petit numéro. » propose-t-il.

J'en ai marre de ses tentatives. Je ne voulais pas en arriver là mais je prends le contrôle de ses pensées et de son corps pour le forcer à me payer ce foutu ticket. Je m'empresse de prendre mon ticket et de m'éloigner le plus possible de ce pervers. Je repère ma position par rapport aux cartes et monte dans le premier métro qui me rapprocherait ne serait-ce qu'un peu de chez moi. Je suis obligée de supporter les regards de travers et les mains baladeuses beaucoup trop longtemps à mon goût. Je finis par sortir du métro plus tôt que je ne le devrais, je n'en peux plus de ces gens horribles. Lorsque je sors de la station souterraine, il pleut. Génial, c'est vraiment le meilleur jour pour sortir dans Paris en nuisette. Mais il est hors de question que je retourne dans les transports en commun rempli de pervers. Je décide donc de partir à la recherche d'un taxi assez aimable pour me remmener chez moi sans histoire mais aucun ne s'arrête, pensant que je suis une prostituée. Je plains ces pauvres femmes, la vie ne doit pas être facile tous les jours lorsqu'on habite dans un monde aussi con. Au détour des rues, je finis par tomber sur un immeuble qui me dit vaguement quelque chose. Curieuse, je m'abrite sous le petit toit près de la porte. Mon regard défile sur les différents noms des interphones et s'arrête sur un en particulier. Automatiquement, mon besoin de réconfort dans cette dure journée appuie sur le bouton de l'interphone en priant pour qu'il soit là.

La Royauté du RubisWhere stories live. Discover now