CHAPITRE TRENTE-DEUX

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Restaurant

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C'est lorsque le froid s'enroule autour de mes jambes simplement vêtues d'un collant noir que je regrette ma tenue. En me préparant, je n'ai pas pris en compte le fait que je devrais attendre que Carter termine son service avant que nous allions manger. Les cinq premières minutes sont supportables puisque ma marche m'a réchauffée. Néanmoins, les dix suivantes sont une horreur. La nuit remplace le soleil bien plus tôt à cette période de l'année, à à peine une semaine de Noël, et dès qu'il fait noir, le vent se lève. Il s'engouffre sous ma robe patineuse bordeaux et provoque tout un tas de frissons sur mon corps. J'ai beau avoir pris un long manteau noir, il n'empêche pas la brise d'hiver de me frigorifier sur place ni de décoiffer mes cheveux que j'ai pris un temps fou à en reformer les boucles.

Si j'avais su, je ne me serais pas mise sur mon trente-et-un, comme s'est plue à me faire remarquer Sixteen. Après avoir monopolisé la salle de bains pendant un temps ahurissant, j'ai tenté une discrète sortie pour ne pas me confronter à elle dans ma petite robe bordeaux et mon maquillage plus prononcé qu'à l'accoutumée, mais elle m'attendait adossée contre la porte. A peine a-t-elle aperçu ma tenue qu'elle s'est mise à me siffler, avec un mélange d'étonnement, de blasement et d'admiration.

— J'peux savoir pour qui tu t'fais belle comme ça ? m'a-t-elle demandé en me jaugeant de la tête aux pieds.

Je n'ai pas répondu, ne voulant pas attiser les braises entre nous. Elle est toujours sensible sur le sujet Carter depuis que je les ai interrompus en plein acte au début de l'année scolaire. Pourtant, ce soir, c'est elle qui a pris les devants pour me souhaiter bonne chance avec lui. Enfin, son bonne chance ressemblait plutôt à un « j'espère qu't'as mis des beaux sous-vêtements parce que dans c'te tenue, il va faire qu'une bouchée d'toi ». J'ai longuement hésité entre lui faire découvrir mon coup de point majestueux ou lui montrer à quoi ressemblent mes merveilleux tirages de langues, mais elle ne m'a pas laissé le temps de me décider en me poussant presque hors de l'appartement. Ces derniers mots me restent en mémoire, bien qu'elle les ait prononcés il y a pas loin de trente minutes :

— J'te laisse l'appart pour ton copain et toi l'histoire que vous l'fassiez pas n'importe où. Et pas b'soin d'me remercier, ça te coûtera deux tours de vaisselle.

Avec Sixteen rien n'est gratuit, je l'ai appris à mes dépends. Et bien que j'apprécie son initiative, j'aurais voulu protester, lui expliquer qu'avec Carter nous avons décidé de prendre notre temps. Elle m'aurait ri au nez si les mots s'étaient échappés de ma gorge, donc quelque part je suis contente qu'elle ait refermé la porte derrière elle avant que j'ai eu le temps de répliquer. Sixteen est une jeune femme pleine de surprises. Agaçante au quotidien, mais il lui arrive d'être presque vivable.

— Désolé pour l'attente, s'excuse Carter en s'approchant de moi après une bonne vingtaine de minutes passées dans le froid brûlant de ce mois de décembre. Mon boss a décidé que c'était le moment propice pour discuter d'une augmentation.

Il prononce ces mots sur un ton blasé, comme si pour lui l'argent n'avait ni valeur, ni importance. Peu de temps auparavant j'aurais sans doute été d'accord avec lui, mais maintenant que je n'en dispose plus à profusion, je me rends compte à quel point on en est dépendants et à quel point il est difficile de vivre sans.

Je le suis en silence jusqu'à sa voiture, encore trop frigorifiée pour parler, et quand il ouvre la portière passager pour me faire rentrer à l'intérieur, nos regards se croisent brièvement. Juste assez pour qu'il remarque sous le lampadaire les efforts que j'ai faits vestimentairement parlant. Même s'il tente de le cacher avec un rictus moqueur, je vois bien que l'attention lui fait plaisir et qu'il n'est pas insensible à mes jambes découvertes, ni au tissu bordeaux de ma robe que mon manteau ouvert laisse apparaître.

DES NUITS PLUS CLAIRES QUE TOUS VOS JOURS [IS HE A BAD BOY ?]Where stories live. Discover now