CHAPITRE VINGT-DEUX

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Mauvais plan

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En fait, j'ai menti à Carter. Et pas seulement sur le fait que j'allais bien. C'est évident que mon « tout va bien » ne l'a pas convaincu, mais il a choisi de respecter ma décision de faire face à mes problèmes toute seule. Le regard qu'il m'a lancé, la souffrance, l'impuissance que j'y ai lues a achevé de me briser le cœur. Carter s'en veut parce qu'il ne sait pas comment m'aider. Et je m'en veux de ne pas pouvoir l'aiguiller.

Depuis la fin du procès d'hier, ma chute s'est arrêtée. Ça faisait quelque temps que je m'effondrais, que je tombais, mais j'ai enfin heurté quelque chose : j'ai touché le fond. Si cette prise de conscience pourrait m'effrayer ou me faire sombrer dans l'obscurité, j'ai choisi de m'en sortir. Parce que reconnaître qu'on est au fond, c'est le premier pas vers l'escalade de la falaise. La montée vers le sommet sera longue et sinueuse, mais je compte bien m'accrocher à des prises solides.

La première étape pour ça, c'est de l'attraper cette première prise. Pour moi, ça s'apparente à retrouver Jayden à qui j'ai envoyé un SMS à la pause de ce midi. Je n'en peux plus de culpabiliser sur ce que j'aurais pu faire pour aider ma famille, je veux savoir ce que Jayden sait et si ça peut de quelque manière m'être utile. Il a sous-entendu, avant même que je l'apprenne, que mes grands-parents traînaient dans des affaires de trafic de stupéfiants. Et il m'a proposé de me donner des informations pour prouver qu'ils n'ont pas d'implications avec la drogue qu'ils sont accusés d'avoir trafiquée. S'il y a quelques jours je l'ai ignoré, aujourd'hui, je suis bien décidée à l'écouter.

Donc, au lieu de travailler tard à la bibliothèque ce soir comme je l'ai faussement affirmé à Carter, je m'en vais à vingt heures, heure habituelle de fermeture des portes. En repensant à quel point il désirait m'aider et être là pour moi, le remord me tord l'estomac. C'est à peine si je suis capable de me reconnaître ces temps-ci. Physiquement, si ce n'est mon regard plus dur, je reste la même. Mentalement, en revanche, je suis épuisée, éreintée. Je prends des décisions irréfléchies que je regretterai d'ici quelques semaines ou quelques années en y repensant et je n'aime pas ma manière de me couper des autres. Je déteste encore plus devoir mentir à mes amis pour mener à bien mes affaires.

Comme convenu, lorsque je sors de la bibliothèque après avoir salué Richard, je trouve Jayden accoudé contre le mur d'en face, une cigarette éteinte depuis longtemps dont le bout calciné ne se rallumera jamais.

Avant de traverser la chaussée pour le rejoindre, je vérifie de tous les côtés si personne que je connais ne m'observe. Si par mégarde quelqu'un apprend que je suis sur le point de tremper mes mains dans les affaires sales de Jayden, je peux dire adieu à l'espoir d'obtenir des informations pour mes grands-parents et je peux oublier toute crédibilité.

Parce que rejoindre le bad boy de l'université par excellence, ce n'est certainement pas bien vu. Beaucoup de filles tombent sous le charme de ses yeux noirs et de ses cheveux tous aussi sombres qui lui donnent un air ténébreux. Moi, Jayden m'effraie plus qu'il ne pourrait m'attirer. Les tatouages qui descendent dans sa nuque et semblent s'étaler sur une bonne partie de son corps m'arrachent chaque fois des frissons. Son âme est aussi tachée de noir que sa peau l'est d'encre.

Quand j'arrive à sa hauteur, il écrase sa cigarette avec le bout de ses tennis et fait mine de s'essuyer la bouche avant de se recoller contre le mur qu'il a quitté, comme s'il se devait de soutenir son vieil ami.

— Je dois dire que j'ai été surpris de recevoir un message de ta part, me lance-t-il en guise de salut.

Ça, je n'en doute pas une seconde.

DES NUITS PLUS CLAIRES QUE TOUS VOS JOURS [IS HE A BAD BOY ?]Where stories live. Discover now