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Mon regard fait des allers-retours entre les pics sous mes pieds et ma petite sœur. Je sens son corps trembler sous mes doigts alors qu'elle ferme les yeux de toutes ses forces, se collant un peu plus près du mur. Elle ne bougera pas d'elle-même, c'est certain.

Devant l'urgence de la situation, je décide de changer de stratégie. Ni une ni deux, j'agrippe Prunelle par le bras et tente de la faire bouger. Elle se met alors à crier de terreur et pleurer de plus belle. Je tente de la tirer doucement vers moi mais cela ne suffit pas à lui faire lâcher prise.

— Prunelle, je t'en prie !

Un sentiment de panique de plus en plus paralysant s'empare de moi. Je tente alors le tout pour le tout. La main toujours fermement refermée sur le bras de ma petite sœur, je commence à grimper et tire de toutes mes forces pour entraîner Prunelle avec moi. Ses petits muscles ne font pas le poids et elle se retrouve bientôt à pendouiller dans le vide.

Malgré son gabarit d'enfant, cette nouvelle charge au bout de mon bras gauche est conséquente. Mon équilibre devenu incertain, je me sens vaciller à plusieurs reprises. Et pour ajouter au malheur de ma situation, il est impossible pour moi d'avancer dans ces conditions.

Les doigts de ma main droite s'enfoncent dans la prise et mes dents grincent alors que je tente de faire revenir Prunelle vers le mur. Heureusement, ce voyage dans les airs semble l'avoir réveillée car elle s'anime enfin. Comme envahie par une poussée d'adrénaline, Prunelle s'accroche aux prises jonchant le mur et commence à grimper avec urgence.

Soulagée, je tends le bras en hauteur pour la suivre mais une douleur cinglante à la cuisse me coupe dans mon élan. Je baisse les yeux pour constater avec horreur qu'un long pic métallique me traverse la jambe. Mon corps entier est paralysé par la douleur alors que je réalise la cruauté de ce piège.

Me voilà bloquée, littéralement clouée sur place. Condamnée à attendre qu'un nouveau pic me transperce un organe vital ou que je me vide de mon sang. Mais alors que les pics continuent à surgir de façon aléatoire autour de moi, je peux voir Prunelle avancer le long du mur avec rapidité. Un sourire s'étale sur ma figure. Je savais qu'elle en était capable. Les Merciers ont ça dans le sang.

Amaury est deux bons mètres au-dessus de Prunelle et semble concentré sur sa destination. Cependant, quand l'enfant l'appelle, il s'arrête tout de suite pour lui venir en aide et me cherche du regard.

— Non ! s'écrit-il en m'apercevant enfin.

Le trouble s'immisce dans ses yeux mais je sais pourtant que mon sort est scellé. Tant que ce pic reste là, je ne peux pas bouger. Tout ce qu'Amaury peut faire pour moi est s'assurer que Prunelle s'en sorte. Histoire que je ne me sois pas sacrifiée pour rien non plus.

Alors que ma sœur grimpe sur son dos, Amaury semble désemparé. Je ne suis pas habituée à voir le rebelle aussi triste et cette vision me pince le cœur. Refusant de faire face à des adieux, je détourne le visage. Juste à temps pour apercevoir un trait de métal apparaitre à quelques centimètres de mon coude.

Un peu plus haut, Tomichou ne s'en sort pas si bien. La petite boite blanche toujours en main, il peine à grimper alors que les pics le menacent, se rapprochant encore et encore de ses pieds.

Faisant fi du regard horrifié avec lequel il m'observe quand je l'interpelle, je prends en compte son handicap et tente de lui tracer la meilleure route.

— Tom ! Va sur ta gauche pour attraper le gros rouge puis prend appui sur les deux petits bleus pour monter jusqu'au jaune.

— Mais tu-

— On s'en fout de moi ! C'est toi qui as le machin-chose pour peut-être sortir d'ici alors bouge-toi !

Ses yeux se déposent sur le petit cube blanc dans sa main puis à nouveau sur moi. Malgré la distance qui nous sépare, je vois les iris d'habitude si neutres du délégué se teinter de tristesse et de culpabilité.

Encore une fois, je me sens obligée de couper court aux émois en tournant la tête. Encore une fois un pic me frôle. D'abord l'épaule. Puis l'oreille. Un troisième se révèle non loin du sommet de mon crâne. Puis d'autres plus loin et encore plus loin au-dessus de moi.

Soulagée d'avoir été épargnée, j'observe Amaury et Prunelle disparaître au bout du parcours d'escalade. Mais je ne peux rien faire d'autre qu'attendre alors que les pics gagnent du terrain sur Tomichou.

Le jardin de tiges en métal qui me sépare des autres m'obstrue la vue mais je crois qu'Amaury lui tend le bras. Puis un cri retentit. Un cri de profonde terreur.

Au même moment, un objet chute en rebondissant sur les pics pour finir sa course quelques mètres sous moi. Un des verres est brisé mais je reconnais sans mal les lunettes de vue du délégué. Et quand je lève le regard vers le garçon, je comprends.

Son corps se balance tel une marionnette au-dessus du vide, seulement soutenu par la barre au bout piquant qui traverse sa tête de part en part.

Je ne sais pas si c'est le choc ou le sang qui commence à me manquer mais un léger tournis me saisit. Je peux clairement voir Amaury qui me fait signe depuis le haut du mur mais ses mots se perdent dans le bourdonnement qui résonne dans ma tête.

Puis, soudain, ma blessure à la cuisse se ravive et je remarque avec surprise que le pic qui m'a blessé a disparu. Malheureusement, je me rends compte trop tard que les prises qui me tenaient en place se sont elles aussi évaporées. Je tombe en arrière presque au ralenti. Devant mes yeux, les pics se rétractent un à un dans le mur qui devient lisse. Au-dessus de moi, le corps de Tom se met lui aussi à chuter.

Mon dos heurte le sol plat et dur avec violence et les larmes me montent aux yeux alors que je réalise que je suis encore en vie. Les membres endoloris, incapable de bouger, mais consciente. Juste ce qu'il faut pour entendre la voix déchirante d'Amaury m'appeler, ou sentir la douleur qui me déchire la cuisse, ou goûter au liquide chaud qui se répand dans ma bouche, ou voir le délégué terminer sa chute de presque dix mètres dans un craquement d'os terrifiant.

Juste ce qu'il faut pour comprendre que, finalement, le sort de Tomichou n'est pas si terrible comparé à l'agonie lente et solitaire qui m'attend...

Juste ce qu'il faut pour comprendre que, finalement, le sort de Tomichou n'est pas si terrible comparé à l'agonie lente et solitaire qui m'attend

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Ouch ! Mais au moins Prunelle est saine et sauve. C'est ce que vous vouliez, non ?

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Rendez-vous au chapitre 0 pour retenter l'aventure !

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