Red Butterfly [Mitsuya x OC]

3 - Shibuya Nichu

Deux semaines plus tard, Himeko revêtit son uniforme d'été pour la rentrée des classes. Un gilet sur les épaules pour se protéger de la fraîcheur du matin, elle descendit à la station de train la plus proche du collège, au milieu de filles et de garçons qui portaient un uniforme semblable au sien. Le printemps était finalement arrivé et les cerisiers en fleurs bordaient la rue parcourue de groupes de collégiens qui se racontaient leurs dernières vacances.

Les listes des classes étaient affichées sur un panneau, dans la cour de l'établissement et Himeko se hissa sur la pointe des pieds pour trouver son nom. Elle était inscrite en deuxième année, même si elle aurait dû se trouver en troisième et dernière année à son âge. Un an passé en maison de correction lui avait fait prendre du retard (NDA : Le collège au Japon compte trois années, on y entre plus tard qu'en France,  Himeko a donc seize ans dans cette histoire).

– Tu as entendu la rumeur ? Souffla une fille à côté d'elle. Il paraît qu'il y a une délinquante avec nous cette année.

– Oui, j'en ai entendu parler, répondit sa camarade dans un murmure elle aussi. Elle sort tout juste de maison de correction il paraît.

Himeko se figea et l'autre jeta un regard autour d'elle.

– Je me demande qui c'est ?

– Je crois que quand on la croisera, on le saura tout de suite. Ce genre de filles ne passent pas inaperçues.

Son amie frissonna.

– J'espère qu'elle ne sera pas dans notre classe.

– Si jamais c'est le cas, il faudra l'ignorer.

Les deux filles s'éloignèrent et Himeko les regarda se diriger vers le bâtiment. Elle n'imaginait pas que les rumeurs commenceraient à circuler avant même la rentrée des classes, mais elle aurait dû s'y attendre.

Himeko ramena les yeux sur les listes et lorsqu'elle eut trouvé son nom, elle suivit les deux filles à l'intérieur. Elle chercha les casiers correspondants à sa classe et retira ses chaussures avant de monter au deuxième étage. Une fois dans sa classe, elle posa son sac sur sa table et regarda autour d'elle. Elle ne vit pas les deux filles qu'elle avait croisées à l'entrée, mais son répit serait sûrement de courte durée. Ce genre de rumeur se propageait à toute vitesse. Quelques minutes plus tard en effet, au milieu du brouhaha des élèves, Himeko entendit une conversation similaire.

– ...et c'est une dangereuse délinquante !

– Il paraît qu'elle vient juste de sortir de prison.

– On ne va pas en prison à notre âge, rétorqua un autre, mais en maison de correction.

– C'est pareil...

– Mes parents m'ont dit de ne pas m'en approcher si je la vois.

– Moi, si je la vois je pars en courant. Il paraît qu'elle a tué quelqu'un.

– Si elle avait tué quelqu'un elle ne serait pas sortie de prison aussi vite...

Himeko essaya de ne pas écouter la suite. Elle s'assit et sortit ses affaires. Apparemment, tout le monde était déjà au courant qu'elle était inscrite dans cet établissement. Mais au moins personne ne l'avait reconnue.

Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle aurait déménagé à l'autre bout du Japon pour tout recommencer à zéro. Mais elle n'avait ni argent, ni famille pour l'aider. Rien en dehors des aides que l'état versait au foyer Hakifumi.

Himeko était toujours plongée dans ses pensées, lorsqu'une de ses camarades s'arrêta à hauteur de son bureau.

– Bonjour, dit-elle. Tu es nouvelle ? Je ne t'ai jamais vue avant.

Himeko releva la tête, surprise.

– Je...oui, bafouilla-t-elle. Je viens d'arriver en ville.

Le mensonge lui était venu naturellement.

– Je m'appelle Hiruka Mako. N'hésite pas si tu as la moindre question. J'étais déléguée de classe l'année dernière, alors j'ai l'habitude d'aider les nouveaux.

À la fin des cours, assise à sa place, Himeko étudia la liste des clubs qui leur avait été distribuée. Il y avait un peu de tout au collège du Shibuya Nichu. Du sport principalement, volley-ball, basket-ball et l'indétrônable baseball, le sport favori au Japon. Mais aussi des clubs de musique, de cuisine, de travaux domestiques, de journalisme, ou de photo... Himeko n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle allait choisir. La jeune fille qui était venue la trouver au début des cours monta sur l'estrade pour attirer l'attention de ses camarades. Elle tapa dans ses mains.

– S'il vous plaît ! Dit-elle. J'ai besoin de votre attention une seconde !

Lorsque tous se furent tournés vers elle, elle reprit.

– Je viens d'apprendre que la bibliothèque du collège a besoin d'un élève pour assurer les permanences durant les horaires de club ! Dit-elle. Et je me demandais si l'un de vous accepterait de s'en charger ?

– Mais ça veut dire qu'on ne pourra pas participer aux clubs ? Lui fit remarquer un garçon.

– Pas exactement, dit Hiruka san. En fait, la gestion de la bibliothèque est normalement déléguée au club de littérature et les professeurs aimeraient reprendre cette tradition. Actuellement, le club est fermé faute de membres et les élèves doivent assurer la permanence de la bibliothèque à tour de rôle, comme pour le ménage...

Des murmures envahirent la classe. Tous s'étaient déjà retrouvés à assurer ce service, apparemment ça semblait être la corvée à éviter.

Hiruka san reprit.

– Mais si quelqu'un souhaite reprendre le club, alors la gestion de la bibliothèque lui sera confiée et le Bureau Des Étudiants l'aidera même à trouver de nouveaux membres pour le seconder.

Les chuchotis reprirent dans la classe.

– J'ai pas envie moi, dit le voisin de Himeko.

– Pareil, dit un autre. Je préfère m'inscrire au club de baseball. La bibliothèque c'est chiant.

Himeko consulta sa liste. Effectivement, le collège ne comptait pas de club de littérature. Elle hésita, puis leva la main. La lecture était le seul passe-temps autorisé en maison de correction, alors le club de littérature lui conviendrait certainement. En plus, de cette façon, elle aurait le temps de se réhabituer peu à peu à la vie de l'école.

– Je veux bien le faire, dit-elle.

Tous les yeux se tournèrent vers elle et Hiruka san lui adressa un sourire ravi.

– C'est fantastique ! Dit-elle. Je te remercie ! Grâce à toi le club de littérature va renaître ! Je vais tout de suite prévenir le BDE et les professeurs !

Himeko passa le reste de l'après-midi avec Hiruka, à effectuer les démarches qui feraient d'elle la présidente du club de littérature du collège de Shibuya Nichu.