5 - Red Butterfly

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Himeko remonta la rue menant à la gare, plongée dans ses pensées. Mitsuya Takashi n'était vraiment pas le genre de garçon qui aurait retenu son attention autrefois. Gentil, poli, il était sans doute aussi bon élève, sans compter qu'il faisait partie du club de travaux domestiques.

Quel garçon fait partie du club de travaux domestiques ? Ne put-elle s'empêcher de rire pour elle-même.

Pourtant il y avait en lui quelque chose qui l'attirait. Il faut croire qu'elle avait vraiment changé, il y a encore quelques mois seulement, elle ne l'aurait même pas remarqué.

Parvenue à l'angle de la gare, un grondement de motos la fit se retourner. Himeko se figea, elle ramena précipitamment les yeux sur la vitrine voisine et rabattit ses cheveux sur son front pour dissimuler son visage, les lèvres pâles. Le groupe de motardes passa dans un concert de rugissements, le drapeau de leur team claquant au vent derrière elles. Il portait un papillon rouge brodé sur fond noir. Quelques passants levèrent les yeux, mais ils les détournèrent rapidement. Ils n'avaient pas envie d'avoir des ennuis avec un groupe de sukeban.

(NDA : Sukeban, 女番, adolescentes délinquantes au Japon, le plus souvent regroupées en gang)

Lorsqu'elles furent loin, Himeko s'autorisa à respirer de nouveau.

Le Papillon Rouge.

Pourquoi le drapeau du Papillon Rouge hantait-il toujours les rues de Tokyo ? Elle était persuadée que le gang avait été dissous des mois plus tôt.

Himeko pressa le pas en direction de la gare et elle se réfugia dans le train vers Omotesandô, en essayant de calmer les battements de son cœur, son sac serré contre elle.

Peu importe, tout cela ne la regardait plus. C'était du passé. Elle avait pris sa décision et elle ne reviendrait pas en arrière.

Pendant un instant, Himeko chercha à se souvenir du visage des filles qu'elle venait de croiser, mais aucune d'entre elles ne lui avait paru familière. Elle avait peut-être mal vu, ça n'était peut-être pas un papillon sur leur drapeau. Après tout, les gangs de sukeban étaient nombreux désormais, plus que lorsqu'elle en était une elle-même.

Elle descendit à la station d'Omotesandô et se dirigea vers le foyer Hakifumi, le cœur encore battant. Mitsuya Takashi avait été chassé de son esprit par sa rencontre avec le gang et l'espèce de légèreté qu'elle avait ressentie un peu plus tôt, s'était dissipée pour laisser place à un sentiment de malaise.

La porte franchit, Himeko aperçut Emi Kanami, la trésorière du Hakifumi.

– Oniroku san, dit-elle. Tu tombes bien, je te cherchais.

Himeko se débarrassa de ses chaussures et elle les rangea dans le casier avant de récupérer ses chaussons.

– Qu'y a-t-il madame Kanami ? Demanda-t-elle. Je peux faire quelque chose pour vous ?

Emi Kanami était une personne que Himeko appréciait beaucoup. Passés les premiers jours où elle avait croisé son regard avec inquiétude, sans doute après avoir appris la raison de son incarcération, la petite femme à lunettes avait fini par se détendre et Himeko avait découvert en elle une sorte de grande sœur un peu fantasque.

Madame Kanami se passa la main sur le visage de façon théâtrale, ce qui fit sourire Himeko.

– Reimi san n'est pas rentrée, dit-elle. Madame Fuya vient de recevoir un coup de téléphone de sa part. Elle est coincée à Yokohama et elle ne pourra pas rentrer à temps pour faire le repas.

– Vous voulez que je m'en charge ? Demanda Himeko.

Elle connaissait Reimi Orie. Il y avait peu de chance qu'elle soit coincée à Yokohama. Plus vraisemblablement, elle était chez son petit ami ou alors en train de faire les boutiques, dépensant en une seule journée tout l'argent de poche que madame Kanami lui avait donné quelques jours plus tôt. Ensuite, elle reviendrait la voir, prétextant une dépense imprévue pour tenter d'obtenir une rallonge. Madame Kanami avait l'habitude et personne n'était dupe au foyer. À part peut-être la directrice.

– Tu peux vraiment ? S'exclama Emi Kanami. Tu me sauves la vie ! Madame Fuya m'a demandé de réorganiser les services pour que Reimi san n'échappe pas aux corvées, mais c'est toujours une galère incroyable de modifier ces plannings !

– Laissez-moi le temps de prendre un bain, dit Himeko, et je m'en occupe.

Elle alla déposer son cartable dans sa chambre et saisit la bassine qui contenait ses affaires de toilette.

La salle de bain était une grande pièce carrelée qui pouvait accueillir une quinzaine de personnes, soit la totalité des pensionnaires. Elle était constituée d'une zone réservée aux ablutions avec des pommeaux de douche et des tabourets permettant de s'asseoir pour se laver, et d'un bassin, dans le fond. Sur le mur, une représentation défraîchie du Fuji San surplombait l'eau chaude.

La salle était encore vide, Himeko était la première, mais d'ici une heure, elle grouillerait de monde et les discussions animées des filles du foyer envahiraient les lieux

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La salle était encore vide, Himeko était la première, mais d'ici une heure, elle grouillerait de monde et les discussions animées des filles du foyer envahiraient les lieux.

Himeko retira sa serviette et elle s'installa sur un tabouret. Tandis qu'elle se lavait, son esprit revint au gang qu'elle avait croisé un peu plus tôt. Ça n'était pas courant de rencontrer ce genre de défilés en plein jour. D'habitude les sukeban vivaient plutôt la nuit, parcourant leur territoire à motos pour effrayer les gangs adverses et faire respecter leur loi. Il leur arrivait de croiser des gangs de garçons, mais le plus souvent eux et elles s'ignoraient, comme s'ils vivaient dans deux mondes séparés. Leur quotidien était fait de bagarres et de règlements de compte, le sens de l'honneur était leur guide et elles pouvaient engager les hostilités pour un regard ou un mot maladroit. Contrairement aux garçons, les sukeban avaient souvent recours aux armes, ce qui les rendait redoutables. Barres de fer, battes de baseball, poings américains... tout était bon pour faire le plus de dégâts possible.

Comme une crosse de hockey, ajouta l'esprit de Himeko avant qu'elle ait pu le faire taire.

Oui, comme une crosse de hockey.

Un instant, Himeko se demanda ce qu'était devenue son arme d'autrefois, mais elle repoussa aussitôt cette pensée. Ça n'était pas comme si ça l'intéressait vraiment.

Himeko rejoignit le bassin une fois lavée et elle se laissa couler dans l'eau chaude. Elle retint son souffle sous l'eau et ses cheveux, encore courts, remontèrent à la surface. L'image d'un papillon rouge s'imprima sur sa rétine et elle ouvrit les yeux sous l'eau.

Elle ne s'était pas trompée. Elle le savait. C'était bien les Papillons Rouges qui étaient passés devant elle aujourd'hui. Mais comment ? Qui avait ramené ce gang à la vie ?

Peu importe en fait. Les véritables Papillons Rouges étaient morts un an plus tôt.


 NDA : Pour cette histoire j'ai creusé le sujet des sukeban, ces adolescentes délinquantes au Japon. Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille la vidéo de Louis-san "Les délinquantes au Japon : de lycéenne à yakuza" !

 Si vous voulez en savoir plus, je vous conseille la vidéo de Louis-san "Les délinquantes au Japon : de lycéenne à yakuza" !

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Red Butterfly [Mitsuya x OC]Where stories live. Discover now