Chapitre 33 {Ivy} Retour en enfer

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« Pour pouvoir aller de l'avant, il faut être capable de faire face au traumatisme qui a mis notre vie sur pause. »

Anonyme

P.O.V Ivy's


On dit que « ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort » alors pourquoi est-ce que je me sens si faible depuis que j'ai pris la décision de rentrer dans le Minnesota ? Parce que ce ne sont que des phrases bateaux dites dans l'espoir de faire taire la méfiance des gens car il est plus facile de se voiler la face, que de faire face à des vérités pour lesquelles on n'est pas prêts.

Je suis morte de trouille mais plus déterminée que jamais, j'aurais même dû trouver le courage de le faire avant mais j'en manquais cruellement. C'est Prune qui m'a ouvert les yeux sur le fait qu'il y a bien trop de zones d'ombres dans cette histoire. Des accidents où le chauffard prend la fuite, ce n'est pas un cas isolé mais il y a forcément quelque chose, quelque part, que personne n'a relevé alors que ça a de l'importance.

Certains diront que je me voile la face pour refuser de tourner cette page de mon histoire mais moi je sais que j'ai besoin de tout comprendre, pour pouvoir avancer. C'est comme ça que je me retrouve dans un avion, assise à côté de mon patron sans trop savoir comment j'ai pu laisser ça se produire. Je suis encore en colère après lui, ça n'a pas changé mais dans le fond, sa présence me rassure. Faire ce voyage est déjà difficile mais le faire seule, je ne sais pas si j'aurais pu et ni Prune ni Charly, ne pouvaient se libérer pour m'accompagner. Arès était ma dernière option.

Pendant une partie du vol, je dors contre son épaule car mon corps n'en fait qu'à ses propres envies sans se soucier de la contradiction qui se joue dans ma tête pour conserver le même niveau de rancune. De nombreuses heures plus tard, l'avion se pose sur la piste d'atterrissage et nous suivons le train-train habituel pour sortir de l'aéroport.

Quand on y pense, les choses peuvent changer si rapidement sans qu'on n'en soupçonne la possibilité. Il y a quelques mois, j'étais terrifiée à l'idée de monter dans une voiture, de voir du monde et aujourd'hui je monte dans un avion pour faire le trajet en sens inverse. Revenir ici, est terrifiant mais je sens tout au fond de moi, que ça peut m'apporter des réponses alors je dois le faire.

Quelques minutes plus tard, malgré le décalage horaire qui m'épuise, j'insiste pour qu'un taxi me conduise sur le lieu de l'accident. C'est avec une facilité déconcertante que je lui communique les coordonnées GPS car même si ça fait presque deux ans maintenant, je n'ai strictement rien oublié. Le trajet, comme le vol, se font en silence et c'est mieux ainsi. Lorsque le chauffeur nous indique qu'on est arrivé, qu'il descend pour m'ouvrir ma portière et me placer mon fauteuil juste à côté de moi, je réalise que j'ai peut-être surestimée mes capacités.

Une main se glisse sur la mienne, douce, compatissante.

Le paysage a quelque peu changé depuis la dernière fois mais les principaux traits visuels, sont les mêmes. Les mains tremblantes, je me faufile dans mon fauteuil pour avancer de quelques mètres avant de me stopper, acculé par tous les souvenirs qui m'agrippent à la gorge. J'entends encore sa voix, son rire. Je revois son sourire, il avait l'air heureux et puis d'un seul coup, la tête à l'envers, la douleur, la peur, le silence. Je revis, je ressens absolument tout dans le moindre détail, comme si je revivais cet accident pour la millionième fois mais ce n'est pas pour ça que c'est moins douloureux.

La douleur est égale à celle de la première fois.

Son visage couvert de sang, son corps inerte, mes propres cris et les paroles des pompiers « on ne peut plus rien faire pour lui, occupez-vous de la fille en priorité » c'est un trop plein d'émotions. J'ai peur, j'ai mal, je suffoque, panique. Tout se mélange, tout s'intensifie ici alors que j'ai la sensation de voir la scène qui se déroule sous mes yeux, spectatrice hors de mon propre corps. C'est ici que le cœur de Jonas a cessé de battre, ici que nos chemins se sont séparés.

PersévéranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant