Chapitre 1

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Lorsque j'ouvre les yeux, je ne vois qu'une lumière blanche aveuglante. Dès la première inspiration, je me rends compte qu'un tube se trouve dans ma bouche, manquant de m'étouffer. A côté de moi un bip incessant me vrille les tympans. Ce tube est vraiment dérangeant, je tente de l'enlever mais mes mains sont bloquées dans un ensemble de tubes plus petits. Pour mon plus grand bonheur j'entends une femme appeler, en criant, une infirmière. Après quelques secondes, celle-ci arrive enfin et retire ce tube le plus délicatement possible de ma gorge, avant d'appeler à son tour le médecin. S'en suit un défilé d'infirmiers et de médecins passant dans ma chambre. Ils m'examinent, prennent ma tension, envoient une lumière tout aussi aveuglante en direction de mes yeux. Puis, je les entends dire que c'est un miracle, que j'ai beaucoup de chance. Selon eux, je n'aurai jamais dû me réveiller.

Après s'être assurés que je ne suis pas en état de mort imminente, ils partent tous aussi rapidement qu'ils sont arrivés en me promettant de revenir faire des examens complémentaires. Seule une femme, sans blouse blanche, reste, les yeux baignés de larmes. Elle s'approche délicatement craignant peut-être de faire à nouveau retentir les bips des machines, puis elle touche ma main légèrement. Je ne sais pas dire si elle pleure de tristesse ou de joie mais elle pleure et, comme je ne sais pas quoi faire d'autre, je la laisse pleurer. Je lui lance un sourire poli de manière à la remercier gentiment de son intervention lors de mon réveil. Elle pleure encore plus. Je ne sais réellement pas quoi faire pour la réconforter, je ne connais pas les mots que cette personne a besoin d'entendre et surtout, je ne comprends pas pourquoi elle est dans ma chambre. J'ai besoin d'espace mais je me refuse de lui dire sèchement de sortir de la pièce.

- Que s'est-il passé ? je demande, d'une voix qui me parait curieusement étrangère.

- Un accident de voiture, tu ne te souviens pas ?

Je secoue la tête en essayant en vain de me rappeler, j'ai l'impression de passer à côté d'un détail important. Sa main monte sur mon front comme pour prendre ma température puis caresse un instant mes cheveux. Sa proximité me déconcerte.

- Quand est-ce que je vais pouvoir rentrer chez moi ?

- On rentrera à la maison à l'instant où les médecins nous donnerons leur accord, ne t'en fais pas.

- On ?

- Oui on. Après cet incident il est hors de question que je te laisse seule. Je ne doute pas des soins que peut t'apporter Françoise mais c'est moi qui te garderai à l'œil à présent. C'est le mieux pour tout le monde. A ce sujet, il faut que j'appelle Andrew, il va être ravi de te savoir éveillée. Il a tellement eu peur...Il est venu tous les jours tu sais ? Tu lui as beaucoup manqué, à nous tous d'ailleurs. On avait commencé à perdre l'espoir que tu te réveilles un jour. Ta cousine est venue aussi, pour un jour, mais avec les examens de fin d'année elle ne pouvait pas se permettre de rater plus de cours. Tu devras l'appeler toi pour lui faire une surprise. Je suis sûre que tout comme Andrew le simple son de ta voix la comblera de bonheur.

Je tente de me redresser ne serait-ce que pour atténuer la douleur qui commence à apparaitre en haut de ma nuque mais aussi pour diminuer cette sensation d'oppression qui me vient à chaque parole qu'elle ajoute.

- Oh non, pas question, tu restes allongée !

Ses bras m'empêchent de faire un geste supplémentaire d'une façon qui ne me plaît guère.

- Lâchez-moi !

- Voyons Cathy, c'est pour ton bien.

- Allez-vous-en ! Laissez-moi tranquille !

Quelque chose, dans mon regard sans doute, lui fait comprendre un détail dont personne depuis mon réveil ne s'était douté. Elle étouffe un petit cri d'horreur dans sa gorge puis avec beaucoup de difficultés elle parvient enfin à parler.

- C'est moi Cathy ! C'est maman...

Cette fois-ci je m'aperçois que ce sont des larmes de tristesse qui coulent sur ses joues... Cette femme, ou devrais-je dire ma mère, même si je ne m'en souviens pas, me prend dans ses bras. Et moi... moi... je ne fais rien. Je reste là sans bouger, sans parler.

Comment je peux ne pas me souvenir de ma propre mère ?


Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now