Chapitre 33

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« - Allo ? »

Cathy, maman et moi on se sépare, parce qu'on ne s'aime plus comme avant c'est tout. Je vais devoir aller vivre ailleurs, mais ton frère et toi je ne vous oublie pas. Ce n'est pas parce que je suis loin que je ne vous aime pas.

Sa voix me ramène en enfance. Il prononce mon prénom. Il a la voix d'un papa, comme Françoise qui a la voix d'une maman. Je n'arrive pas à lui répondre.

« - Cathy, quelque chose ne va pas ? Parle-moi ma chérie, tu m'inquiètes. »

- Papa...

Il soupire.

« - Je suis là Cathy, parle-moi. Je ne t'ai pas vue depuis l'enterrement, je m'inquiète, tu ne réponds jamais à mes appels, ni à mes messages. »

- Oh Papa ! Il m'a dit, il a dit que tu ne nous parlais plus depuis des années. Oh mon dieu papa ils m'ont tous menti ! Ils n'ont fait que me mentir depuis le début.

« - Comment ça ? Je ne comprends pas. »

Je dois ressembler à une petite fille apeurée. J'ai l'impression d'être à nouveau une fillette de cinq ans qui cherche la protection dans les bras de son père. Je commence à lui expliquer. Mais dès l'instant où j'essaie de formuler des phrases je suis coupée par mes sanglots, par mon souffle que je reprends bruyamment. Je n'arrive pas à lui expliquer. Je ne sais pas comment lui dire.

Françoise, qui n'avait pas osé dire quoi que ce soit, me sauve en prenant le téléphone. Je pose ma tête entre mes bras et j'essaie de faire abstraction du monde qui m'entoure. Mon moi intérieur hurle de douleur, il n'arrive pas à s'arrêter.

- Et si on mettait un film ?

Maxime fait une grimace me signifiant clairement qu'il n'en a pas la moindre envie. Je fais les 100 pas dans le salon en tournant et virant, cherchant désespérément quelque chose pour nous occuper, ou plutôt pour m'occuper.

- On peut aussi faire un jeu de société ? On en a un qui est plutôt pas mal, Katherine l'a apporté la dernière fois, ça te dit ?

- Ce que je voudrais, c'est que tu te poses cinq minutes et que tu t'asseyes avec moi... Depuis que je t'ai donné cette bague, tu es plus que distante avec moi, c'est l'idée de devenir ma femme qui t'effraie ?

- Quoi ? Non... je... absolument pas !

- Tu es une très mauvaise menteuse, ajoute-t-il d'un rire nerveux.

Je me retourne, dos à lui, et fais mine de m'intéresser à un livre dans la bibliothèque.

- Tu as déjà lu ce livre ? Je me souviens un peu de l'intrigue, je l'ai trouvé très beau.

- Cathy ? Je t'en prie regarde-moi, me supplie-t-il.

- Non.

Un silence pesant règne entre nous. Je l'entends se lever péniblement, mais je ne fais rien pour l'aider. Je ne peux pas faire comme si de rien n'était, je ne peux pas le regarder dans les yeux sans exploser, peut-être que c'est égoïste de ma part de réagir de cette manière. Sa main se glisse dans la mienne, dans un geste qui se veut tendre, mais qui pour moi ressemble plus à un nouveau coup de poignard.

- Arrête. S'il te plait, arrête.

Son souffle chaud se déverse dans mon cou et ses bras enlacent ma taille.

- Je t'ai demander d'arrêter !

- Cathy... Je t'aime et je t'aimerai toujours.

- Ah non ! Je t'interdis de dire ça ! Comment tu peux prendre ça à la légère !

Des larmes commencent à couler sur mes joues, je me détache violemment de son étreinte. Les mots sortent tout seul de ma bouche.

- Comment tu peux me dire que tu m'aimes ! J'ai l'impression que tu essaies juste de cocher des cases sur une liste de choses à faire avant de mourir. Faire un tatouage : c'est fait, faire une soirée à l'américaine : fait et maintenant tu veux qu'on se marie ? La prochaine fois c'est quoi, tu ne veux pas qu'on fasse un bébé non plus ? Et tout ça parce que tu vas mourir ! Pour ne pas avoir de regrets ! Qu'est-ce que je dois penser, que maintenant que tu as un cancer, tu m'aimes assez pour m'épouser ?

Je ne vois pas l'expression de son visage. Et aussitôt, je regrette... Mon dieu comme je suis égoïste ! Comment ai-je pu dire ça ? Moi qui étais pourtant si heureuse quand il m'a fait sa demande.

- Excuse-moi... marmonné-je entre deux sanglots.

Comme je le fais depuis le début, depuis la toute première fois, je m'en vais. Je préfère partir plutôt que d'affronter mes problèmes. Je choisi de fuir, comme toujours.

Ce sont mes pieds qui me guident d'eux-mêmes vers mon sanctuaire, à tel point que je ne me rends même pas compte que c'est là que je voulais aller. Je ne prends pas en considération la maman et sa petite fille assise sur le banc et je m'adosse contre le tronc d'arbre en pleurant silencieusement.

Il n'y a pas si longtemps encore, je pensais que Maxime et moi c'était pour la vie, je pensais qu'on aurait des enfants ensemble, qu'on ferait notre vie ensemble, qu'on vieillirait ensemble. Mais je me trompais, nous n'aurons jamais d'enfants ensemble. Ma vie devra continuer sans lui, si jamais elle continue.

Au bout d'un certain temps, quelqu'un me rejoint et s'assoie à mes côtés. Au début, cette personne ne dit rien, mais je n'ai pas besoin d'entendre sa voix pour la reconnaitre. Il prend délicatement ma main dans la sienne pour finalement y déposer un long et délicat baiser. Puis son regard cherche le mien, pour la première fois depuis l'annonce de son cancer j'ose le regarder en face, les yeux dans les yeux. Mais c'est au-dessus de mes forces, je pleure toutes les larmes de mon corps.

Il me prend dans ses bras, tendrement, amoureusement, en embrassant le haut de mon crâne et je savoure pleinement cet instant. Parce que j'ai conscience que ces moments que l'on partage seront bientôt les derniers.

- Je suis littéralement dingue de toi depuis que j'ai six ans, depuis la toute première fois que je t'ai vue, j'ai immédiatement su que c'était toi et personne d'autre. On pourrait même qualifier cela de coup de foudre. Il n'y a jamais eu d'autre fille, je ne jure que par toi depuis mon enfance ! Tu es ma lumière, mon espoir, tu fais de moi l'homme le plus comblé de la terre ! Et je voudrais tellement avoir plus de temps à tes côtés... Si tu savais à quel point je suis amoureux de toi...

Ses yeux reflètent toutes ses paroles et les miens essaient de rendre toute la confiance qu'il place en nous.

- Je t'aime tellement.

- Moi aussi je t'aime.

Mes larmes ne cessent de couler mais nous restons là tous les deux. Mon amour, mon âme, comment pourrai-je un jour te dire adieu ?

Mon cœur fait mille tours dans ma poitrine, propulsé de droite à gauche sans ménagement. Une voix fait cesser le tourment de mon esprit et me ramène à la réalité.

- Cathy ?

- Andrew m'a dit qu'il a menti pour me protéger. Mais j'ai si mal, tous mes souvenirs me font mal. Je veux que ça s'arrête !

Elle s'assied à mes côtés, la conversation avec mon père est terminée.

- Ton père prend le premier train, il pense arriver tard dans la soirée, que veux-tu faire en attendant ? demande-t-elle tendrement.

- Sa tombe.

- Comment ?

- Je veux aller sur sa tombe.  

Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now