Chapitre 32

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Malgré mon ordre, Andrew revient me voir tous les jours, parfois même plusieurs fois. Françoise ne le laisse jamais entrer mais il ne se décourage pas. Il me rapporte la boîte avec tout ce qu'elle contient mais aussi tout ce que je préfère, du moins tout ce que je préférais avant.

Ma mère ne vient pas et d'après les explications de Françoise je commence à comprendre pourquoi. Ce n'est pas la première fois que ma famille me ment, du moins que ma mère me ment. Il y a environ un an, j'ai découvert l'intégralité des lettres, chèques et cartes que mon père nous a envoyé à tous les deux pour nos anniversaires, à chaque noël et autres évènements importants. Elle nous avait menti, en nous disant qu'il n'avait jamais essayé de nous contacter. Je suis entrée dans une colère noire et c'est à ce moment-là que j'ai emménagé avec Maxime.

Andrew a vu les choses d'une manière différente, il n'a jamais pardonné à mon père d'être parti et de nous avoir abandonné : notre premier gros désaccord de jumeaux. J'ai été la seule à le recontacter et à le revoir. Je devais partir faire mes études supérieures chez lui mais les choses se sont compliquées. Maxime étant malade, il n'était pas en état de continuer ses études et moi je n'ai pas pu l'abandonner. Je voulais profiter de chaque minute, chaque seconde possible. Alors je suis restée.

Tout cela m'est raconté par Françoise, je n'en garde aucun souvenir et aucun flash ne vient interrompre ses explications. C'est étrange comme seuls les souvenirs de l'existence de Maxime se rappellent à ma mémoire, ils sont les plus vivaces, les plus profondément ancrés dans mon être, ceux qu'aucun « traumatisme cérébral » ne pourra effacer. Il suffit que l'on prononce son nom, que je passe devant un objet pour voir une nouvelle scène le concernant.

La première fois que je lui ai dit je t'aime :

Je me regarde une dernière fois dans le miroir, je suis prête, je peux le faire. Maxime m'a invité à sortir, seuls, tous les deux, pour la première fois. Il faut dire qu'à 15 ans nous n'avons pas souvent l'occasion de sortir sans nos parents respectifs et encore moins sans Andrew. Le trio inséparable se retrouve séparé par une tumultueuse histoire d'amour ! La plupart du temps il s'éclipse de son propre chef mais aujourd'hui il a fallu que Maxime fasse des pieds et des mains pour que 'Drew daigne nous laisser seuls. Voilà maintenant plusieurs mois que Maxime m'a déclaré sa flamme et aujourd'hui je suis prête à lui dire « je t'aime » pour la première fois. J'ai plusieurs fois essayé de lui dire, cependant mes tentatives se révélaient infructueuses au souvenir du dernier garçon à qui j'ai prononcé ces trois petits mots : Arthur. Mais je sais que Maxime ne ferait jamais la même chose qu'Arthur, du moins je l'espére.

J'ai tout prévu, vers la fin de la journée après avoir fait tout ce que nous avions prévu, je lui aurais dit ce que j'éprouve pour lui dans un cadre totalement romantique. Je lui dirai que je l'aime et il m'embrassera.

Au moment où la sonnette d'entrée retentit, mes joues se colorent immédiatement de rouge. Une seule pensée s'offre à moi : je n'arriverai jamais à lui dire ! Jamais. Mes mains commencent à trembler sans que je puisse les contrôler mais je parviens à mener mes jambes jusqu'à la porte. En ouvrant je découvre un Maxime au sourire ravageur ce qui me pousserait presque à dire immédiatement ce que j'ai sur le cœur. Je t'aime !

- Qu'est-ce que tu as dit ? s'exclame-t-il en rougissant jusqu'aux oreilles.

Oh non. Pitié, dites-moi que je n'ai pas parlé à voix haute.

Une leçon de danse, peu commune :

A sa demande je lui apprends à danser, à l'origine c'était une sorte de valse. Mais il ne danse pas très bien et il n'est pas très concentré, on dérive facilement sur des danses inexistantes. Nos mains s'entrecroisent, nos doigts s'entrelacent, on ne dit rien mais nos yeux parlent pour nous. On se regarde, on rit tendrement, son souffle chaud dans mon cou, mes mains dans le sien. Nos gestes sont emplis de tendresse, d'amour et de passion, pleins de douceur. Je suis charmée dans ses bras rassurants. Puis soudain, son visage effleure le mien et nos lèvres se rencontrent pour finalement s'embrasser. Nos yeux se ferment pour s'abandonner à ce doux baiser. On ne danse plus, mais je trouve ça beaucoup mieux.

Cette chanson qui repasse en boucle dans ma tête :

J'explose de rire en le regardant chanter, la musique à fond. Heureusement je n'entends pas sa voix, seulement ses lèvres qui bougent en rythme tandis que ses mains tentent de transcrire les paroles au travers des gestes. Il est à fond, rien ne pourra l'arrêter, il fait son show.

Une dispute :

- Je t'interdis de faire ça !

- Tu n'as pas à me dire ce que je dois faire ! hurlé-je.

- Si ! Surtout quand tu prends des décisions aussi irrationnelles. Tu ne peux pas arrêter comme ça !

- Bien sûr que je peux, je viens de le faire !

- Non !

Il se met à tousser bruyamment, je l'aide à s'asseoir sur le fauteuil du salon. Il prend plusieurs inspirations avant de pouvoir parler à nouveau. Ses yeux brillants se lèvent dans ma direction. Je sais ce qu'il est en train de faire, il utilise la carte cancer pour me faire plier. Cependant cela ne marchera pas car c'est précisément parce qu'il à un cancer que je prends cette décision.

Je m'abaisse à son niveau pour lui parler plus aisément. Son souffle est bruyant comme s'il venait juste de terminer un match de basket.

- J'ai déjà perdu assez de temps avec la danse classique, tous les jours depuis que je sais marcher.

- Mais tu adores la danse classique !

- Je t'adore encore plus.

Je l'embrasse pour appuyer mes propos, j'utilise la carte amour et celle-ci marche à tous les coups.

- Tu es magnifique quand tu danses, souffle-t-il dans un murmure résigné.

- Seulement quand je danse ?

Il sourit.

Les fois où il m'a soutenu :

Je compose, tremblante, le numéro inscrit sur la carte, celle qu'il nous a envoyé pour nos 18 ans. Je n'appuie pas sur la touche « appeler ». Maxime se tient à mes côtés, sans faire aucun bruit. Sa main vient caresser mon dos dans un geste réconfortant. D'un signe de tête il m'encourage à le faire. J'appuie avec un sourire confiant. 

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