Mon trou de mémoire

Chapitre 52

Machinalement, je joue avec le collier sur lequel j'ai fait glisser l'anneau et je puise de la force dans cette alliance qui me relit à lui. Les jumelles ne sont pas là pour me divertir ou pour me trouver un sujet d'occupation. Les adolescentes arrivent les unes après les autres pour commencer le cours et discutent entre elles par petit groupe.

Mentalement, je me dis que ce n'est pas bien différent du groupe du mardi, toujours autant de pipelettes mais avec quelques centimètres en plus. Toutefois les conversations, bien que toujours immatures, reste plus compréhensible pour moi.

L'ambiance est beaucoup moins facile que celle du mardi. Les petites filles de six ans me considèrent un peu comme une grande sœur, pas toujours rigolote mais une grande sœur tout de même. Dès le premier cours, elles étaient galvanisées par l'exemple de Tanya et Lola et venaient au minimum me dire bonjour. Ici, je passe presque, presque, pour une fille de leur âge et bien-sûr aucune d'elles n'a envie de devenir amie avec une étrangère. Aucune d'elles mis à part celle qui se dirige droit vers moi.

- Tu es nouvelle ? demande-t-elle le sourire aux lèvres

- Oui et non, j'étais dans le cours du mardi, annoncé-je assez timidement.

- Tu as quel âge ? demande-t-elle aussitôt.

- J'ai 21 ans.

- Ah ! C'est bien ce que je me disais, tu as quasiment le même âge que Nico !

Elle enchaîne les questions comme une journaliste professionnelle, m'interrogeant sur ma tenue ou bien mes cheveux. Je parviens, tant bien que mal, à la questionner en retour. J'apprends qu'elle est en terminale littéraire et qu'elle adore la grenadine. Pendant notre conversation, je mets mes chaussons de danse et constate avec soulagement que la plupart des filles ne se changent pas entièrement en danseuse rose pailletée.

Quand elle me demande d'où vient la cicatrice dans le haut de mon cou, la seule que laisse voir mes vêtements, je lui réponds simplement que je suis tombée.

- Et tu as petit ami ? demande-t-elle malicieusement.

- Non, enfin oui, murmuré-je, non...

- Célibataire alors ? Parce que Nico l'est ! Vous pourriez faire un super couple, affirme-t-elle, j'ai toujours dit qu'il devait se trouver une danseuse.

Je vois les rouages de son cerveau imaginer le scénario, ses yeux pétillent de bonheur à l'idée que nous puissions un jour former le couple idéal.

- Toi aussi tu es une danseuse, répliqué-je pour couper court à ses idées farfelues.

- Il est trop vieux pour moi ! s'offusque-t-elle.

Elle fait les gros yeux, outrée que je puisse formuler une telle proposition.

- Qui est trop vieux pour toi ?

Une autre danseuse se joint à nous, je me rends compte que je ne connais pas leur nom. Pourtant nous discutons comme si nous avions toujours fait partie du même cercle d'amis. La première répond à sa question avec enthousiasme, sur le ton de la confidence. Lorsque le nom de Nicolas arrive dans la conversation, la nouvelle arrivée paraît tout à coup très absorbée par la discussion.

- Tu sors avec Nico ? demande-t-elle.

- Ne dis pas de bêtise Clara, c'est justement l'objectif ! lui réponds-t-elle.

- Doucement ! Vous allez un peu vite les filles, je ne sors avec personne !

Je ne comprends pas comment la situation a pu déraper aussi vite. Une minute avant j'étais seulement la nouvelle célibataire et les voilà presque en train de mettre au point mon mariage. Sans crier gare, j'éclate de rire en voyant le ridicule de la situation et elles se joignent à moi.

- En parlant du loup le voilà qui arrive ! lance-t-elle.

Elle se lève, Clara m'aide à faire de même et nous nous dirigeons ensemble devant les miroirs. Lorsque Nico me voit il s'approche et je m'apprête à récupérer le programme du jour.

- Non pas aujourd'hui, sourit-il, le jeudi tu vas suivre le cours normalement, c'est bien de pousser dans les limites de temps en temps. Je pense que c'est le moment, en restant raisonnable bien-sûr. Si jamais, tu commences à voir en double, ou si tu as envie de vomir, essaie de ralentir, me conseille-t-il ironiquement.

Il retourne sur le devant des miroirs et installe son matériel. La jeune fille en profite pour venir me glisser quelques mots à l'oreille.

- C'est bien parti pour que vous soyez en couple avant la fin de l'année, me lance-t-elle en chuchotant.

- Ne dis pas de bêtises, je ne vais sortir avec personne, répété-je pour la convaincre.

Elle s'apprête à répliquer en me montrant son mécontentement mais Nico lui dit de se concentrer et de commencer les échauffements. Grâce à cela je connais enfin son prénom : Maëlys.