Chapitre 3

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Le jour de la sortie de l'hôpital arrive enfin. Lucie, mon infirmière préférée, me prend la tension une dernière fois pour s'assurer que tout est en ordre. Elle a un petit sourire triste au coin des lèvres, mais elle me prend dans ses bras et retrouve sa gaité habituelle. Elle me recommande de ne pas faire d'effort pendant quelques semaines et d'y aller doucement. De tous, c'est elle qui me manquera le plus. Elle a immédiatement compris l'épreuve que je traversais.

Mon frère et ma mère ont pour consigne d'installer la même routine que d'ordinaire pour que mon subconscient puisse retrouver une situation familière. Je dis au revoir à toutes les personnes du service qui se sont occupées de moi, avec une certaine pointe au cœur. J'ai l'impression de quitter une famille pour aller avec des personnes qui me sont totalement inconnues.

Il est vrai que depuis mon premier jour de réveil ma mère est assez distante avec moi, peut-être ne trouve-t-elle tout simplement pas les mots ? De temps en temps, j'essaie d'engager une discussion à laquelle elle répond vaguement sans me regarder en face. Toutefois Andrew semble être une parfaite moitié du tout que nous formons, il sait exactement les mots qu'il faut dire pour me réconforter, me rassurer.

Dans la voiture, tous les paysages se ressemblent, rien ne me paraît familier. Je suis incapable de reconnaitre la route que nous empruntons, j'ai l'impression de partir en voyage ou plutôt de déménager. La différence est que je retourne chez moi, même si je n'ai aucune idée précise du chez moi en question.

- Tout va bien se passer, murmure Andrew.

Il me répète cette phrase au moins une fois toutes les cinq minutes. Et plus il la répète, plus j'ai l'impression que le ciel va nous tomber sur la tête. Je serre sa main dans la mienne et souffle un grand coup comme pour me donner du courage.

L'extérieur de la maison est totalement différent de ce que j'avais imaginé. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais pensé à une maison à étage de couleur beige avec des volets marrons et un porche rempli de plantes grasses. Or j'ai devant moi une maison de plein pied de couleur jaune clair avec des volets blancs sans verdure. Dans un certain sens, je suis déçue, j'aurai préféré cette autre maison, beaucoup plus charmante à mon goût. J'éprouve un certain malaise en poussant la porte d'entrée. Pour moi, la vie se résume à une atmosphère médicale, remplie d'odeur de désinfectant et de médicament. Une odeur qui signifie mon foyer, c'est tout ce que ma vie est à présent puisque je ne sais rien d'avant.

Après une rapide visite de la maison, où rien ne m'est familier, Andrew me conduit dans ce qui doit être ma chambre. En poussant la porte, j'ai un véritable choc. J'ai en face de moi un contraste étonnant entre la blancheur, la neutralité des chambres de l'hôpital et la couleur vive qui orne toutes les parcelles de la pièce. Du rose. Pas un rose tendre à l'effet apaisant, plutôt un rose vif, qui aveugle. Le genre de rose qui passe, si un simple coussin en est doté, mais qui devient étouffant s'il est utilisé sans modération. Ce qui est le cas ici. Je marque un temps d'arrêt sur le pas de la porte de manière à m'habituer de nouveau à cette couleur.

- C'est ma chambre ?

- Ouais ! Juste à côté de la mienne, sourit-il.

Je prends le temps de dévisager toutes mes affaires, une par une, lentement. Devant mon air sceptique, Andrew se sent obligé de souligner :

- Je tiens à préciser que tu as toi-même choisis la déco.

Nos regards se croisent et nous éclatons de rire en même temps. Il reprend son souffle, me regarde droit dans les yeux et il ajoute :

- S'il te plait, quand la mémoire te reviendra, tu pourras faire en sorte d'oublier ton goût prononcé pour le rose ?

Et nous rions encore plus.


Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now