Chapitre 17

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Le 2 octobre 2013

« J'ai un peu honte de le dire mais j'ai triché au contrôle d'anglais... Il faut dire que je déteste cette matière, je n'y comprends rien ! Mon point fort c'est l'espagnol. Par contre c'est complétement l'inverse pour Andrew, il adore l'anglais ! (Je n'arriverai jamais à le comprendre...). On a donc élaboré un système. Etant donné que nous sommes à côté dans toutes les matières (vive le classement par ordre alphabétique !), il me dit les réponses en anglais et moi je les lui dis pour l'espagnol. Personne n'a jamais remarqué notre stratagème, pour eux nous sommes les parfaits petits jumeaux !»

« Parfaits petits jumeaux », cette phrase me fait rire mais pas dans le bon sens du terme. Nous ne sommes pas des parfaits petits jumeaux, sinon Andrew m'aurait parlé de Maxime, de ces photos, de ce journal intime. Il ne m'aurait rien caché. La rancœur s'installe dans mon cœur, une rancœur dirigée contre mon frère qui cache cette boîte dans sa chambre depuis le début.

J'essaie de me concentrer à nouveau sur ma lecture.

Le 22 octobre 2013

« Il y a deux jours c'était l'anniversaire de Maxime. Il nous a invité à le fêter chez lui hier. Tout se passait à merveille jusqu'à ce que leur chien arrive dans la pièce ! J'ai très TRES peur des chiens (depuis que j'ai été mordue par celui des voisins quand j'avais 6 ans...). Je ne voulais pas qu'il m'approche ! Bien-sûr mon très cher frère et mon meilleur ami se sont moqués de moi. Maxime m'a dit qu'il ne fallait pas avoir peur, que son chien était très gentil. Mais évidemment que pour lui son chien est gentil puisque c'est son chien !»

Le 5 novembre 2013

« Je ne sors plus avec Arthur. »

Juste une phrase ? Rien de plus, pas de détails, juste "je ne sors plus avec Arthur" ? Dommage que mon moi de quinze ans n'ait pas prévu que je perde la mémoire...

Je remarque rapidement que la feuille de cette page n'est pas comme les autres. Elle est toute dure et un peu gondolée. Je me sens vaciller vers un monde qui me devient totalement familier : mon passé. Je me vois, moi, six ans plus tôt, les larmes aux yeux, sur le lit de ma chambre.

Je pleure toute seule dans ma chambre, il n'y a personne à la maison. Mon journal est sur mes genoux, je viens d'écrire cette phrase. Je ne sais pas quoi faire, quoi écrire d'autre... Je ne suis pas allée à mon cours de danse, alors que je n'en ai jamais raté un seul, même lorsque j'étais malade.

J'entends la porte d'entrée s'ouvrir, ce n'est pas normal. Maman doit rentrer dans deux heures seulement et Andrew est à son entrainement de basket. J'entends des bruits de pas rapides. Un immense soulagement m'envahie lorsque je vois Andrew pousser la porte de ma chambre, essoufflé. Surprise je jette mon coussin sur lui.

- Tu m'as fait peur, idiot ! crié-je en essuyant mes larmes.

Je m'attends à le voir sourire mais à la place il fronce les sourcils.

- Et toi ! Tu crois que je n'ai pas eu peur moi ? Quand Emily m'a dit que tu n'étais pas au studio !

- Pardon, murmuré-je.

- Tu n'imagines pas tous les scénarios qui se sont déroulés dans ma tête ! J'ai cru que tu t'étais fait kidnapper ! Mais en fait non ! Tu étais là, tranquillement à la maison !

- J'ai dit pardon ! crié-je soudainement.

Il ne répond rien et m'observe en silence. Tout en détournant le regard je pars m'asseoir sur mon lit. Puis il me rejoint et me regarde dans les yeux.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? demande-t-il inquiet.

- Rien... Allez-vous en tous les deux !

- Oups, démasqué ! fait Maxime en entrant dans la chambre le sourire aux lèvres.

Sans vraiment savoir pourquoi je souris à mon tour.

- Je vais bien, je n'avais seulement pas envie d'aller à la danse aujourd'hui, leur expliqué-je le plus calmement possible.

- Tu n'as jamais raté un seul cours de danse de ta vie ! Tu nous dis toujours tout pourquoi pas ça ? réplique Maxime immédiatement.

A demi-amusée je rétorque en le défiant du regard.

- Faux ! Je ne t'ai jamais avoué que je te détestais au début !

- Oui mais tu me l'as bien fait comprendre ! ajoute-t-il en rigolant.

Nous rigolons tous les trois puis il y a un long silence que mon frère brise. C'est fou comme je peux presque oublier mes problèmes lorsqu'ils sont là.

- Est-ce que ça à un rapport avec Arthur ?

- Non... je mens, pourquoi ça aurait un rapport avec lui ?

- Parce que tu ne portes plus le bracelet qu'il t'a offert, murmure-t-il en montrant mon poignet.

J'ai envie de sourire mais je n'y parviens pas. Ils me connaissent. Ils savent quand je ne suis pas bien et qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne sais pas pourquoi je voulais leur cacher ça, ils sont mes frères, mes confidents, mes meilleurs amis. J'éclate lentement en sanglots. Les larmes ne cessent de couler, j'ai beau fermer les yeux elles sont toujours là. C'est à ce moment-là que mon frère me prend dans ses bras, sans dire un seul mot, juste tendrement, comme ça...

- Qu'est-ce qu'il a fait ? demande Maxime sérieusement.

- Il sortait avec une autre fille en même temps... répond-je tristement.

Puis je reviens brutalement au présent, envahie par la même tristesse qu'autrefois. Des larmes affluent au coin de mes yeux. Je me force à respirer plusieurs fois. Depuis mon réveil, j'ai pensé à toutes les manières dont je mes souvenirs pouvaient refaire surface. Mais rien ne m'avait préparé à cela, à une telle violence. Je ressens tout comme si je le vivais, mais je ne le vis plus, je l'ai déjà vécu.

Ce journal est le déclencheur qui me fallait pour retrouver mon âme. Je plonge, tête en avant, dans ce tourbillon de souvenirs, qui m'assaille de toute part. Des sourires, des voix, des moments inoubliables qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire.

Mon trou de mémoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant