Mon trou de mémoire

Chapitre 31

Je suis réveillée par l'agréable odeur du pain perdu de Françoise. Je ne pensais pas pouvoir m'endormir mais la fatigue a eu raison de moi. Je pensais également avoir de nouveaux souvenirs durant la nuit mais c'était le calme plat. Je veux voir son visage, j'ai besoin de voir son visage.

Je m'arrête devant sa porte sans pour autant entrer dans sa chambre. Même à distance je sens son odeur, son essence, son âme qui parcourt la pièce. Le passé refait surface, je suis au même endroit, la différence c'est qu'il est là, dans sa chambre. Tout semble si réel.

- Cat, tu peux faire mon nœud de cravate s'il te plait ?

Je me dirige vers lui un sourire narquois sur les lèvres.

- Je croyais qu'après tout ce temps, tu saurais le faire toi-même ?

- Exact. Mais c'est tellement mieux quand c'est toi qui le fait..

Son sourire est malicieux, il ne cesse de me regarder pendant que je m'exécute. Sa main vient se poser délicatement dans le creux de ma hanche. Il m'embrasse, c'est doux et fougueux à la fois.

Je descends directement dans la cuisine. Françoise prépare avec entrain son fameux pain perdu. Lorsqu'elle me voit, elle annonce joyeusement en brandissant sa spatule :

- Une journée sans pain perdu est...

- Une journée perdue !

Je finis sa phrase sans même m'en rendre compte, comme un automatisme. Elle me regarde, comme si j'avais parlé la langue du diable. Elle ouvre la bouche pour parler mais elle est coupée par des coups sur la porte d'entrée. Elle se dirige immédiatement vers celle-ci. Je reconnais sa voix avant même de le voir. Je reste malgré tout debout dans la cuisine.

- Je l'ai cherché partout, toute la nuit ! Je ne sais pas où elle est. J'ai peur qu'elle fasse une bêtise.

- Calme-toi Andrew, tout va bien. Elle est dans la cuisine, elle est arrivée hier soir.

Je n'entends pas sa réponse mais je le vois débouler dans la pièce, Françoise le suit de près. Il porte le même tee-shirt qu'hier, ses yeux sont rouges et cernés. Il me prend dans ses bras sans réfléchir, je ne lui rends pas son étreinte.

- Tu avais promis de ne plus faire un truc comme ça ! crie-t-il contre mon oreille.

- Je ne me souviens pas d'avoir déjà fait cette promesse.

Il se fige, mes paroles le blessent et je m'en félicite. Je veux qu'il ait mal autant que moi lorsque j'ai découvert sa trahison.

- Je vais tout t'expliquer, je te le jure, fais-moi confiance.

- Allez saute ! Je te rattrape Cathy. Fais-moi confiance !

Je saute, mais il ne me rattrape pas assez rapidement. Ma jambe tape le sol et une douleur intense foudroie mon cerveau.

- Je ne te ferais plus jamais confiance.

- Françoise confirmera, je te promets de te dire tout ce que je t'ai caché.

- Parce que tu m'as caché beaucoup de choses ?

Il hésite, il sait que je vais lui en vouloir. Son regard fuit le mien mais il parait trouver le courage de tout m'avouer.

- Papa.

- Papa ? Qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans ?

- Tu lui parles encore.

- Comment-ça ?

- Il y a un an, tu as repris contact avec lui, explique Françoise.

- Il n'est pas au courant, coupe Andrew, pour ton accident.

Le regard horrifié de Françoise reflète sûrement le mien. Je m'écarte une fois de plus d'Andrew. Il m'avait affirmé lui avoir parlé de l'accident. Je n'arrive pas à croire qu'il ait fait une telle chose. En y repensant il ne comptait pas non plus me parler d'Emily ni de la danse classique. Il a utilisé mon accident, mon amnésie à son avantage pour me façonner de la façon qu'il souhaite, sous prétexte de vouloir me protéger. Je ne peux pas entendre davantage de ses mensonges, je ne veux pas les entendre. Plus jamais. Je lui dis une première fois mais ma voix est si faible que je suis obligée de répéter.

- Va-t'en.

Il me supplie du regard, je ne faiblis pas. Il fait un pas vers moi, je le regarde avec tout le dégoût que je puisse éprouver.

- Va-t'en et ne reviens pas. Jamais.