Mon trou de mémoire

Chapitre 7

J'ai honte d'affirmer que la seule conversation que j'ai eu avec ma mère, depuis mon retour, se limite à la liste des courses. Nous n'avons pas parlé pas la suite. Pourtant, elle discute souvent avec Andrew, je les entends quand je me repose dans ma chambre. Elle agit bizarrement en ma présence, se montre soit trop chaleureuse, soit pas assez. Elle travaille tout le temps et n'est presque jamais à la maison.

Toutefois, ce soir, elle est là. Je la rejoins dans la cuisine où elle prépare le repas. Nous mangerons une omelette au fromage, du moins ce qui ressemble à une omelette au fromage.

- Maman ?

Elle se retourne vers moi, surprise. Elle me demande immédiatement si j'ai besoin de quelque chose, de l'eau, une couverture, quoi que ce soit.

- Où est-ce que tu travailles ?

Elle ne s'attendait pas à ce genre de question.

- A l'hôpital. Je suis infirmière. Pas dans le même service où tu as été admise, dans un autre.

- Tu y vas souvent.

- J'ai pris plus d'heures, tu sais les frais d'hôpitaux, les soins, la rééducation... il faut bien payer les factures, rétorque-t-elle posément.

J'acquiesce. Elle retourne à son « omelette ». Andrew entre dans la cuisine d'un faux regard distrait. Il prend les assiettes et commence à mettre la table. Je sais qu'il est en train de nous écouter, ou devrai-je dire espionner. De ce que j'ai pu observer, il ne serait jamais sorti volontairement pour mettre la table, ma mère aurait déjà dû l'appeler trois fois pour obtenir un tel résultat. Je ne prends pas compte de sa présence car j'ai une question importante à poser.

- Maman ?

Elle se retourne dans ma direction et en voyant mon visage elle s'inquiète.

- Qu'y a-t-il, Cathy ?

- Je voulais savoir, quel genre de relation nous avions. Je veux dire...est-ce qu'on passe des moments mère-fille ensemble ? Du shopping ? Un ciné ?

Elle se mord la lèvre inférieure, elle ne sait pas comment répondre. Andrew choisit ce moment pour venir écouter « officiellement » la conversation.

- Nous n'avons jamais réellement eu ce genre de relation, commence-t-elle. Surtout depuis quelques années, avoue-t-elle.

Andrew vient me prendre dans ses bras.

- En fait, explique-t-il, ce n'est pas que vous n'avez pas de relation, c'est que la nôtre prend trop de place. Andrew et Cathy contre ...

- Le monde entier, terminai-je.

- Exactement !

- On passe à table ? demande ma mère.

Lorsqu'elle amène le plat je dois faire une drôle de tête car elle se sent obligé de m'expliquer.

- C'est de la purée.

- Je croyais que c'était une omelette au fromage, il y avait des œufs et du gruyère sur le plan de travail.

- Oui, c'est parce qu'Andrew l'aime comme ça.

- Et moi je l'aime comment ?

Ma mère retourne dans la cuisine, un léger sourire aux lèvres. Andrew me regarde et m'encourage à goûter, son visage marqué du même sourire complice. C'est avec beaucoup de confiance que je prends une grande cuillère de purée et c'est avec beaucoup de dégoût que je recrache ladite cuillérée.

- Pas comme ça, répond-il.

Andrew s'esclaffe du tour qu'il vient de me jouer.

- Au moins on sait que tu ne faisais pas de caprices durant toutes ces années ! reprend-il en riant.