Chapitre 2

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Je m'appelle Cathy, je viens d'avoir 21 ans et j'ai perdu la mémoire dans un accident de voiture. Un chauffard m'a renversé alors que je marchai sur le trottoir. Je ne me souviens pas de ma vie, je n'ai aucun souvenir de ces vingt et une dernières années. Mais étrangement je n'ai rien oublié de tout ce que j'ai appris durant ma vie : une pomme se mange, une table est une table et le ciel est bleu. Mis à part ça, l'identité des personnes qui me sont proches, mes goûts, mes souvenirs... Je ne m'en souviens plus.

On m'a appris que j'ai eu cet accident il y a environ trois mois. Depuis, j'étais restée inconsciente à l'hôpital, dans le coma.

Il est 18h15 lorsqu'il arrive complétement essoufflé. J'en déduit qu'il a couru, la couleur légèrement rosée de ses joues me le confirme. Il marque un temps d'arrêt dans l'encadrement de la porte, comme pour s'assurer d'être à la bonne destination. Je ne le reconnais pas, ni quand il me prend dans ses bras ni quand il commence à me parler. Je le regarde, ne sachant pas ce que je dois faire ou dire.

- Oh pardon, excuse-moi, maman m'a dit pour ...enfin... Je suis ton frère, jumeau pour être plus précis... mais c'est moi le plus grand, s'empresse-t-il d'ajouter.

Il écarte la manche de son pull pour me montrer du doigt un grain de beauté au niveau de son poignet gauche, puis en cherchant mon accord des yeux il s'approche de mon propre poignet. J'y découvre un grain de beauté de taille identique au sien et placé exactement au même endroit.

- Maman a le même, c'est un peu le signe distinctif de la famille, ou juste une coïncidence... plaisante-t-il, et euh... je dois avoir des photos !

Il sort son téléphone de sa poche et cherche quelque chose qu'il trouve assez rapidement. Il me montre une vidéo filmée maladroitement.

- C'était pour te prouver qu'on se connait, pour que tu n'aies pas peur de moi... Tu peux me faire confiance.

Je reste silencieuse tout en continuant de fixer son téléphone.

- Si tu me disais ton prénom... ce serait peut-être plus facile.

- Mince pardon ! Je n'ai pas l'habitude de te dire comment je m'appelle ! Je suis Andrew bien que tu ne m'appelles quasiment jamais de cette manière.

- Comment je t'appelle alors ?

Il rit gêné au souvenir d'un détail amusant.

- En fait, on peut dire que tu ne manques pas d'imagination de ce côté-là, j'ai eu droit à à peu près tous les surnoms possibles : frérot, drewdrew, le basketteur, l'enquiquineur, mon chou. Tout ce qui existe tu me le donnes en prénom, cela dépend de ton humeur et de la température extérieure. Il n'y a que lorsque tu es sérieuse que tu m'appelles Andrew.

Après un bref instant d'hésitation, il me reprend dans ses bras en serrant plus fort, comme si je pouvais m'échapper. J'entends son souffle redevenu régulier au creux de mon oreille et ce son est apaisant. Sans trop comprendre pourquoi je réponds à son étreinte et mon être semble comprendre qu'une partie de moi-même est de retour après une longue absence, que mon tout ne fait plus qu'un.

Andrew finit par approcher une chaise mais au lieu de bombarder mon crâne de souvenirs perdus, il me fait rire de toutes les façons possibles. J'ai l'impression d'être en présence d'une personne qui me connait mieux que je ne me connais moi-même et à qui je peux confier tous mes secrets. En l'espace de quelques minutes, je découvre un frère que je ne connais pas vraiment mais que je ne veux perdre pour rien au monde. Un lien précieux nous unit au-delà des souvenirs oubliés.

Par la suite Andrew s'empresse de venir me voir tous les jours après ses cours. Parfois on met un film, d'autres fois il fait ses révisions mais une chose est sûre, à chaque fois nous parlons, de tout et de rien. De sa journée à la faculté, des jours mornes de l'hôpital et des souvenirs.

Les médecins disent qu'il est possible que je puisse récupérer une partie, voire la totalité de ma mémoire et j'espère de tout cœur que je me souviendrais des moments que l'on a partagés ensemble.

Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now