Chapitre 50

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Je quitte l'appartement de mon père pour de bon. Quand je reviendrai de mon cours de danse dans une heure, je n'y retournerai pas, à la place j'irai chez mon frère. Il a insisté pour venir lui-même me chercher et les jumelles s'attristent à l'idée que je ne vive plus près d'elles.

- Donc tu ne mangeras pas à la maison ce soir ? questionne Talya à la fin du cours, tandis que nous attendons la voiture devant la salle.

- Non, réponds-je tout en souriant amicalement à Nicolas qui ferme la porte derrière nous, je mangerai le vendredi avec vous, Drew viendra aussi. En plus, qu'est-ce qui se passe demain ?

- On va chez toi et Drew ! s'exclament-elles en cœur, toute trace de tristesse envolée.

- On va bien s'amuser tous les quatre, souris-je enthousiasmée par leur réaction.

Je ne veux pas arrêter de voir les jumelles seulement parce que j'habite ailleurs. Nous avons décidé d'organiser un repas tous les vendredis chez notre père et de prendre les jumelles avec nous tous les mercredis après-midi, dans la mesure du possible.

La voiture de mon frère vient se poser devant l'entrée et il nous fait son sourire de tombeur avec ses lunettes de soleil. J'ouvre la portière arrière pour permettre à nos petites sœurs de monter à l'intérieur du véhicule, avant de m'installer moi-même à l'avant. Andrew vérifie que les jumelles et moi-même sommes bien attachées pour démarrer de nouveau.

Après avoir laissé les petites à Sarah, nous nous retrouvons chez Andrew, enfin chez Andrew et moi. J'ai du mal à m'habituer à notre nouvelle situation mais je suis heureuse que nous vivions ensemble. Il m'a fallu moins d'une semaine pour emporter toutes mes affaires chez nous.

- C'est beaucoup trop calme, constaté-je tout de même.

- C'est certain, affirme-t-il, mais au moins ici on peut toujours faire ça !

Il m'installe dans ma chambre et va dans la sienne. Aussitôt j'entends nos quatre petits coups frapper sur le mur. La première fois que nous avions utilisé ce code c'était peu après le divorce de nos parents, quand nous avions déménagé dans notre nouvelle maison où nous avions deux chambres séparées et plus la même pièce. Je me souviens que nous avions deux adorables petits lits superposés et que nous avions été déchirés de devoir dormir dans deux pièces séparées, peut-être même plus que pour le fait que nos parents se séparaient. Maman avait disposé nos nouveaux meubles de manières symétriques pour que nous ayons l'impression de n'avoir qu'une seule et même chambre.

- C'est un avantage assuré ! crié-je avant de le rejoindre.

J'observe sa chambre, un peu différente de celle d'avant. Sur sa table de chevet, il y a une photo de nous trois, bien avant la maladie, l'une des dernières où nous étions encore insouciants de ce qui allait se passer. Je détourne mon regard bien vite de ladite photo et fixe les autres coins de sa chambre.

- La semaine prochaine il y a une sorte de petite fête pour la rentrée au studio, on accueille les nouveaux élèves et on mange un petit goûter avec les parents. Je suis sûre que les jumelles seraient ravies que tu viennes.

- Et pas toi ? me taquine-t-il.

- Si, bien-sûr.

- Alors c'est d'accord.

- Super ! dis-je en dirigeant vers le séjour.

Je commence à mettre la table pendant qu'Andrew fait chauffer de l'eau pour les pâtes. Demain, il commence les cours à la fac où il étudiera le sport en STAPS. Il avait validé sa première année après le bac mais il n'avait pas poursuivi en deuxième année. Heureusement la faculté a accepté de le laisser au même niveau pour qu'il n'ait pas à tout recommencer. Malheureusement, je n'ai pas cette chance. Il est vrai que je suis responsable de ce qui m'est arrivée... Cependant, j'aurai préféré ne pas devoir recommencer la danse classique depuis le début.

Le jour du goûter, je suis la seule à porter des manches longues. Néanmoins je passe globalement inaperçu au milieu des adultes. La salle de danse devient une salle de fête où les parents ont apporté des jus de fruit et des gâteaux.

- Pour une grande ville, commente Andrew, j'aurai pensé que ce serait une fête un peu moins campagnarde.

- C'est un petit studio, expliqué-je avec un haussement d'épaules.

Il est vrai que dans mon ancien studio les réceptions étaient un peu plus chics puisque toujours précédées de nos représentations. Dans le coin des barres, j'aperçois Mme Roussigni qui discute joyeusement. Elle a l'air fatigué mais en bonne santé, c'est l'essentiel. Non loin de là, il y a Nicolas, entouré de tout un groupe d'adolescentes.

- C'est le prof ? demande mon frère.

J'acquiesce.

- Il a l'air sympathique, tu ne veux pas aller tenter ta chance ?

- Ne fais pas ça, coupé-je sèchement.

- Faire quoi ? demande-t-il innocemment.

- Tu vois très bien ce que je veux dire.

Je ne veux pas qu'il me pousse dans les bras d'un autre pour que je passe à autre chose, comme tout le monde le souhaite.


Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now