Mon trou de mémoire

Chapitre 10

J'entre en trombe dans sa chambre, il lève un sourcil interrogateur. Son placard est ouvert et laisse entrevoir les piles de vêtements, empilés de manière totalement inconvenante mais tout à fait attendu pour un garçon tel qu'Andrew. J'attrape un sweat noir à capuche, je le regarde sous toutes les coutures et pousse un soupir de soulagement quand je remarque qu'il n'y a aucune trace de rose dessus. Je repars dans ma chambre sans dire un mot. Je retire mon affreux pull rose et j'enfile le sweat d'Andrew à la place.

- Un s'il te plait, ça t'aurait tué ? crie-t-il de sa chambre.

Je retourne dans la pièce un grand sourire innocent sur les lèvres.

- De toute façon je suis certaine qu'il me va mieux qu'à toi.

- Si moi, je te fais ça, tu me piquerais une crise !

- Non, bien sûr que non... Si tu veux j'ai une très jolie robe rose, elle t'ira à merveille !

- Ah. Ah. Ah.

- Non plus sérieusement tu as vu mes vêtements ? Comment peut-on supporter de s'habiller exclusivement en rose ? Il y en a de partout !

- Va dire ça à l'ancienne Cathy !

Cette petite réplique crée un blanc et nous met mal à l'aise tous les deux.

- J'ai vraiment beaucoup changé ?

Il ne répond pas, semblant réfléchir à la question, puis finit par trouver une réponse acceptable. Il reprend d'une voix faible.

- Tu es différente. Tu n'aimes pas le rose, tu n'as plus une peur bleue des chiens, tu parles moins et d'une certaine manière on a perdu la complicité qui nous unissait. Certaines personnes ne croient pas aux liens qui unissent les jumeaux, si l'un pleure l'autre aussi. C'était vrai pour nous, jusqu'à l'accident. J'ai senti qu'on se perdait l'un l'autre, je me suis senti vide et je croyais que tu ne survivrais pas. Je ne l'ai pas cru quand maman m'a dit que tu t'étais réveillée... parce que je n'avais toujours pas retrouvé cette part de moi.

- Et maintenant, tu l'as retrouvée ?

Il me regarde d'un air abattu, il n'a pas besoin de dire non pour que je comprenne.

- Mais je ne l'ai pas complétement perdue, annonce-t-il avec un demi-sourire.

- C'est vrai je suis toujours là ! De ce fait tu vas devoir me montrer ton éternelle reconnaissance pour avoir survécu et ainsi devenir mon esclave, annonçé-je d'un sourire espiègle.

- Tu peux toujours rêver, petite sœur !

En disant cela, il m'attrape les bras d'une main et de l'autre il me fait des chatouilles. Je me tords dans tous les sens pour arrêter le supplice mais je n'arrive pas à me défaire de son emprise. Je suis obligée de le supplier pour qu'il cesse, ce qui évidemment le fait rire. Mes jambes ne peuvent plus soutenir ce tourment et je finis sur le sol en entrainant Andrew dans ma chute.

J'ai du mal à croire qu'on ait perdu notre lien. J'ai l'impression qu'il est là, quelque part, tout près. J'ai fait confiance à Andrew dès le premier jour, c'est le seul avec qui je me sente vraiment bien. Le seul qui m'ait fait sentir réellement en sécurité depuis le début. Pour moi notre lien existe.

- Pour le côté rose de ta vie, je peux peut-être trouver une solution. On n'a pas les moyens de refaire entièrement ta garde-robe. Les vêtements de maman ne t'iront pas mais peut-être que ceux de Susana pourront faire l'affaire, je suis certain qu'elle acceptera de te passer une ou deux affaires. Sinon on demandera à notre cousine de t'apporter quelque chose.

- Ce serait vraiment génial ! Je ne supporte plus cette couleur.