Chapitre 48

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Après un coup de téléphone à notre père, Andrew me conduit directement à son appartement, dans lequel il a emménagé la semaine passée. Il n'est pas loin du logement de notre père, plus près du petit parc, du kiné et de la salle de danse.

Dans le salon il y a encore des cartons pleins qui attendent d'être déballés. L'appartement possède deux chambres séparées, une salle de bain et un plus ou moins grand séjour avec une cuisine. Pour un logement dans la capitale, il est idéalement situé et très bien meublé.

- Le loyer doit te coûter une fortune ! m'exclamé-je.

- Papa et maman m'aident et d'après ce que je sais tu es au courant du compte que nous avons toi et moi.

- Depuis quand tu communiques avec Papa ? Je pensais que tu ne voulais plus jamais lui adresser la parole.

Nous sommes côte à côte, plus proche que nous ne l'avons été pendant ces derniers mois mais en étant plus éloigné que jamais. Je me souviens d'avant tout ça, avant même que je ne sorte avec Maxime, quand notre lien était à son maximum. Mon frère était mon monde, rien ne comptait plus que lui, je ne pouvais aller nulle part sans lui. L'espace qui nous sépare montre trop les évènements qui nous ont opposé et je voudrais tant que ces évènements ne soient jamais arrivés.

- Depuis que tu as déménagé, il me disait comment tu allais et me demandait comment faire pour t'aider.

Il sort deux verres d'une étagère et prend une bouteille de jus d'orange et de carotte, notre préféré, dans son petit frigo. Il me tend l'un des verres remplis. Je le saisis immédiatement en buvant une gorgée le plus lentement possible, cela me permet d'avoir une excuse pour ne pas être la première à parler.

- Papa m'a dit que tu avais recommencé la danse ? demande-t-il poliment.

- Je n'ai pas eu le choix, c'est lui qui m'a forcé.

- Et il a eu raison ?

- Comme me l'ont fait si gentiment remarquer les jumelles, je ne suis plus au meilleur de ma forme. D'après elle, je ressemble à une patate, ce qui n'est pas très encourageant. Mais elles ont raison, j'ai beaucoup de mal à danser.

- Ça finira par revenir, fait-il optimiste.

Je bois une autre gorgée de mon jus pour éviter de lui répondre sèchement. Nous arrivons à peine à nous parler normalement, ce n'est pas le moment de lui répondre méchamment. Je n'ai pas simplement oublié la manière de danser, mon corps est devenu incapable de réaliser les figures que ma tête connaissait par cœur. Rien ne finira pas revenir comme par magie, un miracle ne va pas se produire.

- As-tu remarqué qu'il y avait une deuxième chambre ? s'interrogea-t-il innocemment, j'espérais que tu viendrais vivre ici, avec moi, je devais t'en parler au diner de ce soir.

La proposition est terriblement alléchante. Je n'avais jamais encore pris conscience qu'il me manquait à ce point et le voir devant moi fait remonter à la surface tellement de souvenirs enfouis. Après le lycée, le programme était de venir s'installer à Paris, proche de l'école de danse dans laquelle j'avais postulé et de la faculté dans laquelle Andrew et Maxime devait s'inscrire. Susana devait venir nous rejoindre dès qu'elle aurait eu son baccalauréat.

- Je ne vais pas vous déranger toi et Susana.

Je n'ai pas pensé à elle depuis une éternité. C'est ahurissant la vitesse à laquelle on peut oublier les gens, même sans aucun traumatisme cérébral. Il suffit de ne plus les côtoyer pendant un certain temps. Mais tout finit par revenir à la surface, Maxime sera toujours éternellement présent.

- Il n'y a aucun souci, explique-t-il mélancoliquement, Susana a rompu un peu avant ton départ.

- Oh, je suis désolée.

- Ne le sois pas, c'était ma faute. Elle n'était pas d'accord avec le fait de te...mentir, achève-t-il.

J'aimerai également lui répondre que je suis désolée, mais les mots refusent de sortir de ma bouche. D'un autre côté, c'est ma faute également. Si je n'avais pas fait ce que j'ai fait, Susana n'aurait pas eu à rompre, ils auraient formé un beau couple pendant encore de nombreuses années.

- Est-ce que, proposé-je, on ne pourrait pas tout simplement faire comme si rien de tout cela ne s'était passé ?

- Oublier, souffle-t-il le regard dans le vide, je t'ai envié pendant des semaines avant de comprendre que c'était pire que tout. Si on oublie le passé on n'est plus vraiment soi, et je veux pouvoir toujours être moi.

Après un long moment de silence, il rajoute :

- Il faut qu'on en parle, peut-être pas aujourd'hui, peut-être pas demain mais si on reste sur des non-dits on ne s'en sortira pas. Nous devons évoquer ensemble tout ce qui s'est passé.


Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now