Chapitre 45

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- Retire immédiatement ce que tu viens de dire !

- Et pourquoi je ferai une telle chose ? demandé-je innocemment.

Aussitôt je croise son regard et je comprends ce que j'ai déclenché, en même temps je l'ai cherché. Il ne me reste qu'une solution : fuir. Je prends mes jambes à mon cou et me lance dans le couloir, il me suit. Je m'engage dans l'escalier, en prenant de l'avance sur lui. Il prend le temps de me dire de faire attention, d'une voix agacée. Comme si j'étais assez sotte pour me laisser tomber dans les escaliers.

Il me rattrape au niveau du salon, avant que j'aie le temps de me munir d'une quelconque arme. Je suis démunie et il me soulève aussi aisément qu'un oreiller. Le supplice commence, des chatouilles, des guilis qui peu à peu se transforment en caresses, en baisers.

Dans la bataille nous avons glissé sur le sol, dans un méli-mélo de jambes et de bras. Nous soufflons un peu mais nous restons au sol. Aucun de nous deux n'ose bouger, le sol est inconfortable mais la position dans laquelle nous nous trouvons est agréable. L'une de ses mains est posée sur mon ventre, l'autre l'aide à tenir sa tête relevée. Mon dos est collé à son ventre et nos jambes sont collées l'une à l'autre, légèrement repliées vers l'avant. Je ne sais même plus comment tout ça a commencé. Une chose est sûre, je me sens protégée, en sécurité.

Il se rapproche de mon oreille et murmure, comme s'il allait me révéler le plus beau des secrets.

- Tu sais quoi, j'ai quelque chose à te dire.

- Je suis tout ouïe, soufflé-je.

- Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'adore !

Nos mains se cherchent instinctivement comme si nous étions des aimants qui traversent l'espace et le temps.

Mais mes mains ne rencontrent que le vide et mes bras se referment sur le néant. Je suis seule dans ma chambre. Le réveil n'est pas doux et les larmes coulent le long de mes joues. J'attrape mon bras de ma main, plante mes ongles dans celui-ci et compte jusqu'à dix. J'inspire, j'expire. La réalité revient peu à peu, bien que j'aurais préféré rester dans le monde des rêves. Tout semblait si réaliste, si beau, comme quelque chose qui se serait réellement passé. Impossible de séparer le rêve de la réalité, ce qui s'est passé et ce que j'ai vécu. Comment croire ma mémoire, comment savoir ?

J'ai besoin de sortir, j'étouffe et l'illusion de mon bonheur perdu semble toujours planer dans la pièce, comme un rappel constant. Je me lève et échange mon pyjama contre un leggins et un autre col roulé. Poilu attend patiemment au pied de mon lit, semblant deviner ce qui va se passer. Quand j'attrape mes chaussures, sa queue se met à frétiller d'excitation.

Je fais rapidement une queue de cheval avec mes cheveux. Dans le couloir je distingue le son des jumelles dans la cuisine avec Sarah, elles doivent prendre leur petit déjeuner.

- Je vais promener le chien, annoncé-je.

- On peut venir avec toi, réclament-elles immédiatement.

- Non pas cette fois, décliné-je dans un sourire.

Je fais le tour habituel puis quand je sais que je suis assez loin de la maison je commence à courir. Je ne l'avais pas fait depuis des mois. Une douleur irradie ma jambe gauche à chaque fois que mon pied touche le sol et me pousse à accélérer. A chaque pas j'ai l'impression de me rapprocher un peu plus de celle que j'étais.

Mes poumons me brûlent mais je vais y arriver, je dois courir plus vite, plus vite. Il faut que j'arrive avant qu'il ne soit trop tard. Je dois être là, près de lui. Je ne peux pas le laisser seul, s'il vous plait faites que j'arrive avant !

Un bruit de klaxon me ramène dans la réalité et se faisant me fait trébucher. Je tombe et mon premier réflexe est de mettre les mains en avant. Sauf que cela ne suffit pas et je m'affale brutalement contre le trottoir. Ma respiration se coupe et j'ai l'impression de suffoquer. J'essaie de tirer sur mon col, j'ai chaud, je transpire. Je me débats avec mon haut pour le retirer tandis que mon souffle ne cesse de dérailler. J'ai vaguement conscience de la présence de quelqu'un à mes côtés qui me parle mais je ne parviens pas à me concentrer. Je réussi à retirer mon haut mais mes mains et mes avant-bras restent prisonniers de mes manches. Toutefois cela semble avoir amélioré mon état, je prends de profonde inspiration.

- Voilà Cathy respire ! conseille-t-il.

Je distingue la silhouette et les traits de Julien, mon kiné. Il me conseille de respirer encore de manière accentuée. J'arrive à calmer mes satanés poumons et je prends mollement conscience que je suis presque nue devant lui. J'essaie tant mieux que mal de décoincer mes bras, maintenant que j'ai repris mon souffle c'est plus facile.

- Je vais te chercher de l'eau, ne bouge pas, ordonne-t-il en se dirigeant vers sa voiture.

Je devrai m'inquiéter qu'il puisse voir mes cicatrices et ce serait le cas s'il ne les avait pas déjà vu aux séances de kiné. Il revient avec une bouteille et me la tend. Je prends quelques gorgées et j'en donne aussi à Poilu qui attend patiemment.

- Qu'est-ce que tu nous as fait là ? On avait dit qu'on irait doucement, s'inquiète-t-il.

- J'avais envie de courir, simplement.

- Là tu ne courrais pas, tu as fait un sprint et tu aurais pu te blesser. D'ailleurs est-ce que tu t'es fait mal ? Je ne voulais pas t'effrayer en klaxonnant, quand je t'ai reconnu je me suis inquiété.

Je tends mes mains pour les examiner et il les prend dans les siennes pour faire de même. Il les tourne puis observe mes jambes dont les genoux sont écorchés de sang. Je vais devoir jeter mon leggins quand je rentrerai à la maison.

- Ça va ce n'est rien de grave, tu désinfecteras chez toi. Dis-moi plutôt ce qu'il s'est passé ?

- Rien, il ne s'est rien passé, éludé-je. 

Mon trou de mémoireWhere stories live. Discover now