22. Manque à l'appel

68 17 92
                                    

La fin de journée fut marquée par une intervention sur le site d'un incendie. Les pompiers avaient maîtrisé le brasier avant qu'il ne détruise complètement le bâtiment où il avait pris, mais on avait retrouvé un cadavre dans les décombres détrempées. Heureusement, il n'était pas carbonisé. Comme la structure de la maison était compromise, Laura dut attendre à l'extérieur qu'on lui sorte le corps. L'examen superficiel de la dépouille lui confirma rapidement que le jeune homme n'était pas mort d'asphyxie, ce qui déclencha un conciliabule agité entre pompiers et policiers, à cause du danger à pénétrer dans les ruines.

L'inspecteur Morrow, un homme d'une cinquantaine d'années en doudoune, supervisait la scène et Laura le trouva très professionnel, très poli, un changement bienvenu après ses interactions tendues avec Haybel et Sorvet. Elle faillit lui demander où il s'était caché, tout ce temps.

Une fois le corps embarqué, elle regagna l'habitacle de la camionnette et patienta un moment, le temps que l'équipe criminalistique termine son travail. Il était presque vingt-et-une heures, le ciel était chargé mais il ne neigeait pas. Joshua avait pris des vacances et une stagiaire de dernière année, Gina, renforçait le tandem Sidney - Marsha, fidèle au poste. Ils repartirent dans la nuit, plus tranquille que d'ordinaire en cette période. Sidney conduisait lentement, la fatigue brouillait son regard et le gratifiait de bâillements réguliers. Laura hésita à lui proposer de prendre le volant, mais elle n'avait pas l'habitude de véhicules aussi lourds.

La musique du générique d'une série policière populaire retentit soudain dans l'espace confiné.

— Merde, siffla Sidney. Un autre.

Il appuya sur le bouton de réception et la voix de Marsha, depuis l'autre camionnette, s'éleva.

— Sid, on a un autre appel. Quai des Hérons. Tu peux déposer le corps et Laura à l'Institut puis venir nous rejoindre ?

Laura écarquilla les yeux. Quai des Hérons. En bordure du Tren. Elle ne pouvait pas manquer ça.

— On peut en embarquer deux, non ? répondit-elle sans laisser le temps à Sidney d'intervenir. Je peux enchaîner.

— Le docteur Ubis a déjà été notifié, à mon avis.

— Je peux le rappeler. Dans son état, une nuit de repos ne peut pas faire de mal.

Personne n'ignorait qu'il était malade. Les gens ne savaient juste pas à quel point.

— Comme tu veux, dit Marsha.

— On va faire ça, poursuivit Laura.

— Ça marche. Je transmets.

Dès la fin de la communication, Laura appela son collègue. Rien que la réaction à sa proposition serait éloquente. Elle sentait son coeur battre contre ses côtes, une petite voix lui souffler que le moment de vérité était venu.

Bien sûr, elle tomba sur la messagerie.

— Ubis, c'est Woodward. On vous a sûrement appelé pour un corps, mais je suis déjà avec l'équipe criminalistique. Restez bien au chaud, je gère.

D'un glissement de doigt, elle passa sur l'application de traçage GPS qui lui permettait de suivre les déplacements d'Ubis. Avec l'aide d'un expert de la Société, elle l'avait calibrée pour qu'elle lui envoie une alerte si le légiste approchait du Tren. L'émetteur était minuscule, elle l'avait placé à l'intérieur de la coque protectrice du téléphone de garde, l'objet qu'il avait le plus de chance de conserver avec lui à tout moment.

Au bout de trois jours de suivi, elle avait dû débrancher l'alerte automatique, car Ubis traversait le Tren chaque jour pour venir travailler et elle l'avait reconfigurée pour qu'elle ne se déclenche que la nuit. Depuis, plus rien, le silence. Sur l'écran, le plan de la ville s'afficha, avec son point bleu clignotant. Il était chez lui, immobile. Elle balaya à nouveau l'écran pour revenir à sa messagerie.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now