29. Procédure et éclats

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Le lendemain, Sam quitta l'appartement à l'aube, sans que Laura ait pu échanger le moindre mot avec lui. Il avait envoyé un message pour lui dire qu'il était désolé, qu'ils se verraient le soir, qu'ils pourraient bavarder, suivi d'une série d'émoticones, ce dont il ne se servait jamais. Elle n'en fut pas le moins du monde rassurée.

Pendant tout le trajet jusqu'à la morgue, qu'elle effectua en bus et à pied, Laura se sentit vaguement mal à l'aise, ce qu'elle finit par attribuer à l'absence de son fidèle révolver. Ubis avait assassiné son ex-femme. Cela ne voulait pas dire qu'il allait à présent tuer sa nouvelle collègue, mais elle n'aurait pas osé prédire son prochain mouvement. Elle s'en savait incapable, les derniers événements l'avaient amplement prouvé.

Dans le hall de l'Institut, elle fut pas étonnée de croiser plusieurs petits groupes de personnes en grande discussion. Les nouvelles avaient circulé, bien sûr, via Sorvet, Jill, Marsha, Sidney, Florence, tout le monde et n'importe qui. Personne ne l'interrompit dans sa course, et elle se demanda s'ils pensaient toujours qu'elle fricotait avec lui. Sans doute que certains, avec leurs représentations morbides sur les médecins légistes, auraient trouvé ça parfaitement logique.

Quand elle pénétra dans la morgue, Laura y surprit six policiers en uniforme, qui semblaient fouiner à moitié, comme saisis d'une subite hésitation quant à leur droit à la perquisition. L'entrée fracassante de la jeune femme les fit sursauter, et bien qu'elle n'en connaisse aucun, elle fut ravie de constater qu'elle (ou sa profession) leur inspirait suffisamment de respect pour qu'ils s'interrompent.

— Qu'est ce que c'est que ce débarquement ? demanda-t-elle, interdite, mais sans agressivité.

— Désolé, docteur. Nous devons mettre le bureau d'Ubis sous scellés.

L'inspecteur Morrow venait de surgir du couloir latéral, Paul, livide, dans son sillage.

L'assistant paraissait au bord des larmes. Sans doute venait-il d'apprendre l'impensable. Laura l'aurait étreint s'il n'y avait pas eu tant de public.

— Nous allons avoir besoin de votre témoignage, continua Morrow, avec une grimace. La procédure. Tout ce qui vous revient des dernières semaines, des derniers jours. Vous connaissez la chanson.

— Maintenant ?

— Dès que c'est possible pour vous.

Elle acquiesça.

— Laissez-moi un quart d'heure.

Il fallait d'abord qu'elle parle à Paul. Elle ne pouvait pas l'abandonner comme ça, aux frontières du désespoir.

Morrow ordonna à ses hommes de vider le plancher, ce qu'ils firent dans un brouhaha éteint.

— Je vous attends en haut.

Une fois la porte automatique refermée dans son claquement sonore, elle se tourna vers l'assistant.

— Ça va aller, lâcha-t-elle, en guise d'ouverture.

— Je ne peux pas le croire, gémit-il.

Puis il s'effondra en sanglots lourds, à la mesure du respect qu'il avait eu pour son mentor. Elle l'enserra de ses bras, le laissa pleurer contre son épaule, puis l'obligea à rentrer chez lui et à ne revenir que quand elle lui en donnerait la permission. Il n'avait rien à faire dans une morgue.

Une fois qu'il fut parti, elle éteignit les lumières et regagna la surface. Morrow l'attendait à l'extérieur, grillant une cigarette qu'il éteignit aussitôt.

— Vous ne l'avez pas trouvé, alors, demanda-t-elle une fois qu'ils furent en voiture.

— Non. Sa maison est vide. Il ne répond pas au téléphone. L'avis de recherche est lancé, mais pour l'heure, rien du tout. Il a une douzaine d'heures d'avance. Il a pu quitter la ville, déjà.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now