27. Un 28 décembre presque ordinaire

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Le lendemain, en fin de matinée, Sam déposa Laura à l'Institut à son corps défendant. Le scanner était normal, elle se sentait mieux, la seule concession qu'elle accepta fut de revenir dormir chez lui le soir. Elle vit à son expression qu'il n'avait jamais envisagé que la chose puisse être remise en question. Il lui avait débarrassé deux tiroirs dans une commode, l'installation était actée.

C'est temporaire, se répétait Laura.

Paul l'accueillit comme le messie et papillonna dans la morgue, des relevés aux dossiers aux frigos aux tables. Trois corps étaient arrivés à la veille, aucun n'était issu du Tren, et Laura se mit au travail, épaulée par l'assistant. Ses épaules demeuraient raides, certains mouvements désagréables, mais au final, comme elle l'avait prétendu la veille, plus de peur que de mal.

Elle profita de la pause de midi pour aller faire sa déposition, rapidement, au commissariat central de New Tren. Les locaux de la police occupaient de superbes vieux bâtiments d'influence victorienne, s'élevant sur plusieurs étages décrépits. Bouffées par la pollution et quelques graffitis fracassants, les façades gardaient une certaine majesté qui, bien que grandiloquente, impressionna Laura. Des allégories classiques, représentant la Justice et la Force, trônaient au-dessus de la grande porte blindée, plus récente, qui détonnait sur l'ensemble.

Comme souvent, dans ce genre d'endroit, la magnificence de l'extérieur cachait un intérieur peu fonctionnel. Plafonds trop hauts, espaces qui résonnent, courants d'air, cloisons posées à la va-vite pour multiplier les salles, un déménagement ou une rénovation complète n'auraient pas été superflus. Peu praticable, cependant : la machine ne pouvait pas s'arrêter de tourner.

On mena Laura jusqu'à Fred Getty, le jeune inspecteur en charge de son dossier, un garçon à peine pubère qui devait avoir obtenu ses galons à la loterie. Après l'avoir écoutée, il ne se montra pas plus optimiste que Sorvet quant aux chances de retrouver l'agresseur. Bien qu'il prît note religieusement de tous les détails qu'elle lui fournit, Laura quitta son bureau avec l'impression qu'il allait clôturer l'affaire avant même d'avoir relu ce qu'il avait écrit.

En d'autres temps, en d'autres lieux, elle aurait été directement en parler avec Sorvet ou Haybel, les inspecteurs responsables de l'enquête sur le Dévoreur de Foies. Impossible dans ces circonstances : ils ne la prendraient jamais au sérieux. Si Jill ne lui arrachait pas d'abord la tête, ce qui semblait toujours possible. La « disparition » d'Ubis ne devait pas lui faire plaisir, surtout s'il ne lui avait rien dit de son état de santé.

Laura décida donc de repasser elle-même sur les lieux de son agression, plus tard dans la journée, idéalement avant la nuit. Elle n'était pas particulièrement inquiète d'y retrouver l'homme au masque de loup, mais les quais restaient peu fréquentables. D'autant qu'elle n'avait pas encore pu récupérer son arme, à cause d'une procédure stupide et d'un préposé en vacances. Sensation désagréable, elle envoya rapidement un message à son contact pour y remédier.

Avant de reprendre le travail, elle essaya de joindre Ubis, comme elle le lui avait promis la veille. L'appel resta sans réponse, un écho désincarné avant le déclenchement de la messagerie, et elle essaya de ne pas y voir de mauvais signe. Elle lui laissa un message neutre (du moins l'espérait-elle) avant de retourner à sa table d'autopsie.

Malgré la bonne volonté de Paul, liquider les corps en attente ne se règlerait pas en un seul jour. Ils terminaient le second lorsque le téléphone de garde se rappela à leur bon souvenir et leur arracha, de concert, un profond soupir.

Un cadavre, évidemment. Laura promit d'arriver le plus vite possible.

— Referme celui-ci, puis vas-y, offrit-elle ensuite au jeune homme. On se revoit après-demain.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now