25. Chevalier Servant

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Une fois dans le refuge du journaliste, Laura s'installa sur le divan qui jouxtait la fenêtre, tandis que Sam s'affairait dans la cuisine. Elle retira ses chaussures et tenta de faire jouer les articulations de ses épaules. Le résultat lui arracha une plainte qu'elle musela en serrant les lèvres. Elle attrapa ensuite son sac et en extirpa le téléphone, qu'elle s'empressa de reconfigurer. La magie du Cloud ne tarda pas à y télécharger tout le nécessaire.

Sam reparut avec un plateau sur lequel se trouvaient un verre d'eau, deux comprimés bleus, une bouteille de sirop et sa cuillère, un tube de pommade et une tasse de café. Il s'assit à côté d'elle, le front toujours soucieux. Laura percevait sa fébrilité presque physique, mais il donnait bien le change, elle admirait sa maîtrise.

— D'abord le sirop pour la gorge, puis les anti-douleurs, ensuite j'enlèverai la minerve pour mettre cette pommade. Je suis sûr que ça va être désagréable, mais les consignes sont les consignes. D'après le dossier, tes cervicales n'ont rien, c'est purement musculaire.

Il prit une profonde inspiration. Laura désigna le café avec un petit sourire.

— Si tu n'as pas besoin d'un café, moi bien. C'est ça ou je sors la bouteille de vodka.

Laura leva la main pour lui toucher la joue.

— Je vais bien, répéta-t-elle.

Sam se frotta vivement les yeux des paumes, puis relâcha une brusque respiration. La tension lui crispa les épaules, il se força à sourire. Puis, sans rien ajouter, il entama son programme. Laura s'y plia sans protester. Les premières étapes se déroulèrent sans accroc, jusqu'au moment où le journaliste débloqua la minerve. Laura se prépara à ressentir une douleur accrue, mais il n'en fut rien. En revanche, l'expression de Sam se figea de stupeur et il se leva brusquement. Il disparut dans la chambre et Laura l'entendit ouvrir la porte coulissante qui menait sur le balcon.

Du bout des doigts, Laura effleura sa gorge. La peau était sensible et elle devinait l'hématome impressionnant qui devait s'y dessiner. Elle avait autopsié suffisamment de victimes de strangulation pour imaginer ce qui avait choqué Sam. Elle songea à aller le rejoindre à l'extérieur, pour essayer de le tranquilliser, mais il reparut avant qu'elle ait pu s'y décider. Son visage avait un teint de cendre.

— Raconte-moi ce qui s'est passé, exigea-t-il.

Elle lui indiqua qu'elle doutait du bien fondé de cette idée par une moue éloquente.

— Laura, je suis en train d'imaginer mille choses... C'est encore pire ! s'exclama-t-il.

Elle réalisa alors qu'il craignait qu'elle n'ait été violée. Après tout, les médecins n'avaient pas pu lui dire grand-chose, contraints au secret, et il pouvait s'inventer un scénario catastrophe.

Elle s'éclaircit la gorge. L'antidouleur faisait déjà effet et elle s'en félicita. Cette fois, un fin filet de voix s'échappa de ses lèvres, qu'elle exploita sans forcer. Elle lui résuma les faits : les sacs poubelles dans le Tren, l'envie de rentrer à pied – il noya son visage dans sa paume de stupéfaction, l'agression dont elle avait été témoin, son intervention dramatique. Elle ne prononça pas le nom d'Ubis.

Les émotions se succédèrent en kaléidoscope sur le visage de Sam, il parut tour à tour atterré, scandalisé puis abasourdi au fil de son récit.

— Un homme déguisé en loup ? s'exclama-t-il finalement. C'est... c'est ridicule !

— Je te jure que j'ai vu ce que j'ai vu. Et je suis prête à parier qu'il s'agit du Dévoreur de Foies.

Son expression se figea.

— Le Dévoreur de Foies ?

— Tu sais, votre tueur qui jette des corps éviscérés dans le Tren.

— Laura, ce type... est un taré... Si c'était lui...

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant