69. Contre-nature(s)

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Quelque chose l'effleura, un carcan de vent qui tenta de la retenir dans ses griffes, mais elle parvint à le traverser et à poursuivre sa course. Un juron retentit dans son dos et elle esquissa un sourire de l'avoir surpris.

Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.

Pas la bonne chanson, pas grave. Elle se sentait investie d'une énergie nouvelle, peut-être paradoxale, le dernier sursaut avant la nuit.

Michael allait arriver.

Elle entra dans la troisième pièce, au hasard, une ancienne bibliothèque aux rayonnages encastrés, nus. Elle referma la porte, décrocha une planche qu'elle glissa tant bien que mal sous la poignée. Une précaution inutile, elle le savait, mais les réflexes avaient la vie dure. Les zombies avaient défoncé l'épaisse porte en chêne de la sacristie, ils se joueraient de l'aggloméré de cette villa maudite.

Elle dégaina son révolver, recula jusqu'à la fenêtre et attendit. Gaspiller son unique balle frelatée sur un zombie était hors de question, mais Sam ne résisterait pas à l'envie d'assister à sa déconfiture, elle en était persuadée.

Le bois grinça subitement, un son blessé qui résonna une seconde dans la pièce vide avant que la porte ne cède en esquilles poussiéreuses. Les cadavres ambulants entrèrent les premiers ; Sam, comme prévu, dans leur sillage. Il paraissait mécontent mais pas aussi furieux qu'elle l'avait craint. Il y avait peut-être encore moyen de gagner du temps avant l'hallali.

— Est-ce que je n'ai pas été clair quand j'ai parlé d'un test ? s'exclama-t-il en écartant les bras sur un geste théâtral de mauvaise humeur.

— Tes hommes le brutalisaient juste derrière ma porte ! rétorqua-t-elle du tac-au-tac.

Il haussa les sourcils, faussement surpris, puis esquissa un « oh » négligent du bout des lèvres, avant de désigner sa paire de macchabées, les yeux vides, le visage et les vêtements ensanglantés.

— Grâce à toi, on ne les y reprendra plus.

Un sourire effleura ses lèvres.

— J'aurais dû envoyer la petite inspectrice. Je me demande comment tu aurais géré.

Laura ne voulait même pas devoir l'imaginer, même si elle le savait qu'entre Aaron et Jill, elle n'aurait pas hésité très longtemps.

— Tu es une tueuse, toi aussi. Je l'ai senti d'emblée, dès la première fois que nous nous sommes vus.

Il ne poussa pas le vice jusqu'à tirer d'autres parallèles fallacieux entre eux. Peut-être le ferait-il plus tard, quand il aurait réglé le problème le plus pressant. Il se contenta de croiser les bras.

— Bon, où est-il ?

— Laisse-le partir.

— Ou quoi ? Tu imagines que tu es en position de me dicter quoi que ce soit ? Tu m'as désobéi, et ça veut dire que je vais devoir sévir.

Répondant à une injonction inaudible, les deux zombies se remirent en mouvement. Laura aligna son tir, droit vers le front de la bête. Là aussi, il n'y avait pas lieu d'hésiter. Il leva les yeux au ciel avec une grimace moqueuse.

Elle appuya sur la gâchette.

La balle fusa hors du canon mais, sans doute déséquilibrée par son fardeau divin, elle ne suivit pas la trajectoire espérée. Elle heurta le plus grand des deux hommes dans l'épaule. Il se désintégra sous l'impact, en gerbes écarlates, qui éclaboussèrent tant Laura, que Sam et son acolyte. Ce dernier, comme frappé d'un contrecoup psychique, tituba et s'effondra sur le sol, où il resta immobile.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now