60. Jeu de piste

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À la nuit, Laura était déterminée à ressortir. Ubis avait collaboré avec le Dévoreur de Foies, il l'avait admis à demi-mots, il devait savoir comment le trouver. Le problème était de parvenir à le dénicher, lui, et d'arriver à le faire sans embarquer Beth et son patron. Même si l'Égyptien s'estimait en sursis, Laura n'était pas prête à participer activement à son exécution, toute inévitable qu'elle soit.

Même pour le salut d'Aaron ?

Question difficile. Elle ne voulait pas se la poser, pas encore. Des réponses d'Allan dépendraient la suite. S'il refusait de l'aider, peut-être en appellerait-elle aux foudres du Ciel. Il l'aurait mérité. Mais elle n'était même pas certaine que Michael prendrait le temps de lui soutirer des réponses avant de le transpercer de son épieu sanctifié. Adresser la parole à une entité qu'il estimait interdite ne lui était peut-être pas permis. Ce serait donc l'ultime recours, peut-être la menace pour forcer Ubis à la confidence...

Encore fallait-il qu'elle parvienne à le localiser.

Il avait parlé d'avoir plusieurs points de chute dans la ville et, après un dîner morose en tête-à-tête avec Beth, Laura s'était repliée dans sa chambre, solitaire, pour arpenter Internet. Différents endroits de la ville disposaient de collections d'art ou de reliques de l'Égypte antique : le département d'archéologie de l'université, deux antiquaires du centre ville, le Musée d'Histoire, le Musée d'Art Ancien et l'ambassade d'Égypte. Ça ne faisait pas beaucoup de cachettes, ce qui était une chance pour qui entendait les visiter toutes... mais cela paraissait aussi étrange. S'il y avait eu si peu de possibilités, Michael aurait dû coincer Ubis depuis longtemps.

Laura n'avait de toute façon pas d'autres pistes et préféra se concentrer sur le premier problème : sortir sans être vue ni suivie. Celarghan n'était pas rentré, Beth lui avait souhaité la bonne nuit, mais Laura ne se leurrait pas. L'ange débutante devait sûrement la guetter à la sortie. Puisque Celarghan ne pouvait pas la pister malgré ses galons de super pourfendeur, il était probable que la pauvre Beth ne soit pas mieux lotie. Elle n'avait en tout cas jamais débarqué à la bibliothèque.

Premier test, Laura se faufila dans le couloir pour aller prendre une douche dans la salle de bain partagée. Elle remonta le corridor sans croiser personne, se glissa dans la cabine, se frotta rapidement, ressortit, toujours sans détecter l'ombre de Beth.

Second test, Laura descendit au rez de chaussée. Cette fois, elle dénicha sa gardienne : Beth était assise dans l'entrée, sur une chaise, et fixait le mur en face d'elle, la mine absente, comme déconnectée. Laura resta entre deux étages, la lorgnant entre les barreaux de la rampe, sans être vue. L'ange étouffa un bâillement dans sa paume, très réussi là aussi, bougea un peu, puis sortit son téléphone pour y jeter un coup d'oeil, comme l'aurait fait n'importe quelle jeune femme de son âge.

Laura remonta dans sa chambre et étudia rapidement le plan d'évacuation en cas d'incendie, punaisé à la porte. Même si le bâtiment était ancien, ses propriétaires avaient dû le mettre aux normes et il existait deux sorties de secours qui permettaient d'éviter l'entrée principale.

Par acquit de conscience, elle frappa à la porte de Celarghan avant de s'enfuir. Elle doutait qu'il se soit en fait enfermé dans ce clapier depuis le début de soirée, mais après tout, elle ignorait comment, exactement, il menait ses recherches. Peut-être n'avait-il pas vraiment besoin de se déplacer.

Comme prévu, le silence lui répondit et, sans plus hésiter, elle abandonna les lieux.


Son application de plans lui avait tracé un itinéraire optimisé pour rallier les différents sites, mais Laura commença sa soirée dans une grande surface qui vendait du matériel de bricolage. Depuis une dizaine d'années environ, ces endroits s'alignaient sur des horaires très larges, y compris le dimanche, pour le plus grand bonheur des noctambules. Laura se soucia peu d'avoir l'air de la parfaite cambrioleuse en train de préparer un mauvais coup. Si elle était prise sur le fait, sa carte professionnelle la protégerait de réels ennuis. Elle aurait pu s'en servir pour se procurer une nouvelle arme, aussi, mais après ce qu'elle avait affronté dans l'église, cela lui semblait une étape superflue dans une nuit qui promettait déjà d'être trop courte. Gaspiller des balles dans la panse d'êtres monstrueux n'aboutirait à rien, sinon à nourrir la terreur tapie dans son ventre, ce sentiment d'impuissance qu'elle essayait à tout prix de réprimer sous peine d'être emportée.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant