32. Les échanges nécessaires

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Assise sur le lit de son appartement miteux, Laura ralluma son téléphone. Huit appels. Six de Sam. Deux de la Société : un de Duncan, un de Lafferty. Qui était en vacances, elle le savait. C'était mauvais.

Outre les appels manqués, Sam avait envoyé un certain nombre de textos aux tonalités qui variaient de la surprise à la fureur, en passant par une angoisse spectaculaire.

Stop, songea Laura. Stop stop, terminé.

Comme le dernier d'entre eux mentionnait un appel imminent à la police, elle le rappela. Il décrocha à la première sonnerie et resta silencieux : seule sa respiration sifflante lui répondit.

— Sam...

— Où est-ce que tu es ?

— Chez moi.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Sa colère rayonnait dans chacune de ses inflexions, en radiations monstrueuses. Elle se félicita de ne pas être dans la même pièce que lui.

— Je suis passée prendre mon courrier.

Il émit un son bref, comme un éclat de rire avorté, qui révéla qu'il n'était pas dupe. Laura caressa le chat qui s'était pelotonné contre sa jambe. Il avait bien fallu trouver un refuge à la pièce rapportée.

— Ton téléphone était éteint.

— Batterie à plat.

— Merde, Laura, arrête de me mentir ! Je ne mérite pas ça !

Il avait raison.

— J'avais du travail. Et je savais que tu chercherais à me joindre dès que tu apprendrais pour Ubis. Sans doute pour m'agonir de reproches.

— Tu le savais et tu ne m'as rien dit, gronda-t-il.

— Oui. Parce que je suis soumise au secret professionnel, tu te souviens ?

Il renifla de dépit. Sans doute songeait-il à son amie précédente, la pauvre Sarah, qu'il avait jetée sous le train en trahissant ses confidences.

— Ils l'ont coincé ? demanda-t-il, presque posé.

— Tu devras l'apprendre dans la presse, comme tout le monde.

— Merde, Laura, ça nous concerne directement. C'était ton collègue. Il a tué une femme. Il pourrait s'en prendre à toi.

Il avait dit « nous », un « nous » qui ne pouvait pas exister.

— Sam. Je sais me défendre. Je suis prête à le recevoir s'il décide de se montrer. Et je ne crois pas qu'il le fera.

Tu es en train de m'ensevelir sous ton angoisse et je ne peux plus le supporter.

Au téléphone, quelle horreur, mais c'était le moment, l'instant, elle l'avait cherché, il fallait saisir la perche, trancher le fil, arracher le sparadrap, même si c'était horrible et que, peut-être, effectivement, il ne le méritait pas.

—Écoute... je pense qu'on devrait s'arrêter.

Le silence lui répondit.

— Sam ?

— Qu'est-ce que tu as dit ? souffla-t-il d'une voix sourde.

Fureur, stupeur, Laura ne pouvait pas trancher. Elle aurait préféré qu'il l'injurie et qu'il lui raccroche au nez, mais manifestement, il n'empruntait pas cette voie.

— On devrait rompre. Je pense. Ce serait mieux.

— C'est à cause de lui ? demanda-t-il finalement, d'un ton maîtrisé.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now