51. La victime collatérale

52 15 128
                                    

Laura usa de sa carte professionnelle pour contrecarrer le secret médical, mais Aaron avait déjà quitté les urgences pour – l'infirmière le supposait – rentrer chez lui. La jeune femme essaya de le joindre, sans succès : le portable sonnait dans le désert. Mi-furieuse, mi-inquiète, elle prit la direction de l'église, à pied vu la densité de la circulation en pleine heure de pointe.

Il n'était que sept heures à Murmay, mais elle rappela Ed sur le chemin. À sa voix pâteuse, elle devina qu'elle le réveillait.

— Désolée pour l'heure. Je me demandais si tu avais des infos sur mon Fédéré...

— Je n'ai rien trouvé sur lui, Laura, même dans les fichiers de la sécurité. C'est comme s'il n'existait pas. Et la Fédération prétend n'avoir envoyé personne à New Tren. Qu'ils y ont songé mais que quand ils ont su qu'on avait déjà quelqu'un sur place, qu'ils ont renoncé, vu que ce genre de cas, c'est plutôt notre créneau. Bon, ils mentent peut-être, ce ne serait pas la première fois. Ça va, tu as l'air... essoufflée ?

— Je marche. En fait, je m'y attendais. Je pense qu'il appartient à un secteur... plus confidentiel que les nôtres.

— Diable, Laura. Ces gars sont réputés pour être...

— Dangereux, je sais. Mais ça va, je gère. Nous nous entendons bien. Et c'est instructif.

Semi-mensonge, semi-vérité. Elle ne savait pas vraiment le débrouiller.

— Fais quand même attention. Ils effacent leurs traces de manière encore plus radicale que nous. Il sait que tu sais ?

— Je ne pense pas.

— Mieux vaudrait que cela reste comme ça. Pour toi et... pour moi, aussi, accessoirement.

Il eut un rire incertain. Laura comprit exactement ce qu'il sous-entendait.

— Message reçu.

La pluie s'intensifia brusquement et Laura se réfugia sous l'auvent d'un magasin encore fermé. Elle constata que son pantalon était trempé jusqu'aux genoux. Investir dans un parapluie aurait été la chose logique à faire. Deux mois plus tôt.

— Laura, je voulais aussi te rappeler que c'est... début janvier.

— Début janv... Ah. Les îles. Bien sûr.

— Ça ira ? Vima reprend la boutique. Tu peux lui poser tes questions.

— J'ai beaucoup d'affection pour Vima mais... Ed, ce n'est pas la même chose.

— Je suis désolé.

— Ne le sois pas. Tu as bien droit à prendre des vacances ! Je me débrouillerai. De toute façon, je pense que les événements vont se précipiter.

— Je ne pars que demain. Je peux encore te faire une recherche ou l'autre, au besoin...

Elle songea à sa secte égyptienne, perdue quelque part dans une ruelle de New Tren. Mais si Ubis n'avait pas dossier médical informatisé, son culte n'avait sûrement pas de site internet, Ed ne pourrait pas l'aider.

— Ça ira. Franchement. Je sais me servir d'un moteur de recherche et j'ai mes propres accès aux fichiers. Faire appel à toi... c'est du luxe.

— Ne dis pas ça ! Le jour où tous les agents seront versés dans ces mystères, on me mettra à la pension !

Ce qui arriverait sans doute bien plus tôt : Ed avait plus de soixante ans.

— Ce n'est pas demain la veille, dit-elle cependant, rassurante. Mais passe de bonnes vacances, surtout. Et je serai à Murmay pour ton retour.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now