46. Retour aux sources

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Chapitre un peu bancal, j'y reviendrai sûrement dans les jours qui viennent mais je voulais respecter mon rythme de publication en dépit des aléas de la vie réelle... et je n'ai pas eu le temps de le "lisser" comme je l'aurais voulu... Le contenu devrait tenir la route, en revanche... 

***

Une fois de retour à la morgue, Laura resta un moment interdite devant ses trois rapports en cours.

À quoi bon s'esquinter à les finaliser, si Celarghan avait déjà tiré toutes les conclusions utiles et décidé de la manière dont régler le problème ? Comme il était officiellement l'inspecteur en charge de ces dossiers, il serait le seul à les consulter... et s'il éliminait les suspects dans une impasse à la nuit noire, ces comptes-rendus ne serviraient jamais en procès.

La conscience professionnelle l'obligea à rouvrir les fichiers. Son nom serait associé à ces autopsies, et elle ne voulait pas se retrouver sous la loupe d'une enquête pour travail bâclé. Vu ce qui l'avait amenée à New Tren au départ, ça aurait été un comble.

Elle se pencha donc sur le cas de Linda Belarez. L'autopsie était bouclée depuis belle lurette, mais Laura éprouvait une appréhension à laisser partir le corps, une crainte de réaliser trop tard qu'il lui manquait un élément et de devoir sortir les pelles. Celarghan avait tranché : c'était l'oeuvre du Dévoreur, pas d'Ubis. Ubis qu'on avait vu sur place, selon de multiples témoignages. Ça n'avait aucun sens. Celarghan et ses foutues intuitions, ses foutues certitudes. Laura comprenait bien que pour lui, ces cadavres, dans le Tren, Linda, n'avaient aucune importance particulière. Ses cibles, quoi qu'elles aient fait ces derniers mois, étaient identifiées et coupables. Depuis bien plus longtemps.

Avant de valider l'autopsie, Laura ouvrit la photo d'identité de la morte et contempla une dernière fois son visage avenant, un peu figé, sa chevelure noire veinée de gris cascadant sur ses épaules. Un dommage collatéral, à en croire l'agent fédéré. Malgré elle, la légiste se demanda ce qui l'avait rendue attirante aux yeux d'Ubis. D'après les données, elle avait soixante-neuf ans, soit vingt-et-un de plus que lui. La différence d'âge expliquait peut-être les opérations de chirurgie esthétique qui figuraient dans son dossier médical. Ça n'avait manifestement pas suffi, même s'ils avaient conservé une relation cordiale en dépit de leur séparation. Et comme pour conjurer le sort, Ubis s'était recasé avec une jeune femme qui avait, cette fois, vingt ans de moins que lui. Éclectique.

Atterrée par ses propres ruminations, Laura referma la photo, valida le dossier et l'envoya vers les oubliettes du réseau.

Elle en fit de même pour les deux cadavres du Tren. Relecture, menues corrections, copié / collé des analyses – aussi propres que dans les rapports d'Ubis – conclusions neutres et sobres. Elle n'était pas enquêtrice, cela n'avait pas d'importance, Celarghan gérerait.

Clic clic clic.

La nuit était tombée, tôt en ce mois de janvier, lorsqu'elle en eut terminé. Avant de quitter la morgue, elle téléchargea le rapport d'autopsie de Jonathan, que Greg avait validé plus tôt dans la journée.

Laura ne rentra pas au presbytère, elle affronta son morne appartement. Aaron ne méritait pas son humeur grise, d'autant qu'elle ne pourrait rien lui dire, qu'il s'en offusquerait, qu'ils finiraient à nouveau par s'arracher la gorge et qu'ils le regretteraient. Elle repensa aux paroles de Celarghan, sur le prêtre, le presbytère. Avait-elle mis Aaron en danger par mégarde ? En l'impliquant malgré lui dans quelque chose qui les dépassait tous les deux ?

Non. Il ne sait rien. Celarghan ne lui fera rien. Il ne tue que les coupables, il l'a dit.

Elle ne pouvait pas y retourner. Elle le prévint d'un bref message pour qu'il ne s'inquiète pas.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now