Dimanche 23 mars 2025 - V2

400 63 35
                                    

Essonne — dimanche 23 mars 2025

Léna

    Mon regard alterne entre le GPS et la maisonnette de cette zone pavillonnaire pour vérifier l'adresse. Je suis au bon endroit. Mon cœur accélère quand je prends conscience de ce que je suis en train de faire. Dans quoi me suis-je embarquée ? Vivre chez un parfait inconnu, sérieusement... qu'est-ce qui m'est passé par la tête ? Mon côté paranoïaque m'imagine déjà au cœur d'un documentaire sur un tueur en série.

« Une jeune femme naïve découpée en morceau à l'arrière d'un jardin n'a eu aucune chance ».

Léna, reprends-toi.

Hier, j'étais tellement sûre de moi... puis toute mon assurance s'est volatilisée en l'espace d'une nuit.

Paupières closes, visage caché sous le hayon de la voiture, je respire un bon coup pour évacuer ces pensées complètement farfelues et revenir à la réalité. J'attrape ma valise et mon sac à dos puis referme le coffre. Enzo sort tandis que mon doigt suspend son geste face à la sonnette. Quelques secondes plus tôt et il aurait assisté à un défilé de grimaces sans aucune grâce, alors que je l'imaginais regroupant les restes de mon corps dans un sac poubelle.

— Léna ! Je t'attendais. Tu as fait bonne route ?

— Ça a été, merci.

— Super. Bon, eh bien... bienvenue chez moi ! Enfin, chez nous, se reprend-il.

— Oui, jusqu'à la fin de l'émission. T'inquiète pas, je ne compte pas rester plus longtemps, le rassuré-je.

J'éprouve ce besoin irrépressible de repréciser notre deal.

— Ça, c'est ce que tu crois, tu pourras peut-être plus te passer de moi ! plaisante-t-il.

Sa bonne humeur me détend. Ici commence le jeu, mais la route vers la victoire est encore longue.

Prévenant, Enzo récupère mes affaires puis m'invite à le suivre. Une entrée aérée m'accueille, munie d'un rangement débordant de vestes et de nombreuses paires de chaussures. Adieu croyance naïve où seules les femmes pouvaient en collectionner autant. Sur la gauche, une pièce étroite contient uniquement un clic-clac. Impossible d'y mettre quoi que ce soit d'autre une fois déplié.

Il dépose ma valise pour finir le tour du propriétaire : un salon chaleureux d'une vingtaine de mètres carrés à vue d'œil, une grande cuisine fermée plutôt vieillotte, une salle de bain exiguë — qui a toutefois le mérite de posséder une baignoire —, et une chambre spacieuse presque aussi vaste que le séjour. Mes yeux sont immédiatement attirés par le lit king size adossé au mur. Une immense télé, accrochée à l'opposé, promet à son propriétaire de belles soirées films sous une couverture douillette. Un dressing imposant occupe tout un pan, parsemé de deux hauts miroirs. Il glisse délicatement l'une des portes de l'armoire et me désigne un espace vide.

— Tu pourras ranger tes affaires ici. J'espère que tu auras assez de place.

— Merci. Mais euh... hésité-je.

Sa chambre, sa penderie. Tout ça va trop vite. Merde ! Je ne vais quand même pas partager sa piaule ! Pourquoi n'avons-nous pas abordé ce sujet hier ?

— Qu'est-ce qu'y a ?

Comment lui annoncer sans le braquer que nous ne ferons pas chambre commune ?

— Dis-moi, je ne vais pas te manger, insiste-t-il devant mon absence de réaction.

— Tu sais, je ne pense pas que ce soit nécessaire. Personne ne viendra vérifier si je dors dans ton lit !

Il me fixe un instant, mais ne peut garder son sérieux plus longtemps. Le rire qui s'échappe d'entre ses lèvres lui vient du fond du cœur, si ce n'était pas pour se moquer, j'apprécierais la mélodie.

— Léna, bien sûr que non ! Toi, tu dors dans la pièce là-bas. Ici c'est ma chambre, mais comme il n'y a pas de place pour tes affaires dans la tienne, je t'en ai libéré, que tu puisses les sortir de ta valise.

À ses paroles, le ridicule m'envahit et encore ce mot est faible. Mon estomac se creuse, mes oreilles probablement écarlates surchauffent. Vite un trou pour me terrer. J'ai le don pour me mettre dans des situations embarrassantes et maintenant je ne sais plus où me mettre. Pourquoi a-t-il fallu que ma bouche prononce cette question stupide ? Et surtout pourquoi mon cerveau n'a-t-il pas fait le lien avant ? C'était logique pourtant. Nous sommes un faux couple. Un faux couple, Léna, garde ça pour l'émission.

— Ça te va bien le rouge aux joues ! me taquine-t-il.

Comme une gamine prise sur le fait, je me sers de la valise comme excuse pour quitter la pièce, confuse.

— La maison est petite, tu ne vas pas pouvoir te cacher bien longtemps.

— Tu ne crois pas que je suis déjà assez humiliée ?

Il continue de se moquer gentiment tandis que je range quelques affaires. Je n'ai emporté que le strict nécessaire, ne comptant pas m'éterniser. Si je manque de quoi que ce soit, je ferai un détour par mon appartement.

Son intérieur propre et bien ordonné me laisse perplexe. Avec son air de tout prendre à la légère, mon cerveau ne l'avait pas catalogué comme maniaque. Vaut mieux ça que de vivre dans une porcherie, mais réussirai-je à refouler mon côté bordélique ?

Ma tâche accomplie, je m'assois à côté de lui qui est confortablement affalé sur le canapé. Il me regarde du coin de l'œil. Les joues coincées entre ses dents tentent de retenir tant bien que mal un nouveau fou rire. J'arrête son supplice et lance une conversation tout autre, avec l'espoir qu'il oublie ma maladresse.

— Tu as prévenu ta communauté pour le live ? le questionné-je.

— Tout est prêt, on sera en direct vers seize heures.

— Ce qui nous laisse seulement une heure pour accorder notre version.

— Eh bien, mettons-nous au boulot.

Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant