Samedi 3 mai - V2

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Essonne — samedi 3 mai 2025

Léna


— Tu te rends compte qu'il a été jusqu'à dégonflé mon pneu ?

— C'est vrai, ce n'est pas cool de sa part, me confirme Chloé.

— Tu m'étonnes ! Non, mais j'ai failli louper mon rendez vous !

— Il ne pouvait pas savoir que tu avais un rendez-vous aussi important. Tu ne lui en a pas encore parlé ?

— Jamais. Il ne doit jamais savoir. Ça pourrait mettre en péril notre participation.

— Comme tu voudras.

Je profite de ma soirée avec ma meilleure amie dans notre restaurant japonais préféré pour me changer les idées. Je savoure chaque morceau de poisson cru et le laisse fondre sur ma langue. Les sashimis saumons imbibés de sauce soja sucré vont terriblement me manquer, alors je laisse le temps nécessaire à mes papilles pour imprégner ce goût et cette texture dans mon esprit. Neuf mois, c'est long.

— Tu es sûre que tu ne veux pas venir boire un verre ? me propose Chloé quand nous avons payé l'addition.

— C'est gentil, mais la journée shopping a été longue. Je rentre me reposer, décliné-je.

— J'espère pour toi qu'il n'a pas ramener une autre nana !

— Oh arrête, me porte pas la poisse !

Depuis l'épisode de lundi, j'ignore totalement Enzo. J'ai arrêté d'attendre des excuses. Quand je suis revenue de la clinique, il avait regonflé le pneu de ma voiture. Encore heureux. J'ai déposé les clés de la sienne à l'endroit même où je les avais prises et un silence glacial règne désormais dans la maison. Enfin, la plupart du temps, mais pas ce soir. Non, ce soir, Monsieur a ramené une nouvelle proie à la maison ou plutôt dans sa chambre. À en croire les bruits parvenant à mes oreilles, ce n'est pas la même femme qu'il y a deux jours. Chloé, pourquoi te donne-t-il raison ? Et pourquoi ai-je refusé ta proposition ? À cet instant, je me maudis. Il n'avait jamais invité aucune femme depuis mon emménagement, mais là c'est la deuxième en l'espace de quelques jours, je ne comprends pas. De un, il met en péril notre couverture, de deux, il pourrait à minima avoir la décence de me prévenir.

J'ai du mal à fermer l'œil, la musique dans les oreilles ne suffit pas à camoufler les râles de plaisir de l'inconnu. Bordel, qu'est ce qu'il peut bien lui faire ? Elle simule, je n'ai pas d'autres explications.

Je me réveille avec un mal de tête prononcé et l'humeur associée. L'esprit enfariné, je déambule jusqu'à la cuisine où je me chauffe du lait chocolaté. Tandis que j'erre tel un fantôme, une brune élancée ose me sortir du brouillard causé par ses propres gémissements. Les lèvres suspendues à quelques centimètres de ma tasse, je la toise.

— Oui ?

— Euh, pardon, je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un, s'excuse-t-elle, mal à l'aise.

— Je vis ici.

— Oh, je vois et ... lui et toi... vous ?

— Je crois qu'il n'était pas dans mon lit cette nuit, je me trompe ?

— Euh non.

— Et bien, tu as ta réponse.

Les mots sortent avec un naturel déconcertant, la fatigue aiguise ma langue bien pendue. Pourtant, elle n'y est pour rien si Enzo est un con mais j'ai ce besoin viscéral d'évacuer ma frustration, frustration que je ne devrais pas ressentir, qui est plus forte que moi. Léna, ça ne te ressemble pas.

— Je dois partir, finit-elle par m'annoncer. Enzo dort encore, tu pourrais lui donner ça ?

Je saisis le petit papier sur lequel figure son numéro. Elle avait tout prévu, partir au petit matin sans adieu, avec juste la décence de laisser un numéro.

— Il n'y a pas ton nom ?

Elle me regarde sans comprendre.

— Je ne suis pas sûre qu'il s'en souvienne à son réveil, me sentis-je obligé d'ajouter.

Elle tourne les talons en silence et quitte la maison tandis que je regagne ma bulle, l'esprit maussade, en la regardant rejoindre sa voiture par la fenêtre. Ai-je été trop loin ? Probablement. Œil pour œil, dent pour dent. Ce numéro, jamais il ne l'aura.

Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]Where stories live. Discover now