Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]

Mercredi 18 juin - V2

Île de Tory — mercredi 18 juin 2025

Léna

Devant moi se trouvent huit hommes que mes yeux bandés ne peuvent voir. Je me sens minuscule et insignifiante, mais surtout très mal à l'aise. Je dois les toucher, tout comme mes concurrentes avant moi. Passer avant-dernière n'est pas un avantage, j'ai le stress de leur performance ou plutôt devrais-je dire de leur échec. Seules deux ont réussi à identifier leur conjoint. Deux sur six, le ratio n'est pas glorieux. Si elles n'ont pas pu, comment le pourrais-je ? Nos contacts physiques ont été limités jusqu'ici. Nous agissons sans faire attention à nos gestes et je n'ai découvert son corps de manière tactile qu'hier. Aujourd'hui, on me demande de le retrouver parmi huit autres, sans même les voir. J'espère seulement ne pas être la dernière du classement. Je ne veux pas me ridiculiser, mais surtout, je ne veux pas mettre en péril notre couverture. Je m'accroche au maigre espoir que la nuit torride que nous avons passée puisse m'être bénéfique. J'ai mis de côté tous mes a priori et j'ai profité de son corps comme il se doit, sans penser aux conséquences.

— Bien, Léna, c'est à ton tour.

Je m'approche, guidée par le présentateur, les caméras braquées sur moi.

— Les hommes mélangez vous s'il vous plaît.

Je me mets une pression d'enfer, j'aurais préféré que ce soit les hommes qui commencent à identifier leur partenaire. J'aurais juste eu à égaler la performance d'Enzo. Avec tous les corps qui sont passés dans son lit, je ne suis qu'une parmi tant d'autres, comment pourrait-il imprimer la forme du mien ?

Je pose ma main sur la première victime sur ma trajectoire, un mollet. La première étape. Je peux éliminer autant de personnes que je veux à son insu. En cas de doute, vaut mieux ne rien dire et passer à la reconnaissance suivante, au risque de disqualifier le mauvais. Je prends mon temps, sans en abuser non plus. Pas comme Lola qui a tripoté tous les mecs de façon très prononcée et qui s'est attiré les foudres de femmes jalouses. J'ai d'ailleurs moi-même été gênée par sa pratique, alors que je ne suis même pas en couple avec Enzo. Cependant, je suis venue ici avec lui, il reste à moi, durant toutes les prochaines semaines, c'est chasse gardée.

Une peau plutôt imberbe, une autre rugueuse, un muscle camouflé ou trop dessiné sont autant de détails qui m'ont permis d'éliminer trois personnes. Pour ce qui est du reste, difficile d'être certaine de mon coup. Ensuite, je passe aux mains. Une par une, je les passe en revue, me remémorant les événements de cette nuit. Des doigts effilés ou boudinés, des ongles longs, courts ou rongés, je place aussi ma paume contre les leurs et j'arrive à mettre de côté deux autres personnes.

Prise d'un doute, mon niveau de stress grimpe en flèche. Et si je m'étais trompée ?

Pour la troisième étape, je dois seulement poser mes mains sur les épaules et évaluer leur taille. Pas le droit de tâter les muscles du buste. Je suis rassurée de constater que parmi les trois finalistes, le deuxième est très grand.

C'est bon, je l'ai trouvé !

Je ne peux pas m'être plantée. Avant d'annoncer mon verdict, je vérifie le dernier.

Merde !

J'avais oublié qu'ils sont deux à être immenses ici, et manque de bol, il se trouve également devant moi.

— Léna, il te reste un seul moyen de retrouver ton conjoint. Après, il te faudra désigner un participant. Tu es prête ? m'interroge l'animateur.

— Oui.

Il saisit alors ma main pour déposer mon doigt sur les lèvres du premier homme. Elles sont charnues, douces. Je dessine le contour de sa bouche, délicatement, épousant les formes. Des frissons me parcourent. Mon entrejambe réagit à ce contact, en souvenir de la nuit passée. Autrement dit, mon corps le reconnaît, encore imprégné de nos baisers.