Vendredi 2 janvier - V2

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Islande — vendredi 2 janvier 2026

Enzo

Je suis dans l'avion, ceinture attachée, prêt à décoller et quitter ce pays qui m'a séduit. Pourtant, je poireaute. Je ne sais pas quand je serai de retour en France. La neige reporte mon vol. Je prends mon mal en patience. J'appréhende. Comment va réagir Léna quand elle me verra débarquer ? La connaissant, elle va me passer un savon, mais pas aussi fort que le mien. Ça, c'est certain. Avec moi dans les parages, ça va filer droit. Déjà qu'on lui a détecté un retard de croissance, il y a trois mois, hors de question qu'elle prenne le moindre risque.


Essonne — vendredi 2 janvier 2026

Enzo

J'aperçois Chloé, qui m'attend dans l'espace de dépose-minute. Je me dépêche et me fraye un passage parmi les autres voyageurs cherchant leur chemin.

— Salut Chloé ! Merci d'être venue.

— De rien. C'est normal. Comment était ton voyage ?

— J'ai cru que je n'arriverai jamais. Heureusement que tu as pu venir à la dernière minute. Avec tout le retard à cause de la météo, mes potes n'ont pas pu se libérer.

— Je t'en prie. Et puis, c'est pour Léna aussi que je fais ça.

— Je m'en doute. Comment elle va ?

— Et bien, elle fait aller. Je ne te cache pas qu'elle déprime. Elle n'est pas dans un super mood.

— J'en doute pas. D'un côté allongé non-stop, y a de quoi se tirer une balle.

— C'est sûr. Je compte sur toi pour lui apporter un peu de fraîcheur.

— Je ferai au mieux. Mais déjà, je vais lui passer un savon.

— Elle ne t'a toujours rien dit si je ne me trompe pas.

— Non, la bourrique. Sérieusement, pourquoi ne rien me dire !

— Parce qu'elle te connaît, tu aurais sauté dans le premier avion, la preuve !

— Et alors ?

— Et alors, elle pense à toi et à tes rêves.

— J'ai toute la vie devant moi.

— Tu verras ça avec elle.

Sur le trajet, Chloé me raconte un peu comment cela se passe à la maison. Dans ma maison. Léna n'a pas eu le temps de déménager, elle n'a pas trouvé de logement vacant correct, avant de devoir être alitée. Elle avait fixé des visites qu'elle n'a pas pu honorer. D'un côté je suis soulagée de retrouver notre proximité d'avant.

Chloé m'apprend aussi que Léna dort toujours dans sa microchambre, elle n'a pas profité de mon absence pour accaparer mon lit. Elle me surprend, à sa place, je n'aurais pas hésité une seule seconde.

Léna est obligée de se lever un peu la journée pour aller se réchauffer à manger, c'est fini maintenant. Je serai là et son cul ne bougera pas du canapé sans mon autorisation. Pas de risques inutiles.

Chloé se gare devant la maison. Un mélange de sentiments s'empare de moi. Comment dois-je réagir avec elle ? J'ai l'envie irrépressible de l'engueuler pour m'avoir tout caché, mais d'un côté cela fait si longtemps que je ne l'ai pas vue que j'aimerais seulement la serrer dans mes bras, inlassablement. La dernière fois qu'elle se trouvait devant moi, j'ai dérapé. Elle a dérapé. Nous avons dérapé. Une fois de plus. Heureusement, la distance a calmé nos ardeurs. Juste dans un moment de faiblesse. Nous sommes amis avant tout, il ne faut pas gâcher ça.

J'actionne la poignée pour entrer en premier, le cœur battant.

— C'est pas trop tôt ! Je me fais chier, voir ta sale tronche va égayer ma journée ! balance-t-elle du séjour.

— Pourtant tu t'en es jamais plaint, rétorqué-je en saisissant la perche.

— Enzo ? Mais.. Mais qu'est-ce que...

J'ai à peine le temps de l'entendre se lever du salon qu'elle se précipite vers moi.

— Hop hop hop, va te coucher. Tout de suite, ordonné-je.

— Je ne suis pas ton chien, réplique-t-elle comme à son habitude.

Sa répartie est toujours aussi bien aiguisée. Au moins ça, ça n'a pas changé. Je ne dirais pas de même de sa silhouette. Son ventre s'est nettement arrondi. J'avais beau la voir par téléphone, de mes propres yeux, le ressenti est différent.

Elle m'enlace tendrement, en se décalant légèrement sur le côté, pour ne pas être gênée par son bombement. Je réponds à son geste, son contact m'avait manqué.

Je ne fais cependant pas durer le plaisir, d'une petite tape dans le dos, je la pousse jusqu'au divan.

— J'espère que tu as profité de ton dernier moment de folie. Maintenant que je suis de retour, on va te confondre avec le canapé.

Elle souffle comme une enfant.

— Je suis grande, tu sais ! Qu'est-ce que tu fais là d'abord ? Et c'est quoi ses cheveux ?

— Tu n'es pas contente de me voir ? Je croyais que tu avais un faible pour les blonds !

— Bien sûr que si, tu m'as manqué ! Mais je n'avais pas besoin d'une nourrice. J'en ai déjà une, ajoute-t-elle en désignant Chloé qui pointe le bout de son nez dans le salon. Traîtresse ! lance-t-elle à son égard.

— Comment tu as pu me cacher un truc pareil Léna, sérieusement ?

Et voilà qu'elle se met à bouder. Je le vois à sa moue et au fait qu'elle ne prononce plus aucun mot.

— Tu fais concurrence aux carpes ? Tu restes muette !

— Je ne voulais pas que tu t'inquiètes.

— Excuse bidon, je suis ton ami à ce que je sache.

— Et bien justement, tu vivais une expérience extraordinaire, tu étais heureux là-bas. Dans ton élément. Je voulais pas que tu reviennes pour moi.

— Parce que je ne peux pas être heureux ici ? Et te soutenir ?

— Si, mais égoïstement, je vivais à travers toi tes aventures. C'était ma petite bulle d'évasion.

— Ah, je me disais bien que tu ne pensais qu'à toi, blagué-je.

— Tu transformes toujours tout ce que je dis, tu changes pas.

— Pourquoi changer ce qui est parfait ?

Nos retrouvailles me font du bien et j'espère qu'elle ressent la même chose. À en juger par son sourire, elle est contente. Elle ne me le dit pas, elle ne voudrait pas me donner raison.

Chloé s'invite dans notre discussion et nous préparons ensemble la suite des événements, à savoir : comment gérer Léna encore quelques semaines pour qu'elle ne fasse pas le moindre effort. Je vais devoir jouer les flics H24.


Léna

Allongée sur ce foutu divan depuis des semaines, je n'en reviens toujours pas. Enzo est là ! Mon cœur a loupé un battement quand mes oreilles ont perçu le son de sa voix. Celle que je reconnaîtrai parmi toutes. Celle que j'entends désormais depuis des minutes et qui va me poursuivre encore un moment.

— Ses affaires sont là-bas. J'ai lancé une lessive, y'a pas longtemps. J'avoue avoir squatté un peu ton armoire, lui dit Chloé.

— Pas de soucis. De toute façon, elle prend ma chambre dès ce soir. Je change les draps.

— Hey ! Mais mon lit me convient très bien.

— On t'a pas sonné, me crie-t-il sans prendre la peine de venir jusqu'à moi.

— Je te file un coup de main, enchaîne Chloé, comme si elle ne m'avait pas entendu.

— Chloé, tu pourrais m'aider. Je te signale que tu m'as déjà trahi une fois, tu pourrais me soutenir.

— Elle ne t'a pas trahie, c'est Ruby !

Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang