Jeudi 15 mai - V2

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Essonne — jeudi 15 mai 2025

Enzo

Depuis qu'elle s'est exibée en petite tenue sous mes yeux attentifs, Léna flanche un peu plus chaque jour. Son humeur se dégrade, elle se renferme, la tête complètement ailleurs. Maussade, elle déambule dans la maison sans but précis. Dès mon plus jeune âge, j'ai su que les fantômes n'existent pas, pourtant, aujourd'hui cette certitude s'envole. j'ai la définition même sous les yeux. Où est la femme combative et rentre dedans ? Sa répartie me manque, son caractère trempé me manque. Nos altercations me manquent, notre proximité me manque. Tout me manque.

Léna est sous la douche, c'est le moment idéal pour exécuter ma vengeance, histoire de la faire réagir et sortir de son état végétatif. J'ouvre sans un bruit la porte de sa chambre, presque sur la pointe des pieds comme si cela influait sur le grincement du bois. Je balaie d'un geste de tête la pièce à la recherche d'une connerie à faire. L'ordinateur posé sur son lit m'envoie un signe. Je m'en saisis et appuie sur une touche. Léna, Léna, il faut mettre un mot de passe sur sa session. Des étoiles dans les yeux, tel un enfant devant un cadeau, je jubile rien qu'à l'idée de ma bétise. J'ouvre le dossier « En cours » du bureau et tombe sur des dossiers, triés par date, contenant des croquis. Ma curiosité me pousse à les ouvrir. Elle dessine vraiment bien. Tu es là pour te venger Enzo, n'oublie pas. Transporter dans son univers, je réalise que l'eau ne coule plus à retardement. Merde ! Elle a fini. Dans une frénésie de clics, je m'empresse de modifier le nom des répertoires et de mélanger les fichiers. Bonne chance ! La poignée de porte en main, je vais pour refermer derrière moi, quand je suis attiré par une petite glacière branchée.

— Qu'est ce que tu fous dans ma chambre ? tonne-t-elle.

— Oh, crois moi tu le sauras bien assez tôt.

— Enzo, je ne suis pas d'humeur.

— Ça je sais, ça fait plusieurs jours que j'ai l'impression de côtoyer un mort.

— Arrête tes bêtises, n'abuse pas !

— Pourquoi t'as une glacière ? T'as peur que je te vole ta bouffe ?

— Occupe toi de ton cul, OK ?

— Regarde, susceptible comme pas deux la petite !


Léna

Assise sur mon lit, je me ronge les ongles. Mes jambes tressautent, les larmes flirtent avec la lisière de mes paupières. Pourquoi je me mets dans un état pareil ? Est-ce qu'Enzo a ouvert la glacière ? Est-il au courant ? Léna, calme-toi. Relax.

Ici, c'est mon espace, qu'est-il venu faire dans ma chambre ? Un changement de luminosité attire mon attention sur l'écran de mon ordinateur, pourtant en veille quand je suis partie

— Enzo ! Qu'as tu fait avec mon PC ?

— Rien, crie-t-il.

— Crache le morceau !

— Mets-toi au boulot et tu sauras.

Je peste contre moi-même. Léna, pense à mettre un mot de passe, tu ne vis plus seule !

Après quelques exercices de respiration, je m'installe dans le salon pour travailler comme à mon habitude. J'ai accepté un certain nombre de projets que je dois honorer dans les temps. Si je me laisse aller, impossible de respecter le contrat. Une surcharge de boulot en cette période n'était pas une bonne idée. Je ne pensais pas être aussi fatiguée et aussi à fleur de peau. Rien qu'à me voir, on le comprendrait. Cependant, trois mois sans salaire pour l'émission, ça se prévoit, ça s'anticipe.

Quand j'ouvre mes dossiers, je comprends son manège, mais ne dis rien. Je ne lui ferai pas ce plaisir et puis comparé à ma performance de l'autre jour, il est un petit joueur. Aujourd'hui, je me suis lassée, je n'ai plus envie de répliquer, prête à rendre les armes si Enzo signe l'armistice.

— Tu manges avec moi ce midi ? demandé-je à Enzo.

— On se parle maintenant ?

— T'as raison, mauvaise idée, répliqué-je en saisissant mon portable pour prendre l'appel.

— Allo ?

— Bonjour, je vous appelle au sujet du casting Amour et embûches. Est-ce bien Léna Rolane au téléphone ?

— Oui, je vous écoute.

— Votre candidature est retenue.

— C'est vrai ? J'y crois pas.

— Vos tests médicaux sont normaux et votre vidéo a été sélectionnée par le jury. Félicitations. Vous recevrez par mail la procédure pour confirmer votre présence. Avez-vous des questions supplémentaires ?

— Non, merci beaucoup.

— Je vous laisse avertir votre conjoint.

— Bien entendu. Merci.

— Au revoir et à bientôt.

Je raccroche, sourire aux lèvres. Voilà qui me remet du baume au coeur.

— Enzo ?

— Oui ?

— Je crois que tu vas manger avec moi finalement.

— Et pourquoi donc ?

— Car j'ai une annonce à faire.

Avec sa posture nonchalante adossée à l'entrée du salon, il me regarde, interrogateur.

— Tu vas me la dire ou me faire languir te fait plaisir ?

— Hum... laisse moi réfléchir.

Devant sa moue, je cède.

— On fait partie de l'aventure !

— On est pris ?

— C'est ce que je viens de dire !

Il saute de joie et je me laisse aller par sa bonne humeur contagieuse. Nous spéculons sur la suite, sur l'île, sur les autres candidats. Tous les rêves sont désormais permis. Puis il sort la question, celle que j'attendais.

— Mettons notre petite guerre de côté, tu ne crois pas ?

— Alors que la dernière crasse vient de toi ? m'offusqué-je faussement, la main sur la poitrine.

— Ça va c'était gentillet, tu ne crois pas ?

— Quand je vois encore ta coupe de cheveux... je confirme.

— On a un accord ?

Une poignée de main plus tard, nous voilà partis sur de nouvelles bases. Des excuses faciles après ce qu'il m'a fait vivre, même si je n'y suis pas allée de main morte non plus. Cependant, un regard furtif sur ventre atteste que je suis prête à tout pour gagner. Pour ça, une bonne entente est primordiale.

Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]Where stories live. Discover now