Dimanche 31 aout - V2

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Essonne — dimanche 31 août 2025

Enzo

Il est tard quand je passe le pas de la porte de ma maison. Elle m'avait manqué. J'attendais avec impatience de dormir dans mon lit. L'hôtel de la nuit dernière était pas mal, mais là, mon kingsize, j'en ai rêvé depuis le premier jour de l'aventure. Son confort, son moelleux.

— Avoue, dormir dans un vrai lit ça fait kiffer ?

— Un vrai lit ? Parle pour toi... je te rappelle qu'ici j'ai qu'un clic clac !

— Pas faux. Mais bon, c'est mieux qu'en Irlande non ?

— C'est difficile de faire pire de toute façon. Nan, mais ça va, il est confortable le lit.

Heureusement d'ailleurs, sinon je ne serais pas là.

Je décharge la voiture tandis qu'elle s'éclipse aux toilettes. Serait-ce vrai qu'une vessie de femme enceinte est capricieuse ? Pourvu qu'elle ne se lève pas toutes les nuits, que je ne regrette pas mon choix.

J'embrasse Léna sur le front tout en lui souhaitant bonne nuit. J'attends d'être seul pour sauter sur mon lit comme un gosse et me rouler dans la couette. Je joue à faire l'ange sur mon matelas comme je le ferais allonger dans la neige. J'imaginais trouver le sommeil facilement vu l'heure avancée, mais ce n'est pas le cas. Je me sens seul, tout d'un coup. Je me suis accoutumé à la présence de Léna à mes côtés. Juste l'entendre respirer, sentir sa chaleur sans même la toucher. Je dois reprendre mes habitudes d'homme célibataire mais c'est plus fort que moi. Je me risque à aller voir celle qui occupe mes pensées et constate qu'elle dort paisiblement, effondrée. Je retourne dans mon entre et finit par sombrer également.

***

— Bien dormi ? lui demandé-je.

— Comme un bébé !

— Des choses de prévues aujourd'hui ?

— Non pas vraiment, je vais vider un peu mes affaires. Je peux les mettre où ?

— Je vais te faire de la place.

— Au fait, tes réseaux, ça donne quoi ? s'inquiète-t-elle.

— Je n'ai pas encore regarder. Je me laisse le temps de revenir. J'appréhende un peu.

— À ouais ? Pourquoi ? C'est ta vie, les réseaux, l'influence. Tu ne peux pas rester absent encore alors que tu es de retour. Tout le monde doit t'attendre.

— Je sais, je vais m'y remettre. Tu ne me laisses pas de répit hein !

— Je pense à ta carrière c'est tout ! me taquine-t-elle.

En réalité, j'ai peur de ce que je vais trouver. J'ai peur de voir l'image que j'ai renvoyée à l'écran. Les réseaux sociaux sont un monde à part. Tout y est intensifié. Un jour, tu peux être la personne la plus en vogue, la plus appréciée, recevoir des vagues d'amour et le lendemain, être la risée de tout un pays. Les gens déversent toute leur haine, presque en toute impunité, bien que ce point s'arrange un peu en France. À croire que parce qu'il y a un écran entre eux et leur cible, ils se permettent tout et n'importe quoi.

— On regarde ensemble ? lui demandé-je pour trouver le courage de le faire.

— Si tu veux.

Sa présence me rassure. Elle a vécu les événements en même temps que moi, mais de son point de vue. Elle est à même de savoir si je me voile la face ou si les hypothétiques propos sont justifiés. D'un côté, je ne suis qu'un égoïste, encore une fois. Je lui demande de me tenir compagnie pour me lancer, mais je ne lui ai pas dit qu'elle risquait, elle aussi, d'avoir des commentaires négatifs à son encontre. Peut-être ne voulait-elle tout simplement pas les voir ? Avec moi, elle n'a pas d'autre choix que d'y faire face.

— Tu sais qu'y aura peut-être des choses sur toi ?

— J'espère bien avoir fait quelques envieuses, me répond-elle pour détendre l'atmosphère.

— Tu n'es pas obligée.

— Enzo, grouille-toi, ou je jugerai que tu n'es qu'une poule mouillée ! Moi perso, ma plus belle réussite est là, me dit-elle en caressant son ventre, légèrement bombé, je ne dois rien à personne.

Avant de passer pour une mauviette, je saisis mon téléphone tout récemment récupéré et ouvre Instagram. La pastille rouge m'indique déjà la tonne de notifications que j'ai reçues durant mon absence. Je n'ai rien posté pendant l'émission, coupé du monde. Pourtant, j'ai gagné plus de quarante mille abonnés, c'est complètement dingue. Un bond aussi grand est un vrai coup de pouce pour la carrière que je veux suivre. Si j'arrive à conserver ma communauté, il sera bien plus simple de convaincre les marques d'accepter des partenariats avec moi. Je jubile intérieurement. À part ce gain de followers, mon compte est tel que je l'ai laissé en partant. Face à mon ton neutre, Léna réagit.

— Tu t'attendais à quoi ? Que quelqu'un poste pour toi ?

— Non, bien sûr que non. Jusque là tout était prévisible. Mais je n'ai pas fait un tour sur ma messagerie privée, ni sur les comptes fans ou sur celui de l'émission. C'est eux qui me font peur.

— Ah ! Donc tu avoues avoir la trouille. T'inquiète pas, je peux te tenir la main si tu veux.

La taquinerie est son arme pour détendre l'atmosphère, pour évacuer son stress. J'ai eu le temps ces derniers mois de décrypter son caractère. L'humour est très présent chez elle, quand elle veut fuir une situation embarrassante ou encore faire passer un message de manière plus subtile. Je pourrais rédiger un mode d'emploi sur elle.

J'ouvre ma boîte privée. Les messages se chargent au fil de l'eau, mais impossible d'afficher la totalité. Trop de conversations sont en attente d'être lues et je ne peux pas remonter plus loin qu'il y a une semaine. Parmi celles que je parcours rapidement, il y a principalement des mots pour me réconforter de ne pas avoir remporté le jeu, pour me dire que je le méritais et que la production n'avait pas le droit d'outrepasser les votes. Certains nuancent, en disant que c'est normal pour ne pas avoir respecté les règles. Sans surprise, quelques messages sont plutôt haineux, à base de bien fait pour ma gueule si j'ai perdu, je ne suis qu'un connard, et j'en passe. Je décide de ne pas m'arrêter là-dessus. Finalement, je suis soulagé de ne pas avoir accès à ce que j'ai pu recevoir en amont.

— Tu vois, ce n'est pas si terrible.

— On regarde le compte de l'émission ?

— Et pourquoi ne pas laisser ça derrière nous ? Après tout, ce qui compte ce sont les gens qui te suivent ! Tu ne dois rien aux autres, alors pourquoi aller voir ce qui a pu se dire ?

— J'en sais rien, pour savoir à quoi m'attendre sûrement.

— Cela influencera ton opinion ? As-tu vraiment envie de te justifier ? Moi perso, je pense qu'on n'a rien à se reprocher. Personne n'a vécu notre aventure, personne n'a été dans nos conditions alors personne ne peut réellement comprendre. Je resterai sur mes souvenirs, sans chercher à voir l'image qu'on a de moi. Je suis comme je suis, que ça plaise ou non. Et tu devrais faire de même. Les gens aiment l'authenticité. Tout ce qui est surjoué n'intéresse plus depuis un moment désormais, tu devrais le savoir.

— Tu sais que tu ne dis pas que des conneries ?

— Contente que tu t'en rendes enfin compte. T'as qu'à faire une story pour les remercier.

Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt