Jeudi 22 mai - V2

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Essonne — jeudi 22 mai 2025

Léna

Je me réveille en douceur, seule mais avec les draps encore chaud du corps d'Enzo. Son odeur imprégnée dans le coton, je renifle allégrement. Je m'octroie ce plaisir après la nuit mouvementée, j'en ai bien le droit. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été hantée par mes démons. Est-ce parce que j'approche de mon but que les souvenirs ressurgissent ?. La présence d'Enzo était d'un réconfort déconcertant, j'ai fini ma nuit paisiblement au creux de ses bras, mais je m'en veux. Je m'en veux d'avoir été faible, de lui avoir révélé mon secret. Maintenant, il sait, et son regard ne sera plus jamais le même.

Je rassemble mes affaires et me prépare en attendant Chloé. Mon amie m'accompagne aujourd'hui, c'était évident. Cela fait plusieurs jours déjà qu'elle est mon alibi lorsque je me rends à la clinique pour des contrôles, afin de s'assurer du bon développement des follicules de mes ovaires. C'était un stress permanent jusqu'à hier l'aval pour le déclenchement. Dans quelques heures tout ce processus sera terminé. Enfin ! J'ai hâte car je ne me reconnais plus. Fatiguée, susceptible, teint blafard, prise de poids et j'en passe. Même Enzo, pourtant centré sur lui-même et nos crasses a remarqué un changement dans mon comportement, persuadé que je lui cache quelque chose. Puis-je lui donner tort ?

Ding-dong.

— Léna ! s'écrie Chloé lorsque j'ouvre la porte.

— Salut ! Viens ! entre deux minutes.

— Le beau goss est là ? crie-t-elle pour se faire entendre.

— Lui-même !

Bien évidemment, Enzo répond présent à sa flatterie. Ces deux-là s'entendent bien malgré les coups bas qu'il m'a fait subir. Nos gamineries la font rire plus qu'autre chose, tant que ça reste « bon enfant ». C'est assez marrant de les voir interagir ensemble, comme s'ils se connaissaient depuis des années. Chloé, dans la confidence de notre faux couple, persiste à vouloir nous caser pour de vrai.

Je m'assure de n'avoir rien oublié avant de lancer à Enzo.

— Je ne suis pas certaine de rentrer ce soir, ne m'attends pas.

— Encore ? Euh d'accord. Pas de folie par contre ? C'est la dernière ligne droite !

— Comme si je ne le savais pas. Idem pour toi, tu sais !

— Hum hum.

« Hum hum » sa réponse favorite en ce moment. Un « hum hum » qui veut tout et rien dire. À moi d'en choisir la définition.

Je m'engouffre côté passager dans le véhicule de Chloé. Elle me conduit. Avec l'histoire du pneu dégonflé, j'ai assuré mes arrières.

— Comment te sens-tu ? me questionne-t-elle, une fois à l'abri d'oreilles indiscrètes.

— Stressée et j'ai peur.

— Je comprends. Je serai là pour toi, t'inquiète pas.

— Je sais.

Seules résonnent dans l'habitacle le bruit du moteur et la musique accompagnés des fausses notes sortant de sa bouche de Chloé. Sa voix possède tous les atouts nécessaires pour apporter la pluie en pleine canicule. Je l'aime comme ça, avec sa folie qui me fait du bien. Je la remercie de cacher ses doutes et ses angoisses pour ne pas alourdir les miennes.

En salle d'attente, mes mains moites jouent aux allers retours sur mes cuisses. Toute la rangée de sièges tremble sous l'action de mes jambes. Je suis désolée pour les autres patients, mais ces gestes sont incontrôlables, un mécanisme d'auto apaisement.

— Madame Rolane ?

Je saisis Chloé par le bras, elle est mon pilier. L'heure fatidique approche au même rythme que mes pas me transportant en salle.

— Avez-vous bien fait votre injection pour le déclenchement hier soir à vingt-deux heures ? me questionne la spécialiste.

— Oui.

— OK parfait. Vous avez bien compris l'étape d'insémination d'aujourd'hui ?

— Oui, je crois.

— Très bien, détendez-vous et allez vous installer. Votre amie reste auprès de vous ?

— Oui, si possible.

— Aucun problème.

Chloé se positionne à ma droite. Elle me regarde droit dans les yeux, ma main fermement contenu dans la sienne qui effectue des caresses concentriques sur le revers. Elle me parle, m'occupe l'esprit.

— J'y vais, m'informe le gynécologue, la tête entre mes jambes..

Je me focalise sur la voix de Chloé, la sensation est désagréable, sans être douloureuse. J'avais imaginé quelque chose de bien pire. Tandis que j'écoute les âneries que prononce Chloé, l'intervention s'achève.

— Et voilà Madame Rolane, je vous laisse patienter quelques instants dans cette position et nous aurons terminé.

— T'es très glamour comme ça ! me chuchote mon irrécupérable copine.

— Roh ça va toi !

Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]Where stories live. Discover now