Amour et Embûches [Sous contrat d'édition]

Lundi 24 mars 2025 - V2

Seine-et-Marne — lundi 24 mars 2025

Léna

    Le son de la douche me tire doucement du sommeil. Enzo est plutôt discret mais n'ayant pas l'habitude de partager un logement, le moindre bruit me réveille. Dire que je vis avec un parfait inconnu. Chez lui. Ma détermination n'a donc aucune limite et va jusqu'à faire semblant d'être en couple avec un mannequin. Moi avec cet énergumène ? Quand on connaît l'aversion que j'ai envers la gent masculine qui pourrait bien croire que je partage désormais mes nuits avec le cliché par excellence du genre ?

Ma précédente histoire amoureuse m'a littéralement détruite. Hors de question de me retrouver à nouveau dans une relation avec un homme. Violence verbale, morale, tromperie, j'ai eu ma dose. Je ne vis dorénavant que pour moi. Pour moi et mon futur enfant. Parce que oui, si je ne veux plus être en couple, je rêve de connaître les joies de la maternité. Je déborde d'amour à donner et je l'offrirai à mon enfant. Cette décision prise il y a des années est mûrement réfléchie. J'aurai un enfant. Seule. À trente ans, je suis stable, indépendante et capable d'assumer ce rôle à temps complet. J'en ai envie, j'en ai besoin. Chloé, ma meilleure amie, est d'un soutien sans faille dans ma démarche. Je ne peux pas en dire autant de mes parents qui ne comprennent pas ce choix personnel. Pour eux, je gâche ma vie et anéantis toute chance de retrouver un homme. Leurs cerveaux pourtant bien constitués n'intègrent pas que je souhaite être mère célibataire, quelque soit les difficultés que cela représente. Ils sont de la vieille école, pour eux, c'est simple, je ne respecte pas l'ordre naturel des choses et me renient pour ma position assumée.

Je me lance corps et âme dans l'aventure Amour et embûches pour ce projet d'une vie, comptant sur la récompense promise aux gagnants pour offrir le meilleur à ce petit être.

La tartine saute du grille-pain pour s'écraser sur le plan de travail. Je l'attrape, l'enduit d'une bonne couche de beurre en me brûlant les doigts et la dépose dans une assiette. L'odeur toastée me met l'eau à la bouche. Je m'installe confortablement sur la table du salon, l'ordinateur sous les yeux. Une main se met machinalement en activité tandis que l'autre apporte à mes lèvres de manière alternée soit la tasse fumante de chocolat chaud, soit la tranche de pain désormais huileuse.

— Déjà au boulot ? me questionne Enzo en sortant de la douche.

— Il faut bien ! On a un objectif à atteindre.

Il se poste dans mon dos, approche son visage trop près du mien pour scruter mon écran. Son souffle chaud chatouille mon épiderme qui réagit sans me demander mon avis. Le traître.

— Si tu restes campé comme ça derrière moi, je vais avoir du mal à bosser.

— Oh pardon. Je contemple juste comment tu fais les montages photo.

— Un jour je te montrerai, mais là je n'ai pas trop le temps. Il faut que tout soit prêt rapidement, que tu puisses les poster sur les réseaux sociaux.

— Tu as raison, les quelques détracteurs d'hier ne pourront plus chercher la petite bête.

— Au fait, dis-moi ! Tu t'es couché à quelle heure ? Parce que j'ai vu l'heure de ton mail, quasiment deux heures du mat !

— Je suis un couche tard, tu sais, me glisse-t-il sensuellement avant de me laisser vaquer à mes occupations.

Est-il toujours comme ça, séducteur, ou commence-t-il à jouer la comédie ?

Je fais défiler les images et recherche, parmi mes propres possessions, des portraits de moi qui s'associent parfaitement avec ses clichés. Je les sélectionne, les copie, me détoure et m'intègre dans les photos d'Enzo, tout en jouant avec les ombres et le relief. Ces retouches me prennent la matinée pour que le rendu soit irréprochable, comme si j'y étais réellement. Heureusement, je m'y connais, cela fait partie de mon boulot de graphiste.