Faux Semblants

Chapitre 22

Drago ne pouvait pas détourner le regard de Potter alors que ce dernier commençait à parler. Il avait l'air terriblement vulnérable et c'était quelque chose qui dérangeait énormément Drago. Il avait toujours vu Potter comme quelqu'un de fort, d'indestructible ou presque.

Ce garçon fragile et hésitant, au bord des larmes, l'effrayait et lui tordait le cœur.

Après une brève pause, comme pour laisser à Drago le temps de réagir, Potter reprit, dans un souffle tremblant.

— J'étais avec Hermione et Ron, et nous avons vu le professeur Rogue passer devant nous, avec l'air pressé. Je savais qu'il allait le rejoindre et nous l'avons suivi, jusqu'à l'intérieur de la cabane hurlante. Je ne sais pas ce que j'imaginais, mais... il a lancé son serpent sur Rogue et... il l'a laissé pour mort.

Drago hoqueta, toutes ses hypothèses sur la mort de Rogue devenant soudain vraies. L'homme avait été tué par Voldemort lui-même... Potter hésita, avant de continuer.

— Quand nous sommes arrivés près de lui, Rogue était encore en vie. Agonisant, mais... il a eu le temps de me donner ses souvenirs. Nous sommes restés près de lui autant que possible, mais il n'y avait rien à faire. Je me suis faufilé dans le bureau du directeur pour utiliser la pensine de Dumbledore et j'ai découvert que Rogue n'était pas un Mangemort fidèle, bien au contraire. Toutes ces années, il a joué les espions pour Dumbledore et il a œuvré pour le faire échouer.

Drago renifla, amer. Rogue avait été son professeur préféré, probablement parce qu'il avantageait outrageusement les Serpentard, mais il se sentait... trahi.

— Il n'a jamais essayé de m'aider. De m'empêcher de prendre cette marque. Ma mère semblait certaine qu'il ferait tout pour m'aider et il a tué Dumbledore à ma place, mais...

Potter l'interrompit, avec une grimace.

— Dumbledore était mourant. Il le savait et il avait convaincu Rogue de le tuer lui-même pour ne pas que tu aies à salir ton âme. Dès le début, ils avaient tout prévu.

Drago émit un grognement presque désespéré, alors qu'il avait l'impression qu'une partie de ses certitudes s'effondraient. Il murmura, craignant soudain ce qu'il allait apprendre d'autre.

— Qu'ont-ils caché de plus ?

Potter hésita, avant de soupirer, comme résigné.

— Dumbledore n'avait pas un seul instant envisagé que je me batte. Je suppose que c'est pour cette raison qu'il m'a poussé dans une scolarité presque normale, sans me donner d'entraînement supplémentaire... Je devais juste me sacrifier. Mourir de... sa main.

Alors qu'il se perdait dans ses pensées, Drago le dévisagea, choqué. Le jeune homme semblait accepter cette situation avec un calme que Drago lui enviait, parce qu'en cet instant, la colère bouillonnait en lui. Il ne pouvait pas accepter que tout ce qui avait été dit sur Potter ne soit qu'un immense mensonge, alimenté par Dumbledore en personne. Le vieil homme avait poussé le Gryffondor encore et encore sous le feu des projecteurs, laissant reposer sur ses frêles épaules l'avenir du monde magique, tout ça pour en faire un sacrifice au dernier moment ?

Drago se pencha vers Potter et attrapa sa main, l'obligeant à le regarder.

— Pourquoi ?

Potter déglutit et il se tortilla, mal à l'aise, mais Drago le tenait fermement et il ne détournait pas les yeux du regard vert. Il se moquait bien que son comportement puisse sembler fou, il avait besoin de savoir. Il avait déjà un doute, un horrible doute, mais il préférait attendre la vérité de la bouche du principal concerné.

Potter cessa de lutter, laissant sa main dans celle de Drago et ses épaules se relâchèrent, puis il redressa légèrement le menton, avec une lueur de défi dans le regard. C'était ça que Drago appréciait chez lui, cette combativité sans limite... et il lui serra brièvement la main pour l'encourager ou pour le rassurer, il ne le savait pas lui-même.

— J'étais l'un d'entre eux. Un de ses horcruxes. Ma cicatrice... En tuant ma mère, son âme déjà instable s'est déchirée une fois de plus et s'est accrochée à la dernière forme de vie de la pièce. Moi.

Drago aurait probablement dû être horrifié et s'écarter de Potter aussi rapidement que possible. Cependant, c'était Potter et même s'il avait abrité une part de Voldemort, il ne pouvait pas être plus différent du mage noir...

Il esquissa un sourire triste et il murmura, presque affectueusement.

— Il fallait que tu réalises l'impossible une fois de plus, n'est-ce pas ?

Potter hésita, avant de rouler des yeux, ne cachant pas son soulagement. Drago leva un sourcil moqueur.

— Tu pensais que j'allais me mettre à courir loin d'ici en hurlant ?

Le jeune homme pinça les lèvres et finit par hausser les épaules, en marmonnant.

— Quelque chose comme ça, en effet. C'est plutôt...

Potter s'interrompit, comme s'il ne trouvait pas d'adjectifs suffisamment fort pour qualifier son statut d'horcruxe. Drago renifla, essayant de masquer son inquiétude.

— Donc, maintenant, tu es tout seul là-haut ? Pas de... colocataire psychotique ? J'ai toujours su que tu avais un grain de folie, Potter, donc je ne peux pas dire que je suis totalement surpris.

Potter laissa échapper un rire nerveux et il bouscula Drago.

— Crétin. Mais oui, l'horcruxe est mort. C'est ce truc qui m'a permis de survivre à l'Avada...

Drago hocha la tête, satisfait.

— Parfait. Donc, il est mortel, tu es en vie. Tu n'as plus à te sacrifier. Par Merlin, j'aimerais tellement qu'il apprenne que tu as survécu grâce à un de ses morceaux d'âme. Qu'il découvre qu'une part de lui est morte pour te protéger... ce cinglé en exploserait probablement de rage !

Potter le regarda un instant, surpris, puis il se mit à rire.

— Je n'avais pas vu les choses sous cet angle... je te promets de le lui dire lorsque je serai face à lui... et je t'offrirai le souvenir de sa réaction si tu veux.

Drago préféra ne pas répondre. Il ne voulait pas rappeler à Potter qu'il ne survivrait probablement pas au rythme où allaient les choses. Sans compter qu'il serait tué sans sommation si sa trahison était découverte...

Il dévisagea Harry Potter avec sérieux, notant ses cernes et sa perte de poids, et il secoua la tête, avec un soupir.

— Bon sang, Potter. Tu es libre maintenant, tu aurais pu fuir à l'autre bout du monde et refaire ta vie. Tes amis sont en sécurité, d'après ce que je sais... Qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi es-tu revenu ?